Le saturnisme, le mal des pauvres
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Effondrements, risque d'incendie, infiltrations, inondations… les habitants des immeubles insalubres sont menacés par de nombreux dangers imminents, mais un autre mal les ronge, invisible celui-là, car ses conséquences n'apparaissent qu'à plus long terme et atteignent principalement le développement psychomoteur des enfants : il s'agit du saturnisme. Cette maladie se détecte par une simple prise de sang. Les enfants les plus exposés sont ceux qui habitent dans des logements construits avant 1948 et dont les murs sont recouverts de peinture contenant du plomb. Or l'Association des familles victimes de saturnisme estime que 70 % du parc immobilier parisien date d'avant 1948 (bien sûr, dans la plupart, les peintures ont été refaites depuis) et que 150 000 logements dégradés abritent des enfants en bas âge. Bien orientés par les travailleurs sociaux, les enfants vivant dans des appartements insalubres sont normalement suivis par les centres de la Protection maternelle et infantile (PMI). Malheureusement, tous les enfants, notamment les plus jeunes pas encore scolarisés, ne sont pas connus des services sociaux. Dans les taudis de la rue Petit (XIX e ), où vivent 112 enfants, 23 d'entre eux n'ont jamais été dépistés, indique une enquête de Médecins du monde. Même lorsqu'ils sont suivis, les examens doivent être pratiqués régulièrement (tous les trois à six mois) pour surveiller le taux de plombémie dans le sang, qui ne doit pas dépasser 100 microgrammes (µg) par litre.
A partir de 250 µg/l, l'Inserm recommande une intervention urgente et un relogement de la famille « dans les trois semaines », ce qui rarement le cas. Rue Petit, un enfant né en 1992 présentait en janvier 1995 une plombémie de 250 µg/l. Dans le même immeuble, chez un autre enfant né en 1996 était détectée une plombémie de 560 µg/l ! Enfin, un troisième, âgé de 4 ans, a vu son taux descendre puis remonter six mois plus tard. A partir de 250 µg/l, un traitement s'impose (prescrit par injection, il nécessite une hospitalisation). Dans son rapport sur les taudis de la rue Petit, Médecins du monde note que le travail de prévention de la PMI porte ses fruits, car les plus petits sont moins intoxiqués que leurs grands frères, mais c'est insuffisant puisque l'on sait désormais que les conséquences de cette intoxication sont irréversibles. Aujourd'hui, la communauté médicale et scientifique reconnaît unanimement que, même à faible dose (150 voire 100 µg/l), l'exposition au plomb est responsable d'une diminution du quotient intellectuel, de retards psychomoteurs, mais aussi d'une diminution des capacités d'apprentissage et du développement chez les enfants. La première mesure préconisée par Médecins du monde est la protection des enfants habitant les sites à risque « avant l'intoxication avérée », soit par des travaux, soit par un relogement quand le logement est inadapté
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