La confiance dans nos grandes institutions doit-elle être mise en cause ? Quelques jours avant que l'AFP n'annonce le faux décès de Martin Bouygues, le CGEDD (Commissariat général à l'environnement et au développement durable) qui distille chaque mois des chiffres de la construction plus catastrophiques les uns que les autres, vient de reconnaître les avoir sous-estimés au niveau des mises en chantier de 58.000 en 2014, de 70.000 en 2013, de 53.000 en 2012, etc. en tout de 180.000 logements en 4 ans depuis 2011, dernière année où les nouvelles estimations concordent avec les anciennes, et de 263.000 depuis 2009 ! Si l'on remonte à 1997, la sous estimation cumulée dépasse les 350.000 logements et l'on s'aperçoit qu'en 2006 on a frôlé les 500.000 mises en chantier, objectif qui semble aujourd'hui inatteignable...
En cause : "depuis la réforme des autorisations du droit des sols (1er octobre 2007), qui a conduit à une décentralisation de l'instruction des permis de construire, un défaut de collecte affecte les remontées d'information statistiques dans la base de données Sit@del, qui recense notamment les autorisations de permis de construire et déclarations d'ouverture de chantier, avec une amplification des désordres depuis 2010", explique le professeur Michel Mouillart, de l'Université Paris Ouest. "La réforme des surfaces de plancher, qui substitue depuis le 1er mars 2012 une surface unique à la SHOB et à la SHON, a, en outre, introduit de nouveaux éléments de perturbation dans la remontée des statistiques". S'y sont ajoutées les perturbations causées à partir de 2007 par la RGPP (réforme générale des politiques publiques), qui est venue restructurer les services déconcentrés de l'Etat et notamment les DDE. "Le redéploiement de l'ensemble des services s'est achevé en 2011. Par la suite, entre 2011 et 2014, le mouvement s'est poursuivi par la mise en place progressive des trois pôles interrégionaux de collecte et de production des statistiques de la construction et du logement (Lyon, Montpellier et Rennes)".
"Les niveaux de la construction que Sit@del2 présentait ont pourtant, depuis 2010, paru déconnectés de la réalité des marchés de la construction et des autres sources statistiques disponibles et régulièrement interrogées", poursuit le professeur Mouillart. En 2014, le SOeS (Service de l'observation et des statistiques du CGEDD) a pris acte du problème et développé une méthodologie permettant de publier des estimations mensuelles nationales et régionales des autorisations et des mises en chantier en "date réelle". Pour le passé, des nouvelles séries en "date réelle estimée" ont permis d'apporter une correction à la sous-estimation du niveau de la construction.
Il en ressort une baisse des mises en chantier moins catastrophique que ne l'induisaient les chiffres de ces trois dernières années : 399.000 au lieu de 346.000 en 2012, 402.000 au lieu de 332.000 en 2013 et 356.000 eu lieu de 298.000 en 2014 !
Autre conséquence, les chiffres publiés désormais sont plus fins et éclairants : ils permettent notamment de réconcilier les permis de construire avec les mises en chantier, et de connaître le délai moyen d'ouverture de chantier. Ainsi les chiffres publiés pour janvier 2015 révèlent une montée progressive depuis 2010 des abandons de permis (15% dans l'individuel et 20% dans le collectif). Par contre, le délai d'ouverture de chantier reste stable à 4,7 mois pour l'individuel et diminue (8 mois au lieu de 10 en moyenne depuis 2000) pour le collectif. Mais il manque aussi une distinction qui était utile jusqu'ici : celle entre les constructions sur existant et la construction neuve pure...
Globalement, les mises en chantier sont néanmoins sur une tendance baissière : -9,4% sur les 3 derniers mois, et -11% sur les douze mois de février 2014 à janvier 2015, à 352.900 logements, dont 104.100 individuels purs, 38.500 individuels en lotissement, 184.000 collectifs (y compris sociaux) et 25.900 en résidence. Les permis de construire suivent à peu près la même tendance, ce qui ne laisse pas augurer d'une reprise rapide...
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