Depuis le 1er août, les loyers parisiens ne peuvent dépasser des plafonds fixés par quartier sauf à justifier de caractéristiques les autorisant à demander un complément. Force est de constater, en analysant les annonces internet, que tous les loyers ne sont pas entrés "dans les clous" ! Les propriétaires peuvent-ils dans tous les cas justifier le complément de loyer ? C'est peu probable, même s'il est impossible de le démontrer. Seuls les candidats locataires peuvent le vérifier, lorsqu'ils sont retenus pour une location, car la décomposition du loyer proposé doit être indiquée au bail. Pas avant... Et l'observatoire des loyers de la région parisienne (OLAP), qui doit être alimenté de tous les baux signés, ne disposera pas non plus de cette décomposition !
En attendant, et il est difficile d'imaginer que tous les logements en dépassement présentent des caractéristiques justifiant de s'affranchir du plafond au m2 ! Ces caractéristiques ont été définies par le décret du 10 juin 2015 mettant en place l'encadrement à Paris : le complément de loyer devra être justifié "par les caractéristiques de localisation ou de confort d'un logement, lorsque ces caractéristiques réunissent les conditions suivantes :
"1° Elles n'ont pas été prises en compte pour la détermination du loyer de référence correspondant au logement ;
"2° Elles sont déterminantes pour la fixation du loyer, notamment par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique ;
"3° Elles ne donnent pas lieu à récupération par le bailleur au titre des charges, ni à la contribution pour le partage des économies d'énergie pour les travaux réalisés par le bailleur, prévues respectivement par les articles 23 et 23-1 de la loi du 6 juillet 1989 susvisée".
Deux acteurs de l’immobilier ont ratissé les annonces pour savoir quel était l'ampleur de la fraude : le site MeilleursAgents.com qui trouve 29% des loyers en dépassement, mais la start-up Home'n'Go avance des résultats beaucoup plus inquiétants, avec 45,7% d’annonces hors-la-loi ! Spécialisée dans l’open data sur des questions immobilières, elle passe au crible chaque mois depuis le 1er août, près de 9.000 annonces immobilières postées sur les sites spécialisés. Résultat : "Les loyers ont baissé certes, commente Adrien Pavillet, cofondateur du site. Mais de 3 % seulement quand nous prévoyons en août dernier une baisse de 9% si tous les propriétaires respectaient la loi"...
La différence de résultats entre les deux acteurs peut s'expliquer par le fait que le site MeilleursAgents.com ne prend en compte que les biens proposés à la location par les professionnels, en excluant donc les locations de particuliers à particuliers. Il faut croire que ce sont donc les particuliers se gérant eux-mêmes qui s'affranchissent le plus de la règle !
Plus grave : si la proportion d'annonces hors plafond semble se stabiliser pour les professionnels étudiés par MeilleursAgents, elle augmente pour les particuliers analysés par Home’n’Go, qui la voit repartir à la hausse depuis octobre, passant de 42,9% à 45,7%. Même hausse pour le loyer au mètre carré, passé de 27,68 euros en novembre à 27,96 euros en décembre.
La cause pourrait être le sentiment d'impunité que peuvent éprouver les propriétaires privés, plus que le défaut d’information, peu crédible si l'on considère le battage médiatique que le démarrage de l'encadrement a suscité ces derniers mois. Il n'est pas prévu en effet de contrôles auprès des propriétaires de la part de l'administration. C’est aux locataires de faire valoir leurs droits et de saisir dans un premier temps la commission départementale de conciliation, puis le juge qui pourra prononcer une réduction du loyer. Mais les locataires parisiens sont peu nombreux encore à se saisir de cette opportunité. La commission de conciliation n’a été saisie qu’une quinzaine de fois depuis août, selon l’ADIL 75 (Association départementale d’information sur le logement). Le Monde mentionne 28 saisines au 15 janvier 2016. L’association a aussi mis en place une ligne directe en juin dernier, consacrée à l’encadrement des loyers. Elle a reçu 2.000 appels.
Voir notre fiche pratique : Encadrement des loyers - mode d'emploi en cas de nouvelle location
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