Lévénement
nest pas si courant et il est intervenu en clôture
du Congrès de lUNIS, qui était aussi
le dixième anniversaire de lorganisation
professionnelle. Le député Mickaël
Nogal prononçait son discours sur scène,
notamment pour présenter la proposition de loi
quil dévoilera mercredi prochain découlant
de son rapport. Elle devrait conduire à créer
aux gestionnaires locatifs lobligation de garantir
aux propriétaires le versement de leurs revenus
fonciers. Lidée consiste à conduire
les administrateurs de biens à majorer leur valeur
ajoutée pour que les propriétaires investisseurs
se tournent davantage vers eux et que le marché
locatif en soit sécurisé.
On
rappellera que les 2/3 des logements locatifs ne sont
pas confiés à un professionnel. Les conséquences
sont lourdes : un parc en moyenne mal entretenu, des
contrats irrespectueux de la règlementation,
des loyers souvent excessifs par rapport aux prestations,
des exigences de solvabilité hors de mesure et
de nombreux cas de discrimination.
Curieusement,
pourrait-on sétonner, les professionnels
sont peu enthousiastes à lidée de
devoir garantir le versement des loyers. Il est clair
que le dispositif ne pourra se mettre en place quau
prix dun mécanisme de réassurance.
Les gestionnaires craignent deux conséquences.
Ils redoutent dabord davoir à augmenter
leurs honoraires, en gros du montant des assurances
existant aujourdhui sur le marché, souscrites
facultativement par les propriétaires. Ils estiment
que les ménages qui ne viennent pas leur acheter
le service de gestion professionnelle pour 6 ou 7% du
montant des loyers ne viendront pas davantage pour plus
cher, de lordre de 2 ou 3% de plus. Ils craignent
aussi que les primes explosent et que les assureurs,
pour couvrir tous les risques, tous les profils de locataires,
naugmentent leurs tarifs.
En
fait, les professionnels peinent à comprendre
deux vérités. Dabord, il y a un
monde entre un professionnel qui sengage, faisant
en loccurrence de linvestissement locatif
un placement à rendement garanti, et un professionnel
qui ne soblige quà déployer
des moyens, sans garanti de succès. Oui, cest
une révolution copernicienne. On accepte de payer
plus pour un résultat certain. Ensuite, et des
groupes de travail pilotés à la demande
du député Nogal par un spécialiste
reconnu des assurances immobilières lont
démontré, réunissant courtiers
et assureurs, la mutualisation des risques, les 6,5
millions de logements loués étant appelés
à être couvert, va permettre de maitriser
voire de faire baisser les primes. En clair, les assureurs
savent que les quelque 2% dimpayés sont
en fait structurels et que le passage de 15% des locations
professionnelles actuellement couvertes à 100%
ne changera pas le risque, mais avec des primes multipliées
mécaniquement par plus de 6. Les assureurs sont
même en train de moderniser leurs critères
de sélection pour ouvrir la location à
des profils naguère encore exclus, comme les
CDD, les intérimaires ou les indépendants.
Le
député na guère eu le temps
dexpliquer cela au Congrès de lUNIS,
parce quil sest risqué à dire
que les honoraires pratiqués actuellement lui
semblaient élevés. Il a raison et tort.
Raison puisquen létat du service
rendu un tiers seulement des propriétaires recourent
à un professionnel pour la gestion de leur bien,
alors même que ses honoraires sont fiscalement
déductibles des revenus fonciers imposables,
donc largement neutralisés. Dailleurs,
les gestionnaires disent-ils cela à leurs prospects
propriétaires ? Pas sûr. Le député
a tort dès lors que lobligation de résultat
rendra acceptable ce qui ne lest pas.
Enfin,
le problème essentiel nest-il pas le manque
de fierté des professionnels ? Au fond, ils ne
croient pas pour trop dentre eux à leur
valeur ajoutée, ni avant ni après lobligation
de garantir le versement des loyers. Le défi
des représentants de la profession et du député
est en quelque sorte de faire le bonheur des administrateurs
de biens à leur place. On a même limpression
quil y faudra un combat. Mickaël Nogal ne
ménage pas sa peine pour expliquer et convaincre.
Il ne le fait pas en vain. Une partie des administrateurs
de biens a lenvie de cette évolution, à
la FNAIM comme à lUNIS. Ce clivage révèle
dailleurs deux réalités : derrière
lapparence dune communauté professionnelle,
une diversité importante et une difficulté
des syndicats à les fédérer et
à les représenter, et en outre une authentique
souffrance dans la conduite du changement.
Pourtant,
Pierre Dac nous en avait prévenus, "mieux
vaut penser le changement que changer le pansement."
Car les gestionnaires sont-ils si sûrs que leur
métier nest pas disruptable par le digital
? Apparaissent des start-up telles Wizi qui proposent
une gestion dématérialisée... assortie
de toutes les garanties, contre la carence locative
(absence de premier locataire après lachat),
de vacance (absence de locataire entre deux locations),
les impayés de loyer, les dégradations
et frais de justice. Au mieux, ces sociétés
seront intégrés à la communauté
des administrateurs de biens, et Wizi est par exemple
adhérent à la FNAIM, servant daiguillon
au reste de la profession. Au pire, ils seront de redoutables
concurrents, capables de lever significativement des
fonds et de se développer puissamment. "Nogal"
en espagnol - le député porte ce patronyme
est franco-espagnol - veut dire "noyer", et
les décoctions de ce bois dur sont connues pour
guérir du lymphatisme... Il se pourrait bien
que la proposition de loi du député Nogal,
qui sera présentée mercredi à la
communauté immobilière, joue ce rôle
pour ladministration de biens. En attendant, elle
anime les Congrès professionnels et passionne
les conversations.
Par
Henry
Buzy-Cazaux, président de l'Institut
du Management des Services Immobiliers (IMSI)
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