La Fondation Abbé Pierre (FAP) a présenté le 1er février son 15ème Rapport sur l'état du mal-logement en France. Si 3,5 millions de personnes sont mal logées (ou pas logées du tout) sur le territoire national, la crise du logement touche, elle, 10 millions de personnes à des degrés de gravité divers… Aujourd'hui, parmi les victimes du mal-logement, 600.000 enfants souffrent au quotidien et ont un avenir particulièrement compromis, "dont 400.000 dans des situations dramatiques", souligne Patrick Doutreligne, délégué général de la FAP.
"La précarité qui frappe douloureusement nos concitoyens nourrit, renforce et aggrave les conséquences du mal-logement sur les personnes défavorisées et atteint désormais les classes moyennes également", indique le rapport.
Analysant les politiques publiques en matière de logement, la FAP dénonce "la fin des grandes ambitions" et une action "au coup par coup". Présentant le rapport, Patrick Doutreligne a relativisé la hausse actuelle de la production : la hausse des financements de PLA d'insertion (les HLM les plus sociaux), passés de 5.400 en 2001 à 20.000 en 2009 étant orientée "plus sur des structures collectives que sur des logements familiaux, indispensables pour répondre à la demande".
La Fondation rappelle qu'un logement en "Scellier" coûtait 60.000 euros (pour un bien de 240.000 euros), soit le double d'un PLUS (HLM "ordinaire"). "On assiste à une solidarité inversée car le Scellier est payé par les contribuables alors qu'il contribue à l'enrichissement d'une partie de la population sans contrepartie", a indiqué le délégué général de la FAP.
La fondation s'inquiète aussi de "la situation financière des départements très préoccupante car ils participent au financement du logement social". Elle en appelle donc à "une forme de régulation du marché".
Parmi ses propositions : dans tout programme neuf, 30% de logements accessibles publics ou privés, la construction de 150.000 logements sociaux chaque année dont 30.000 PLA d'insertion familiaux pendant 5 ans, le lancement d'"une grande politique de conventionnement au niveau national", et le plafonnement de la hausse des loyers à chaque relocation à celle de l'IRL" (l'indice de référence des loyers) ; également un "bouclier énergétique pour lutter contre la précarité"... A propos du partage du coût des travaux locataires/propriétaires, Patrick Doutreligne assure "ne pas y être opposé, à condition que cela ne concerne pas les plus fragiles"...
La réaction de l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière) ne s'est pas fait attendre : elle rappelle que, sur le long terme, la tendance est à l'amélioration des conditions de confort des logements, et relativise la notion de précarité énergétique : "les exigences de performance énergétique renforcent en théorie la précarité énergétique ; du point de vue sémantique, répandre les vocables comme celui de passoire thermique ne peut que contribuer à renforcer l'impression de précarité pour les habitants de logements qui les considéraient jusqu'à présent comme très acceptables", indique notamment le communiqué de l'organisation de propriétaires qui essaie par ailleurs d'accréditer l'idée que les propriétaires privés sont le plus grand bailleur social...
Intervenant en tant qu'invité lors de la présentation du rapport de la FAP, le secrétaire d'Etat au logement Benoist Apparu a rappelé que Jean-Louis Borloo en 2005, alors en charge du logement, a "eu cette formidable intuition que seul un plan ambitieux de 500.000 nouveaux logements sociaux sur 5 ans permettrait de rattraper une partie de notre retard après 10 ans de construction insuffisante". Il estime que ces objectifs seront bien atteints et récuse l'idée selon laquelle l'effort ne serait pas porté en priorité sur les logements les plus sociaux : "21.600 PLA-I ont financés été en 2009, soit 5 fois plus qu’en 2000 ! Pour la première fois, le chiffre des 20.000 PLA-I inscrit dans la loi DALO est atteint et même dépassé", a-t-il notamment déclaré, ajoutant qu'en 2010, c'est 27.500 PLAI qui seront financés.
Il a aussi récusé le reproche de désengagement de l'Etat, indiquant qu'en 2004, les aides non budgétaires apportées par l'Etat à la construction d’un logement social de type PLUS représentaient en moyenne 18.500 euros, et qu'en 2008, c'est 35.100, soit près du double.
Le secrétaire d'Etat estime donc qu'il n'y a plus "une" crise générale du logement, mais bien "des crises du logement ciblées sur certains territoires". Et d'ouvrir la porte non pas à la "réquisition" de logements vacants mais à leur rachat : "je souhaite que l’on puisse travailler avec les organismes HLM à un vaste programme de rachat de ces logements vacants pour créer une offre diffuse et immédiatement disponible pour les plus modestes", a-t-il notamment déclaré.
Enfin, il a repris une fois de plus l'idée récusée par les milieux du logement social et les associations de locataires et de mal-logés, de faire financer la construction nouvelle par la vente de 40.000 logements HLM par an. "Non seulement [la vente HLM] répond à l'aspiration de nombreux locataires du parc social à devenir propriétaires, mais surtout elle permet de construire plus : pour un logement vendu, c'est 2 à quatre logements construits", a-t-il notamment indiqué, pas découragé par les très maigres résultats de cette politique depuis son lancement en 2007...
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