Le
député Mickaël Nogal travaille. Il
a reçu du Premier ministre par décret
spécial la mission de réfléchir
à améliorer laccès au marché
locatif pour les candidats locataires et de sécuriser
les revenus des propriétaires investisseurs.
Il faut ajouter que lintuition du gouvernement
consiste à croire que professionnaliser les locations
et la gestion des logements est souhaitable : à
ce jour, une location sur deux seulement se fait par
lintermédiaire dun agent immobilier
et un tiers seulement du parc locatif est dans les mains
des administrateurs de biens. Or, on sait dexpérience
que les particuliers sont dans lapproximation
-en tout cas plus que les professionnels... -, tant
pour fixer le niveau des loyers que pour choisir les
locataires, roulant entre le laxisme et des exigences
excessives quand elles ne sont pas illicites.
Ce
qui est intéressant dans cette affaire, cest
quon en revient à une réflexion
que dautres gouvernements avant celui dÉdouard
Philippe avaient menée sans jamais aboutir à
une solution viable : garantie universelle des loyers
(GUL), couverture logement universelle (CLU), peu importe
le nom, en tout cas on sent bien que la question dorganiser
un marché locatif équilibré et
heureux reste entière. On sait aussi que le sujet
est très vite idéologique : lÉtat
doit-il agir seul ou entrer dans une logique une logique
gagnant -gagnant vis-à-vis de la communauté
des assureurs en créant un produit issu dun
partenariat public-privé ? Doit-il impliquer
les gestionnaires au point de leur faire porter la responsabilité
entière douvrir le choix des locataires
et dassurer le versement des loyers ?
Une
chose est sûre : le marché locatif français
nest pas moderne. Il est dépendant de mécanismes
de gestion du risque archaïques, quil sagisse
des critères de sélection des locataires
- CDI, ayant par le passé acquitté leur
loyer régulièrement - ou des dispositifs
assurantiels existants, les deux étant évidemment
corolaires. Dans la série des dispositifs existants,
le plus éculé de tous et le plus dangereux
est celui de la caution personne physique. De quoi sagit-il
? Un candidat locataire dont la solvabilité semble
fragile au bailleur ou à son mandataire sollicite
un tiers, qui vient se porter caution du paiement du
loyer pour le cas où le locataire viendrait à
ne plus assumer ses obligations. Les critères
de solvabilité sont à la discrétion
du bailleur ou de son gestionnaire, mais ils sont souvent
au moins aussi exigeants que ceux qui pèsent
sur le locataire. En somme, on est dans la tautologie
: on ne prête quaux riches. Madame Boutin,
dans la loi MOLLE - bien nommée à cet
égard - a repensé le recours à
la caution, en le rendant exclusif dune assurance
contre les impayés de loyer. Elle a ouvert une
brèche sans aller au bout de lexercice
: il faut rendre lassurance contre les impayés
de loyers obligatoire pour les bailleurs et supprimer
la possibilité de recourir à la caution,
mécanisme injuste.
Injuste
dabord : qui croyez-vous apte à se procurer
la caution pour louer son logement ? La solidarité
familiale, légion il y a trente ou quarante ans,
nexiste plus : les familles sont éclatées,
géographiquement et affectivement, et en outre
les parents, caution naturelle des enfants, sont désormais
le plus souvent moins solvables que ne le sont leurs
enfants, bénéficiaires de retraites par
répartition étiques - sans h -, éventuellement
pensionnaires dEhpad et devant faire face à
des frais considérables... quand ils ne sont
pas déjà morts. Lépoque est
révolue où le tissu familial était
resserré, et où il était facile
de solliciter un père ou une mère ou un
grand parent à bon compte. Il sajoute que
la caution a été inventée quand
le statut de locataire était un pis aller et
que dès que possible les jeunes ménages
accédaient à la propriété
: ils ne le peuvent plus pour beaucoup dentre-eux
et se retrouvent locataires au cur des villes
à des âges mûrs, à devoir
justifier dune solvabilité de substitution,
au prix defforts surhumains, pour des loyers importants
correspondant à des appartements familiaux. Aujourdhui,
seuls ceux qui ont réseau, qui sont socialement
forts, peuvent obtenir une caution digne de ce nom,
répondant aux critères. La caution est
humiliante.
Sans
compter que la caution est infiniment mois protectrice
quelle ne la été. Dabord,
pas de fichier positif des cautions. En clair, nonobstant
lengagement pris par une personne caution dun
locataire de ne pas sêtre engagée
par ailleurs, on ne peut en aucun cas être assuré
quelle na pas apporté sa caution
à un autre locataire. On ne peut non plus être
certain quun an, deux ans ou cinq ans après
avoir signé elle est toujours aussi solvable
quelle létait. Na-t-elle pas
perdu son emploi ? Sa situation familiale na-t-elle
pas évolué ? Sa cellule familiale na-t-elle
pas éclaté ? On doit aussi reconnaître
que lautorité morale quune caution
exerçait sur un locataire parent ou ami nest
plus la même : il y a vingt ans, un simple appel
dune personne qui sétait portée
caution à son filleul suffisait à rétablir
la situation et le débiteur payait... Cette autorité
morale sest délitée.
Quant
aux cautions bancaires, foutaise : les établissements
financiers vous apportent leur caution à la condition
que vous séquestriez sur un compte spécial
une année de loyer. Autant dire que les banques
ne veulent pas couvrir le risque dimpayé
de loyer et que ce territoire ne les intéresse
pas, ce qui ne révèle pas chez elle une
vision stratégique longue : le marché
des locataires, futurs accédants, se conquiert
là et elles ne lont dévidence
pas compris. Les professionnels de la gestion, au motif
que la caution est gratuite, sont restés attachés
à elle alors que la solution de lassurance,
infiniment plus efficace, était à leur
portée.
Le
député Nogal, élu de la Haute-Garonne
et vice-président de la Commission des affaires
économiques de lAssemblée Nationale,
peut faire progresser magistralement le marché
locatif dun trait de plume, en effaçant
la caution, réponse dun autre temps à
une problématique actuelle. Seule une solution
assurantielle peut fluidifier les relations locatives.
Il nest que temps de le réaliser et de
les tirer le larchaïsme dans lequel elles
sengoncent, avec à la clé un cruel
manque douverture sociale et ce que Hegel eût
nommé la reproduction du même, cest
à dire lincapacité à poser
le regard sur des réalités nouvelles.
Par
Henry
Buzy-Cazaux, président de l'Institut
du Management des Services Immobiliers (IMSI)
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