Une nouvelle mesure phare de la loi "ALUR" va-t-elle être détricotée ? Il s'agit de la Commission de contrôle des activités de gestion et de transaction immobilières, complément indispensable du Code de déontologie des professionnels de l'immobilier, institué par un décret du 28 août 2015, et sans laquelle ce dernier resterait un pur exercice de style. Elle tarde à voir le jour, et l'explication de ce retard a fini par venir : il n'a pas été prévu de budget de fonctionnement ! Or sans budget, pas de locaux, pas de secrétariat, pas d'ordinateurs, sans parler de la papeterie et des photocopieuses... On aurait pu en prévoir un dans la loi de finances pour 2016 mais visiblement les ministères de tutelle - justice et logement - ont été pris de court, faute d'avoir décidé qui paiera : l'Etat, via une taxe spéciale, les professionnels via une cotisation obligatoire, ou tout cela à la fois ? Apparemment ce n'était pas le budget de la justice, dans l'état où le décrit le nouveau garde des sceaux, qui pouvait y pourvoir...
Pourtant presque tout le monde la réclame : les associations de consommateurs et de copropriétaires, ce qui se comprend, mais aussi les fédérations de professionnels - FNAIM et UNIS notamment -, qui veulent qu'un ménage soit fait dans leurs professions, ménage qu'elles avouent avoir du mal à faire dans leurs rangs mais surtout dans ceux des non-syndiqués... Ces dispositions de la loi ALUR viennent même directement d'un Livre blanc que ces fédérations avaient réalisé en 2011 à l'issue d'"Etats généraux" tenus sans complaisance face aux menaces planant sur les métiers de l'immobilier du fait de l'arrivée de nombreux "outsiders" : réseaux de mandataires, professionnels "low cost", etc.
Finalement en ce mois d'avril, les choses bougent enfin : une disposition du projet de loi "égalité et citoyenneté", adopté le 13 avril en Conseil des ministres et déposé le même jour au parlement, autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance sur une longue liste de sujets, dont la Commission de contrôle des activités de gestion et de transaction immobilières ! Il s’agit de lui conférer la personnalité morale (il fallait y penser !), afin de lui allouer les ressources nécessaires à son fonctionnement, et ce "au moyen de cotisations professionnelles". Les intéressés paieront donc pour le respect de leur déontologie.
Mais le gouvernement ne se contente pas de cet aspect purement budgétaire. On sait qu'une question agite la communauté professionnelle, celle de savoir quels "représentants des cocontractants" seront appelés à siéger à la commission, et en particulier si l'ARC (Association des responsables de copropriété), l'association honnie des syndics, en fera partie. Cette dernière exerce évidemment un intense lobbying pour en être. Du coup, est réapparue la revendication que la composition de la commission la rapproche de celle d'un ordre professionnel, garantissant un entre-soi mieux préservé. Le gouvernement se laissera-t-il emmener dans cette direction ? Peut-être pas. Mais il s'est ouvert une porte en insérant dans l'habilitation à légiférer par ordonnance l'objectif de redéfinir la composition et les règles de nomination des membres de la commission, ce qui a fait réagir immédiatement l'ARC, qui annonce "une nouvelle campagne nationale afin d’inviter tous les copropriétaires de France à saisir leurs députés ou sénateurs". Notons que les autres associations de consommateurs - CLCV, déjà membre du Conseil national de la transaction et la gestion immobilières ou CNTGI, l'UFC-Que Choisir -, ou de propriétaires - l'UNPI, la Chambre des propriétaires, l'ANCC - ne lui ont pas emboîté le pas...
Accessoirement, il est également demandé à l'ordonnance visée de modifier les règles procédurales afin d’améliorer l’efficacité des sanctions disciplinaires et faire évoluer le contenu et les accès au répertoire des personnes sanctionnées par la commission.
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