La ministre du logement, Cécile Duflot, n'est pas allée clôturer, comme c'est de tradition, le congrès annuel de la FNAIM (fédération nationale de l'immobilier), qui se tenait les 9 et 10 décembre dernier. Initialement programmée, elle a été décommandée par le président de l'organisation, Jean-François Buet, de peur que les adhérents, très remontés contre son projet de loi d'accès au logement et à un urbanisme rénové ("ALUR") ne lui fassent une bronca. C'est peu dire que les professionnels ne l'aiment pas. Pour des raisons de bord politique tout d'abord : devant les mêmes, le candidat Sarkozy avait eu droit à une standing ovation de plusieurs minutes ! Mais son projet de loi les touche aussi au portefeuille : notamment avec l'interdiction qu'il prévoit de percevoir des honoraires de location auprès des locataires va diminuer fortement leur chiffre d'affaires... La garantie universelle des loyers (GUL) gêne aussi les administrateurs de biens car ils facturaient des honoraires pour la gestion de la garantie loyers impayés (GLI) ou la GRL (garantie des risques locatifs), du moins aux propriétaires qui les souscrivaient. Avec une garantie généralisée et étatisée, ils ne le pourront plus. Mais elle les heurte aussi idéologiquement : ils voient les locataires arrêter immédiatement de payer leur loyer au motif que leur propriétaire est assuré...
La mauvaise humeur des congressistes s'est finalement reportée sur le préfet Alain Regnier, délégué interministériel à l'hébergement et à l'accès au logement, représentant le gouvernement, avec le brandissement de centaines de cartons jaunes (comme le logo de la FNAIM) "Changez l'ALUR" ! Le pire était évité, la salle consentant de timides applaudissements à la fin de son intervention, après qu'il ait appelé à plusieurs reprises au dialogue constructif et démocratique...
Un mauvais accueil de la ministre, voire des débordements, auraient en fait embarrassé la FNAIM au moment où son président espère en fait obtenir quelques concessions avant la deuxième lecture de la loi ALUR en janvier. Le changement de ton est amorcé depuis plusieurs semaines quand devant une salle d'adhérents médusés, Jean-François Buet avait tenté de les convaincre qu'il n'y avait pas que des mauvaises choses pour les professionnels dans le projet de loi, avançant même que "le verre était à moitié plein"... Finies les pétitions et la grève d'alimentation des observatoires, après une stratégie du type CGT, la FNAIM opte pour le style CFDT ! "Le ton de la FNAIM n'est pas celui d'un guerrier, ni celui du combat", a-t-il affirmé dans son discours au congrès, "mais de la construction. Notre profession a bien compris que les évolutions étaient nécessaires. Mais celles-ci doivent être justes et équilibrées".
Et il semble payé de retour. Dans un courrier datée du 6 décembre dernier qu'elle lui a adressé, la ministre du Logement ouvre elle-même clairement la porte à de nouvelles négociations : "Je souhaite (…) engager une phase finale de discussion avec les professionnels pour préparer le débat parlementaire en seconde lecture.", peut-on notamment y lire. Selon l'AFP, elle aurait même été jusqu'à souhaiter que l'intermédiation "prenne davantage d'ampleur pour éviter les dérives" (sauf en copropriété, les professionnels de la transaction et de la gestion immobilière n'ont par rapport au particulier à particulier qu'une part de marché minoritaire...).
La FNAIM assure être "en liaison continue avec le ministère." Son objectif : obtenir le dépôt de nouveaux amendements qui seront examinés le 17 décembre prochain par la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Contacté par Capital.fr, le cabinet du ministère du Logement confirme que "les discussions s'intensifient avec les agents immobiliers, comme avec d'autres professionnels" et que "le texte de loi peut effectivement encore évoluer."
Les honoraires facturés aux locataires lors d'une mise en location sont en première ligne. La Fédération, qui plaide en coulisse pour un plancher d'honoraires fixes plus raisonnables, voire pour le maintien d'honoraires libres dès lors que le mandat de recherche du bien est pris par le locataire.
La composition et les pouvoirs du Conseil national des professions immobilières est également un sujet de discussion.
Autre sujet : les représentants des administrateurs de biens cherchent à convaincre le gouvernement et la majorité de laisser la possibilité, notamment aux petites copropriétés, de choisir entre un compte séparé et un compte unique géré par le syndic. Le débat semble encore loin d'être tranché.
Enfin, la FNAIM se dit en faveur de la mesure d'un retour de la possibilité d'insérer une clause pénale dans les contrats de location. Elle suggère pour emporter le morceau que la clause pénale concerne à la fois le locataire qui ne paie pas son loyer mais aussi le bailleur qui ne respecte pas ses obligations. Aujourd'hui, les pénalités pour retard de paiement de loyers sont autorisées si le bail le prévoit. Les députés les avaient plafonnées à 5% du loyer. Revenant sur cette disposition, le Sénat a interdit la mention au bail de toute pénalité.
Rappelons que ces discussions se déroulent sur fond de crise pour les agents immobiliers : la forte chute du nombre de transactions accompagnée d'une légère baisse des prix fait fondre les chiffres d'affaires et surtout les bénéfices. Les agences traditionnelles sont de surcroît concurrencées par la montée des réseaux de mandataires, aux charges très nettement inférieures à celles des agences à vitrine...
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