Un rapport commandé par le maire de Paris, Bertrand Delanoë, à René Dutrey, conseiller de Paris écologiste, fait l'effet d'un pavé dans la mare à quelques mois des législatives et l'arrivée de François Fillon, candidat potentiel en 2012 dans la capitale : il justifie une des mesures inscrites dans le programme socialiste, à savoir un encadrement des loyers et la possibilité d'un recours des locataires, même après la signature du bail.
Il rappelle que l'Allemagne, prise souvent comme modèle ces temps-ci, mais aussi la Suisse, la Suède et les Pays-Bas ont mis en place différentes méthodes d'encadrement. Outre-Rhin, "les loyers du secteur privé sont fixés librement. Mais le locataire peut s'adresser au juge s'il estime que son loyer est supérieur de 20 % aux loyers pratiqués pour les logements équivalents", expose René Dutrey.
En Suisse, le loyer doit refléter la réalité du marché, sinon le locataire peut en contester le caractère abusif devant une autorité de conciliation. En Suède, le niveau des loyers du privé ne peut dépasser de plus de 5 % celui des loyers du logement public municipal, tandis qu'au Pays-Bas, les loyers sont évalués selon un système de points accordés en fonction de la surface, de l'état, de la qualité, de l'équipement...
Du coup, pointe René Dutrey, Munich , ville "la plus chère" d'Allemagne, la moyenne est de 9,70 euros/m2. On relève à Genève, en Suisse, des loyers oscillant entre 17 et 20 euros le m2 environ. Dans la capitale suédoise, Stockholm, comme à Amsterdam (Pays-Bas), les loyers s'échelonnent en moyenne entre 16 et 17 euros le m2. A Paris, selon les chiffres du rapport, la moyenne des loyers, même dans les quartiers les plus populaires (19e et 20e), dépasse celle de ces grandes villes européennes (entre 18 et 20 euros/m2) pour s'envoler jusqu'à près de 35 euros/m2 dans plusieurs quartiers du centre (4e, 5e, 6e, 7e et 8e).
Le rapport préconise une délimitation de "secteurs tendus" où les augmentations sont "anormales" de part et d'autre du boulevard périphérique qui délimite Paris intra muros. "Du fait des spécificités locales", en Ile-de-France, la "détermination du périmètre" devra être faite dans le cadre de Paris Métropole, un club d'élus qui regroupe près de 200 collectivités de la région, explique l'auteur du rapport.
En fait il ne s'agit ni plus ni moins que de la réactivation d'un dispositif d'encadrement des loyers existant dans la loi du 6 juillet 1989, nécessitant depuis 1997 "une décision du gouvernement pour continuer à s'appliquer".
L'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (OLAP) a justement été créé pour fournir des références de loyers de voisinage permettant de déterminer la conformité d'un loyer avec une moyenne de loyers de référence. Pour que cette disposition ne reste pas lettre morte , le rapport voit comme second levier d'une régulation la possibilité faite au locataire, après la signature du bail, s'il estime son loyer surévalué, de saisir la commission de conciliation, "une fois levée toute pression liée à l'obtention du logement", souligne le conseiller de Paris.
Les milieux proches des propriétaires et le gouvernement n'ont pas tardé à réagir, avec pour ce dernier la violence et la nervosité qui caractérise à droite cette entrée en campagne : répondant à Michel Sapin qui a repris la proposition le 19 décembre sur France Inter, le secrétaire d'Etat Benoist Apparu a qualifié l'idée de "stupide", justifiant un rappel à l'ordre ferme de l'opposition : "stupide est un mot qui ne devrait pas avoir sa place dans le débat politique républicain" a rétorqué notamment le porte-parole de François Hollande.
D'autant que l'argumentation du secrétaire d'Etat au logement, qui reprend celle régulièrement servie par l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière), la principale association de propriétaires bailleurs, à savoir qu'une telle mesure risque d'inciter les propriétaire à vendre leurs logements et investir leur argent ailleurs, ou à arrêter de faire des travaux dans leur logement, et voire même à arrêter de louer et laisser leurs logements vides, est peu crédible : l'investissement locatif, seul placement qu'on peut faire à crédit, reste attractif et fiscalement aidé - sans dispositif d'incitation particulier, pour peu qu'on le réalise avec travaux, et son rendement, certes faible si on le considère qu'au regard des seuls loyers, a toujours été dopé sur le long terme par la plus-value faite sur le capital. de surcroît, il n'est pas près par les temps qui courent d'être concurrencé par d'autres types de placements ! Quant à la menace que des propriétaires vont faire la grève de la location et laisser leurs logements vacants, elle ne fait peur qu'aux petits enfants : a-t-on jamais vu un propriétaire, censé être une personne avisée, renoncer à un revenu au motif qu'il serait encadré ?
A suivre...
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