Alors que le préfet de Paris vient de fixer les nouveaux loyers de référence qui s'appliqueront, quartier par quartier, dans la Capitale à partir du 1er août 2016, Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, a signé le 29 juin l'arrêté étendant au territoire de l'unité urbaine de Paris l'agrément de l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (OLAP). Le périmètre comprend 412 communes. Ainsi que l'explique le ministère dans un communiqué, cet agrément est une étape indispensable vers la mise en œuvre de l'encadrement des loyers dans les communes concernées. Ce qui ne veut pas dire que l'encadrement s'appliquera à coup sûr et quand ! En effet, l'encadrement nécessite de collecter, au préalable, des données fiables sur les niveaux de loyers pratiqués sur les territoires considérés. Un travail considérable, qui ne sera probablement pas terminé avant la mi 2018...
Rappelons que l'encadrement des loyers, promesse du candidat Hollande, a été prévu par la loi ALUR du 24 mars 2014 pour toutes les "zones tendues", en l'occurrence dans près de 1.151 communes réparties dans 28 agglomérations différentes, mais que le tout nouveau Premier ministre, Manuel Valls, après le départ de Cécile Duflot, avait fait machine arrière, impressionné par les critiques des propriétaires immobiliers et des professionnels, le restreignant à titre "expérimental" à Paris. C'était dans le cadre d'un plan de relance pour le logement présenté le 29 août 2014. Puis, après que Martine Aubry et le maire de Grenoble aient quelques jours après réclamé le maintien du projet d'encadrement pour leur ville, il avait ajusté sa position en admettant la possibilité de l'appliquer à la demande du maire. Emmanuelle Cosse semble vouloir revenir sur ce principe et imposer l'encadrement sur l'ensemble de l'agglomération parisienne, mais au mieux, cette tâche incombera à son ou sa successeur(e). Il s'agit donc d'un effet d'annonce qui a néanmoins déclenché le tollé habituel de la part des organisations de propriétaires immobiliers (UNPI et Chambre des propriétaires notamment), et de manière quasi-réflexe de celle des professionnels (FNAIM, UNIS, etc.). Avec l'argument habituel : l'encadrement nuira aux locataires en poussant les propriétaires vendre ou en les dissuadant d'entretenir correctement leur patrimoine.
Mais qu'en est-il de l'application de l'encadrement à Paris depuis un an ? Dans un communiqué du 2 juillet, les fédérations d'agents immobiliers et administrateurs de biens FNAIM et UNIS, ainsi que l'association Plurience des grands groupes d'administration de biens rappellent la position du Premier ministre de 2014, et réclament, avant toute extension de l'encadrement, une mission d'enquête parlementaire faisant le bilan de son application à Paris. A entendre les propriétaires et professionnels, les bailleurs fuiraient la Capitale pour la périphérie, et si l'encadrement est étendu, ils fuiront en province ou à l'étranger. Ou ils opteront pour la location meublée de courte durée, fût-ce dans l'illégalité...
En réalité, rien de tel ne semble s'être produit : le marché parisien n'est pas inondé d'offres de vente ! Les loyers ont un peu baissé (-2% sur un an selon la FNAIM, alors qu'ils ont très légèrement augmenté en moyenne ailleurs), effet probable de l'encadrement mais modéré car il ne s'applique qu'aux nouvelles locations. Rien du cataclysme annoncé... Juste une augmentation de l'activité des commissions de conciliation, assoupies ces dernières années, pour les propriétaires qui résistent et refusent d'applique les loyers plafonds ou inventent des spécificités justifiant selon eux un loyer complémentaire. Mais là encore, ce n'est pas la ruée : les locataires ne sont pas si prompts à réclamer !
En revanche, l'association de défense des consommateurs (CLCV), s'est félicitée de cette décision. "Début avril 2016, nous avons lancé une campagne 'L'encadrement des loyers, je le veux chez moi' pour mobiliser le grand public et l'inciter à interpeller son maire pour demander l'application de l'encadrement des loyers dans toutes les zones tendues", a-t-elle signalé. Par contre, la présidente LR de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, a sans surprise désapprouvé la décision de la ministre dans un communiqué : "La seule solution durable à la pénurie de logements est la construction de logement neufs et la rénovation de logements vétustes." Les milieux de la droite disent à qui veut l'entendre qu'ils supprimeront l'encadrement en cas d'alternance en 2017, mais est-ce si sûr ? La mesure est très largement populaire auprès de millions de locataires ou candidats locataires, qui ne comprennent pas l'argument selon lequel il serait de leur propre intérêt de payer des loyers chers !
Lille, où l'observatoire a également été agréé, sera la deuxième agglomération à appliquer le nouveau mécanisme en décembre 2016. Grenoble a également lancé son observatoire et souhaite pouvoir encadrer dès que les données seront suffisantes. D'autres villes devraient suivre.
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