Le logement et l’immobilier ne sont malheureusement pas les seuls domaines où des lois adoptées par le parlement ne sont pas applicables faute de textes réglementaires - décrets et arrêtés - prévus pour leur application, à l’instar de la loi « SRU » qui attend depuis quatre ans son dernier grand décret pour les règles comptables à appliquer par les syndicats de copropriétaires, ce qui a obligé le gouvernement à faire reporter deux fois la date d’entrée en application… Pour la deuxième fois depuis le début de la législature, le premier ministre a fait un rappel à l’ordre à l’occasion de sa communication annuelle au conseil des ministres relative à l'application des lois et la transposition des directives et décisions-cadres communautaires (1).
Il a rappelé quelques sains principes comme celui que l'adoption dans les meilleurs délais des décrets d'application des lois votées depuis le début de la législature et des ordonnances prises en application de l'article 38 de la Constitution est une condition nécessaire pour que les réformes entreprises entrent dans les faits. Il a même demandé aux ministres d'apporter au suivi réglementaire des lois et des ordonnances la même attention politique qu'à la préparation de la loi, en veillant en particulier à ce que ces décrets soient préparés en même temps que le projet de loi ou d'ordonnance et que leur publication suive de près celle de la loi ou de l'ordonnance. Enfin, Il a mis en garde les ministres contre l'excès de législation, « qui nuit à la sécurité juridique », leur rappelant qu'il existe d'autres instruments pour mener une politique de réforme efficace, ainsi que le montrent, par exemple, les progrès réalisés dans le domaine de la sécurité routière…
L’analyse de ce qui s’est passé depuis deux ans, par exemple pour les ascenseurs montre que ne sera malheureusement qu’un vœu pieux, tant la précipitation des politiques est grande à faire voter des lois, seul « marqueur » médiatique de leur action, l’application sur le terrain des lois adoptées ne concernant ensuite que les spécialistes…
Il est également demandé aux ministres de poursuivre leurs efforts pour résorber le déficit de transposition des directives et décisions-cadres communautaires, qui met la France au rang des mauvais élèves vis à vis de ses partenaires. Comme une grande partie des difficultés de transposition vient la plupart du temps de la découverte à cette occasion de la découverte des conséquences juridiques, budgétaires, techniques ou administratives des projets d'actes communautaires, il leur est suggéré de réaliser des études de ces conséquences à la négociation de ces projets d'actes communautaires de façon à être mieux préparés à leur transposition… Que n’y avait-on pas pensé plus tôt !
Réaliste, le premier ministre s’est tout de même félicité que la moitié des décrets d'application des lois votées sous l'actuelle législature ont été pris et que cette proportion ait « plus que doublé par rapport à l'an passé ». Ce satisfecit est quelque peu contredit par les conclusions que le Sénat tirait début décembre dans son traditionnel rapport annuel sur le bilan de l'application des lois, établi au 30 septembre 2004. En 2003-2004, dans des conditions d'activité législative quasiment identiques à l'année précédente, le progrès du taux d'application, au 30 septembre, des lois votées au cours de l'année écoulée, qui passe de 9,7 % en 2002-2003 à 14,4 % en 2003-2004, ne doit pas selon le Sénat être surestimé : il demeure encore assez éloigné des niveaux constatés antérieurement, de l'ordre de 20 %.
Le fait que le nombre de mesures réglementaires à prendre, sous forme de décrets ou d'arrêtés, ait augmenté d'un exercice à l'autre dans la proportion du quart (699 en 2003-2004, contre 559 en 2002-2003), rend évidemment la tâche plus difficile, mais révèle aussi un mode de fonctionnement tendant de plus en plus à utiliser le travail parlementaire à des fins médiatiques…
A preuve le recours de plus en plus fréquent à la déclaration d'urgence pour l'adoption des lois : le Sénat note qu’il n'a toujours pas influé sur le rythme du suivi réglementaire : : les délais de publication des textes réglementaires ont été plus longs : en 2003-2004, 75 % des mesures ont été prises en moins de 6 mois, contre 83 % en 2002-2003…
Notons tout de même que le gouvernement admet l’urgence de la situation au point de se mettre à lui-même des gardes-fous : la loi de simplification du droit qu’il vient de faire adopter (3) prévoit qu'il devra présenter au parlement un rapport sur la mise en application de chaque loi, dans un délai de 6 mois suivant la date de son entrée en vigueur...
(1) Conseil des ministres, communiqué du 20 décembre 2004
(2) Sénat, communiqué de presse du 7 décembre 2004
(3) loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit
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