Un décret longtemps inespéré vient remédier à une rédaction maladroite du décret du 26 août 1987, relatif aux charges récupérables sur les locataires relevant de la loi du 6 juillet 1989 (logements non meublés loués à titre d'habitation principale), et son jumeau du 9 novembre 1982 s'appliquant aux HLM : elle avait conduit à des arrêts en cascade de la Cour de cassation, ayant créé une jurisprudence très défavorable aux bailleurs dès... 2002 ! Un rapport avait même été commandé à Philippe Pelletier, Président de l'ANAH, par le ministre de l'époque, Gilles de Robien, remis le 11 juin 2003. Il faisait suite à deux arrêts importants de la Cour de cassation en 2002, l'un concernant les gardiens (les 75% de leurs salaires et charges sociales n'étaient récupérables, selon une interprétation stricte du texte, que s'ils assurent à la fois et en totalité le nettoyage des parties communes et le service des ordures ménagères), et l'autre concernant les prestations de nettoyage et de service des ordures ménagères lorsque celles-ci sont effectuées par une entreprise (n'étaient récupérables que les salaires et charges sociales des employés effectuant le travail et ceux du personnel d'encadrement technique, mais pas les frais généraux de l'entreprise, ni la TVA... ni son bénéfice !).
Le second problème avait déjà été remédié par une disposition de la loi "ENL" du 13 juillet 2006 prévoyant que désormais "le coût des services assurés dans le cadre d'un contrat d'entreprise correspond à la dépense, toutes taxes comprises, acquittée par le bailleur".
Le premier restait par contre en suspens, la jurisprudence rendant la récupérabilité du coût d'un grand nombre de gardiens de plus en plus problématique ; pire : une deuxième épée de Damoclès concernait cette fois les charges relatives aux employés d'immeubles, du fait que la même rédaction que pour les gardiens pouvait conduire - en toute absurdité - à leur appliquer le même principe de non récupérabilité, s'ils n'assurent pas à la fois et en totalité le nettoyage des parties communes et le service des ordures ménagères !
Un décret du 19 décembre sécurise la récupérabilité des charges relatives aux deux catégories de salariés :
- concernant les gardiens proprement dits :
.la récupérabilité à 75% des dépenses correspondant à leur rémunération et aux charges sociales et fiscales y afférentes reste subordonnée au fait qu'il soit prévu à contrat de travail qu'ils doivent assurer cumulativement l'entretien des parties communes et l'élimination des rejets, étant désormais précisé que cette récupérabilité est assurée "y compris lorsqu'un tiers intervient pendant les repos hebdomadaires et les congés prévus dans les clauses de son contrat de travail, ainsi qu'en cas de force majeure, d'arrêt de travail ou en raison de l'impossibilité matérielle ou physique temporaire pour le gardien ou le concierge d'effectuer seul les deux tâches" ;
.par contre il est désormais prévu que le coût d'un gardien est récupérable à hauteur de 40 % de son montant lorsque le gardien ou le concierge n'assure, conformément à son contrat de travail, que l'une ou l'autre des deux tâches, avec la même précision concernant les remplacements ;
.enfin, s'alignant sur une jurisprudence récente de la Cour de cassation, le texte prévoit dorénavant qu' "un couple de gardiens ou de concierges qui assure, dans le cadre d'un contrat de travail commun, l'entretien des parties communes et l'élimination des rejets est assimilé à un personnel unique".
- concernant les employés d'immeubles, le texte prémunit aussi les bailleurs contre une interprétation restrictive en prévoyant que leur coût est intégralement récupérable dès lors qu'ils assurent l'entretien des parties communes "ou" l'élimination des rejets (et non pas les deux cumulativement comme dans la rédaction antérieure)...
A noter que le texte en profite, afin de prévenir de nouveaux litiges, pour fixer aussi avec précision les éléments de la rémunération qui ne peuvent être pris en compte dans les charges récupérables : ainsi ne sont pas récupérables le salaire en nature, l'intéressement et la participation aux bénéfices de l'entreprise, les indemnités et primes de départ à la retraite, les indemnités de licenciement, la cotisation à une mutuelle prise en charge par l'employeur ou par le comité d'entreprise, la participation de l'employeur au comité d'entreprise, la participation de l'employeur à l'effort de construction, et la cotisation à la médecine du travail...
A noter aussi que désormais le texte règlementaire précise que le coût récupérable des services assurés en régie (lire assurés par du personnel de l'employeur) inclut le coût du personnel d'encadrement "chargé du contrôle direct du gardien, du concierge ou de l'employé d'immeuble", et que "ces dépenses d'encadrement sont exigibles au titre des charges récupérables à concurrence de 10 % de leur montant".
Malheureusement pour les bailleurs, ces dispositions ne s'appliquent qu'aux dépenses nées à compter du 1er janvier 2009 : les locataires sont donc fondés à demander le remboursement du trop payé de charges locatives pour les périodes antérieures aux bailleurs qui n'auraient pas appliqué l'interprétation de la Cour de cassation, et ce dans les limites de la durée prescription en vigueur, à savoir 30 ans jusqu'au
19 janvier 2010 et 5 ans au delà ! C'est en effet à cette date que la nouvelle prescription pour les actions en recouvrement par les locataires de sommes payées indument à leurs bailleurs, insérée dans une loi du 18 janvier 2005, deviendra applicable.
La précédente modification mentionnée, insérée dans la loi "ENL", s'applique quant à elle aux dépenses nées à compter de la publication de la loi, à savoir le 15 juillet 2006...
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