On
rappellera que parmi les 37 propositions quil
avance pour améliorer la confiance dans les relations
entre propriétaires et locataires, il émet
lhypothèse quil faudrait que le recours
aux professionnels, et de la location et de la gestion
locative, soit bien supérieur à ce quil
est aujourdhui. À ce jour, ce nest
en effet quun tiers des investisseurs qui délèguent
la mission de gérer leur bien et une moitié
celle de rechercher le locataire. Pour user du bon terme
économique, on dira que le taux de pénétration
des professionnels est faible. On peut à la fois
le comprendre et sen étonner.
Le
comprendre dès lors que les services professionnels
se paient et quun bailleur a la tentation, fût-elle
à courte vue, déconomiser les honoraires
quil aurait acquittés à ladministrateur
de biens, de lordre de 5 à 8% TTC du montant
des loyers encaissés. Pour autant, comment ne
pas être surpris quun ménage qui
place plusieurs centaines de milliers deuros dans
un bien, dont ce sera sans doute lactif de plus
grande valeur dans son patrimoine au-delà de
sa résidence principale, considère que
laffaire nexige pas une approche professionnelle
? Qui gèrerait soi-même son assurance-vie
? Qui, en-dehors dune poignée d'avisés,
gère son portefeuille dactions et d'obligations
?
Le
rapport part dun principe qui ne convainc pas
la communauté professionnelle dans son ensemble
: si les professionnels avaient lobligation légale
de garantir les revenus fonciers, alors les particuliers
viendraient massivement vers eux. Les objections des
sceptiques sont nombreuses et on ne retiendra ici que
les principales pour tenter dy répondre.
La
plus forte porte sur la logique même du rapport
: les professionnels ne sont déjà pas
gratuits ; si en plus ils doivent assumer une obligation
de résultat, ils devront se réassurer
et majorer leurs honoraires pour rester rentables. Il
est certain quon ne peut en toute orthodoxie économique
imaginer quune entreprise en donne plus pour le
même tarif. En gros, les professionnels vont être
enclins à augmenter du montant de la prime des
actuelles assurances contre les impayés de loyer
leurs émoluments, laquelle sélève
selon les cabinets à 2 ou 3% TTC. Si les pouvoirs
publics ont rêvé quon "rase
gratis", ils se sont a priori trompés. On
ne peut néanmoins pas souscrire à lanalyse
ci-dessus sans nuance : si les professionnels, dont
les portefeuilles de biens locatifs ne sont couverts
quà 15% aujourdhui contre les impayés,
garantissent 100% de leur parc en gestion, les tarifs
des assureurs seront mécaniquement amenés
à baisser. Il faut corriger cela des situations
territoriales particulières, avec des locataires
plus fragiles socialement... probablement compensés
par linverse, les locataires très solvables
et solides des beaux quartiers des viles riches.
Il
faut ajouter que dans la logique du rapport, les professionnels
verront leurs portefeuilles croitre, puisque les propriétaires
seront conduits à recourir davantage à
eux. Leffet mutualisation va par conséquent
jouer plus encore et influer doublement sur le tarif
des réassureurs. On pourrait même se risquer
à soutenir que les gestionnaires seront en situation
de tempérer leurs honoraires... Ces 5, 6 ou 8%
aujourdhui pratiqués ne sont-ils pas effectivement
dissuasifs pour trop de bailleurs ? La profession semble
ne pas sêtre interrogée là-dessus
et met en avant que les missions sont trop lourdes pour
que toute réduction de prix soit possible. Attention
quand même à la disruption digitale. Des
start up arrivent, avec des modèles économiques
qui bousculent ladministration de biens et la
location traditionnelles. La dernière née,
Flatlooker, sadresse plus particulièrement
aux jeunes, aux mobiles et aux expatriés, avec
des locations à distance et un coût de
transaction trois fois moins élevé que
dans une agence. Wizi proposait déjà un
service comparable. Pour la gestion, peu dopérateurs
digitaux, mais il y a des chances quil en apparaisse,
à des coûts moindres que ce que le marché
offre. En somme, les tarifs que nous connaissons, entre
9 et 12% TTC pour bénéficier dun
mandat de gestion totalement sécurisé,
sont susceptibles de se réduire, sans pour autant
menacer léquilibre économique des
cabinets. Les professionnels ne disent pas assez non
plus que leurs honoraires comme les primes des assurances
contre les impayés, qui couvrent également
les dégradations et les frais de justice, sont
fiscalement déductibles de lassiette des
revenus imposables, et que leur coût est donc
largement rendu indolore.
On
entend aussi de la part dune fraction de la profession
que nombre de bailleurs ne seraient pas demandeurs de
la sécurité absolue quant à la
perception de leurs loyers, prêts à assumer
le risque. Surprenant alors que professionnels comme
représentants de propriétaires soutiennent
depuis des lustres que cest la peur de limpayé
qui paralyse les investisseurs... Certes, les revendications
des bailleurs névoquent pas que le besoin
de neutraliser le risque de non paiement du loyer, mais
aussi la lenteur de la justice à prononcer des
jugements dexpulsion et de la force publique à
les mettre en uvre. La rapport Nogal ne néglige
pas ce point et veut quun bilan précis
soit établi sur ces points cruciaux.
Il
importe également de moraliser le recours à
la caution personne physique : les bailleurs qui ne
mandatent pas un professionnel pour la gestion seraient
à lavenir les seuls à pouvoir sen
servir, les gestionnaires garantissant, eux, les loyers
grâce à un mécanisme de réassurance
voire en engageant directement leur responsabilité
pour couvrir une partie du risque, le reste relavant
de lassurance. À ce compte-là, il
est indispensable dinterdire les abus relatif
à lexigence de caution, qui confinent à
la discrimination. De quel droit demander des doubles
et des triples cautions ? De quel droit refuser des
cautions apportées par des indépendants
non salariés ou habitant loutremer ? Bref,
la litanie des excès est longue.
Enfin,
une entreprise vient de bâtir un fichier des incidents
de paiement locatifs. Il a obtenu naguère le
visa de la CNIL (Commission nationale de l'informatique
et des libertés) et un tour de table se constitue,
qui donnera à la société gestionnaire
du fichier lassise nécessaire. Il ne sera
accessible quaux professionnels, qui seront seuls
habilités à lalimenter en informations
sur les locataires ayant rencontré des problèmes
de paiement de leur loyer - avec une codification claire
des impayés et du rétablissement personnel.
Cet outil donnera aux administrateurs de biens et aux
courtiers et assureurs partenaires des professionnels
un atout majeur, différenciant entre tous.
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On
sait aussi que tous ces progrès permettront une
analyse du risque et des candidatures de locataires
décomplexée et modernisée. Il est
urgent que les critères aujourdhui utilisés
évoluent, quil sagisse du fameux
CDI ou de lancienneté dans lemploi,
qui nont plus guère de sens. Le marché
devrait sen trouver plus ouvert, dans la maitrise
du risque, avec même une meilleure maitrise de
limpayé. Bailleurs et locataires sen
porteraient mieux.
La
FNAIM et lUNIS, avec le concours de lIFOP,
lancent une consultation nationale pour mesurer plus
finement les attentes des propriétaires investisseurs.
Certes, la façon de poser les questions comptera,
mais lobligation de résultat pour les gestionnaires
assortie de tarifs digestes, réellement et fiscalement,
devrait les séduire inconditionnellement. Sinon,
cest à y perdre son latin et ses repères
commerciaux. Car enfin, voilà qui transformerait
le placement pierre en support dépargne
à rendement garanti... Un bouleversement dans
le monde du patrimoine. Encore faut-il que les professionnels
croient en eux-mêmes et dans leur valeur ajoutée,
ce qui nest pas certain. Question de fierté,
au fond. Et si la future proposition de loi en cours
de rédaction, pour transposer le rapport Nogal
en réalité juridique, restaurait leur
fierté, et du même coup leur place dans
lestime des ménages et dans le marché
des services ? Il nest que temps quelle
soit vue ainsi, passé le temps des légitimes
peurs de la collectivité immobilière,
bien sûr en conscience de ce que cette évolution
changera dans les pratiques professionnelles et des
impacts sur le modèle économique des agences
et des cabinets de gestion.
Par
Henry
Buzy-Cazaux, président de l'Institut
du Management des Services Immobiliers (IMSI)
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