Tout
a commencé par une promesse de campagne du candidat
Macron, qui a sans aucun doute compté dans les
faveurs que le public lui a accordées. Son équipe
avait alors estimé le coût de la mesure
à 8 milliards deuros de manque à
gagner pour les collectivités locales concernées,
les communes au premier chef. On sait aujourdhui
que le coût global, intégrant les 20% des
ménages percevant les revenus les plus élevés,
pour qui lexonération est différée
à 2023, va dépasser les 23 milliards deuros.
Entre-temps, la taxe versée par les 20% de ménages
à plus forts revenus sera nationalisée
et directement versée à lÉtat.
Depuis
plus de deux ans maintenant, lexécutif
débat avec les maires de France sur la méthode
de compensation. Il a bien été tenté
dexpliquer aux élus locaux que des économies
de fonctionnement, notamment de train de vie, leur permettrait
aisément de trouver les ressources nécessaires,
mais largument na pas fait flores. Peut-être
simplement parce quon parle ici de 34% des ressources
des communes et quon voit mal comment les seules
charges de fonctionnement pourraient être tellement
grasses quon puisse les réduire dans ces
proportions. Il est normal en revanche quun gouvernement
qui a voulu réduire les indemnités des
maires de petites et moyennes villes considèrent
quils vivent sur un grand pied... Le problème
est quil nen est rien. Lessentiel
des dépenses de ce quil est convenu dappeler
le "bloc communal", cest-à-dire
la consolidation des budgets de toutes les communes,
part en investissements au profit des habitants. Cest
si vrai que le premier réflexe des maires qui
se sont vu priver de leur principale ressource fiscale
a consisté à lever le stylo sur la signature
des permis de construire : voilà qui explique
la baisse de lordre de 10% des octrois dautorisation
de construirez en rythme annuel, qui hypothèque
lourdement les trois années à venir. En
clair, rien à voir avec le syndrome connu du
maire qui se représente et qui se met à
labri des critiques de ses administrés
un an avant lélection, histoire de calmer
les passions de ceux qui veulent garder leur ville intacte.
Disons plutôt que cette fois, les deux effets
se sont tristement additionnés.
On
sait désormais quel scénario de compensation
a été privilégié par Édouard
Philippe et sa ministre de la cohésion des territoires
et des relations avec les collectivités locales,
après que toutes les hypothèses ont été
émises, en particulier par les experts mandatés
par le gouvernement. Les départements transfèreront
le bénéfice de la taxe foncière,
dont ils sont aujourdhui destinataires, aux communes.
En échange, ils se verront affecter de la TVA
à même hauteur, en tout cas en première
année. Ce mécanisme se mettra en place
dès 2021.
Cest
dans ce mécanisme que le bât blesse...
Lassociation des gestionnaires des collectivités
locales a dressé le constat que la taxe foncière
évoluait bien plus favorablement que la TVA sur
moyenne période. Doù la proposition
alternative que les conseils départementaux soient
habilités par la loi à augmenter les droits
de mutation à titre onéreux, improprement
dénommés "frais de notaire"
- parce que les notaires en sont les percepteurs au
moment dacter une acquisition immobilière.
Le calcul de la représentation des cadres territoriaux
en charge des finances auprès des élus
départementaux les conduit à demander
0,2 point de plus, partant de près de 8,5% à
ce jour.
On
rappellera que les droits de mutation dans notre pays
sont les plus élevés de lOCDE. Les
professionnels immobiliers ont longtemps ferraillé
pour les faire baisser, et semblent avoir jeté
léponge, sans doute aussi parce quil
est plus difficile darguer quils sont un
frein à la fluidité du marché lorsque
le nombre des ventes bat tous les records. Le problème,
cest que la solvabilisation par les taux bas,
qui agit comme un puissant booster, finit par cacher
deux maux, la cherté des logements dans les grandes
métropoles et une fiscalité de lacquisition
et de la détention confiscatoire.
En
clair, ce nest pas parce quun calmant atténue
la douleur que la maladie nexiste pas. Or le logement
est malade de ces deux maux. Guérir le premier
est difficile, se garder de laggravation du second
relève de la responsabilité politique
et économique la plus élémentaire.
On a compris quil arrivait au Président
Macron et à ceux qui lentourent doublier
les vraies gens, celles pour qui 5 euros dAPL
(aide personnalisée au logement) sont beaucoup,
les mêmes qui ont le sentiment quon réduit
la vitesse autorisée sur les routes pour punir
plus aisément et appliquer des amendes hors de
portée de la plupart des ménages. On espérait
que les élus de terrain, les mêmes qui
peuvent désormais relever à 90km/h la
vitesse maximum abaissée sans discernement, ne
mépriseraient pas les acheteurs de logement.
Pourtant, lAssemblée des départements
vient de publier une simulation correspondant à
lachat dun bien de 150.000 euros, pour lequel
une hausse de 0,2 point ne représenterait que
300 euros, estimés digestes par les élus
départementaux.
Non,
300 euros ne sont pas négligeables pour les familles.
Est-on prêt à incliner les patrons à
augmenter de 300 euros leurs salariés au motif
que ce nest pas grand chose ? Sans compter que
dans les grandes villes lopération moyenne
va plutôt sélever à 300.000
euros, avec pour conséquence le double de 300
euros en guise de majoration de la facture actuelle.
Des sommes que les accédants paieront, mais quils
nutiliseront pas pour faire tourner la machine
économique en achetant des meubles ou de lélectro-ménager
ou en consommant des services. Bref, la pénalisation
est bien réelle.
Quant
à dire que cette facture augmentative est inférieure
à une année de taxe dhabitation
et quelle nest payée quune
fois, cela ressortit à une grande mauvaise foi
politique : de quoi se plaindraient des contribuables
à qui on annonce quun cadeau fiscal promis
sera finalement moindre ? Ce geste réclamé
par les conseils départementaux, si lÉtat
y consentait, serait une mauvaise manière de
plus envers limmobilier. Il engoncerait surtout
un peu plus le pays dans larchaïsme fiscal
pour les actifs immobiliers, quon sait marqué
du sceau indigne de la "rente", aux yeux du
Président de la République.
Par
Henry
Buzy-Cazaux, président de l'Institut
du Management des Services Immobiliers (IMSI)
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