Le Conseil supérieur du notariat (CSN) monte à nouveau au créneau, cette fois contre l'Autorité de la concurrence qui a publié le 9 juin un avis identifiant 247 zones où l'installation de nouveaux notaires serait libre car le nombre de notaires est insuffisant (notamment autour de Paris, Bordeaux, Toulouse, Lyon...), 60 zones d'installation contrôlée (qui mérite une analyse plus fine) et des zones à faible potentiel qui ne méritent pas de nouvelles créations. Cet avis, très argumenté, est destiné à servir pour l'établissement de la carte définitive par le ministère de la Justice et celui de l'Économie pour les années 2016-2018. Très critique sur ces recommandations, son président, Pierre-Luc Vogel, demande à être reçu par les services du ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas.
L'autorité de la concurrence, après avoir pris acte du nouveau régime de "liberté d'installation régulée" instaurée par la loi "Macron" du 6 août 2015, rappelle qu'elle est investie de la mission de délimiter les zones d'installation libre, où l'implantation d'offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de services. Dans ces zones, identifiées sur une carte, les candidats remplissant les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour être nommés notaires ont vocation à pouvoir librement s'installer dans la limite d'un rythme de création recommandé, dont la carte est assortie, et qui doit être "compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels dans la zone concernée", afin de ne pas bouleverser les conditions d'activité des offices existants. Un décret du 26 février 2016 précise que les zones d'installation libre "doivent être délimitées en tenant compte de la localisation géographique des usagers auxquels les professionnels fournissent habituellement des prestations et du lieu d'exécution de la prestation".
Dans les autres zones, dites "d'installation contrôlée", où aucun besoin de création d'offices n'est identifié a priori, le ministre de la justice ne pourra refuser une demande de création d'office que si elle est susceptible de "porter atteinte à la continuité de l'exploitation des offices existants et compromettre la qualité du
service rendu". Le cas échéant, le refus ministériel devra être motivé "au regard, notamment, des caractéristiques de la zone et du niveau d'activité économique des professionnels concernés". Ce refus n'interviendra qu'après un avis de l'Autorité (rendu public).
La carte a été établie principalement à partir des "zones d'emploi" de l'INSEE. L'Autorité de la concurrence fait le constat qu'un malthusianisme de fait, qui a prévalu jusqu'à présent dans la création d'offices, outre qu'il a conduit à un vieillissement de la profession, a érigé des barrières à l'entrée très importantes pour les jeunes diplômés. "L'implication des instances professionnelles a été prépondérante dans les processus de constitution de l'offre d'offices et d'accès aux offices notariés", indique l'avis. Les initiatives de la profession n'ont pas permis de résorber ce déficit. l'Autorité rappelle que les notaires s'étaient engagés, à la suite du rapport Attali de 2008, à porter le nombre de professionnels à 12.000 à l'horizon 2015. Force est non seulement de constater que ce chiffre n'a pas été atteint, mais que l'augmentation du nombre de notaires s'est principalement opérée par le recrutement de notaires salariés, et non pas par le développement de l'exercice libéral de la profession...
Ce malthusianisme a permis aux offices de se constituer des taux de marge confortables, mesurés par l'Autorité de la concurrence, relativement homogènes et élevés, quelles que soient les régions. Alors que le taux de rentabilité moyen de l'économie française est de 8%, les marges du notariat sont, dans 80% des zones d'emploi, comprises entre 25 et 37%. Et ce dans un contexte de chiffre d'affaires très hétérogène suivent les secteurs. Certains se distinguent par des taux de marge particulièrement élevés, notamment Outre-mer, dans le Sud-ouest ou en Ile-de-France.
Le maillage du territoire actuel, s'il assure une présence minimale d'offices notariaux dans l'ensemble des zones, se traduit par un déséquilibre dans la densité notariale de certaines régions urbaines ou périurbaines.
Ainsi selon l'Autorité, dans les zones rurales, où la densité notariale est généralement forte et le chiffre d'affaires faible, le nombre d'offices semble a priori satisfaisant pour répondre à la demande des usagers de prestations notariales. Par contre, dans les zones urbaines, où la densité notariale est faible par rapport à l'activité (notamment en Île-de-France), l'installation d'offices est souhaitable pour améliorer l'offre de service et la proximité.
Outre la carte des zones d'installation libre et de liberté régulée, l'Autorité de la concurrence formule 23 recommandations très argumentées visant à renforcer la cohésion territoriale des prestations, augmenter de façon progressive le nombre d'offices sur le territoire, améliorer la parité d'accès des femmes et des hommes aux offices (sur la base d'un bilan établi à partir de données présentées par sexe), ou encore à améliorer l'accès des jeunes au sein des professions concernées (sur la base d'une analyse de l'évolution démographique).
Le CSN conteste le "zonage des bassins d'emploi" qui "apparaît trop large en bien des cas, ce qui entraîne des incohérences sur le traitement fait à certains secteurs par rapport à d'autres". "La profession a été sollicitée pour fournir des informations statistiques, regrette Pierre-Luc Vogel, mais sans qu'en retour soit organisée une réelle concertation avec le notariat, sinon trois auditions : celle du Conseil supérieur, celle du conseil régional de Reims et celle de la chambre départementale des Hauts-de-Seine qui chacune aura duré une demi-heure et encore s'agissait-il de répondre à des questions supplémentaires"...
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