Dans des propos rapportés par l'AFP, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, Jean-Louis Borloo, a fait sensation en prédisant à l'occasion d'une audition à l'Assemblée nationale qu'il y aurait une "baisse sensible" des prix de l'immobilier en France d'ici deux ou trois ans, due notamment à l'augmentation de l'offre de logement qui allait permettre de "revenir à un marché normal". "Nous sommes en train de desserrer l'étau" grâce aux constructions de logement, a déclaré le ministre, ajoutant que les baisses bénéficieraient à "tout le monde", à l'exception de quelques "micro-marchés".
Selon un document du ministère, "la relance de la construction (410.000 logements mis en chantier en 2005, près de 430.000 sur les 12 derniers mois contre 310.000 en 2002) porte ses fruits".
Le ministre a également selon l'AFP contesté qu'il y ait une pénurie du foncier : "nous sommes le pays le moins dense d'Europe, c'était des prétextes" pour ne pas construire, aurait notamment déclaré le ministre, ajoutant que "nous ne sommes pas la Hollande ou Hong Kong, nous pouvons décider demain matin de faire tout le foncier que l'on veut", mais "tout le monde était ravi que personne ne bouge et tout allait bien", aurait-il ajouté.
Le ministre s'attribue un peu vite le mérite de l'augmentation spectaculaire de la construction au cours des deux dernières années : le quotidien Le Monde, dans un article récent (1), faisait remarquer que le gros de la production est constitué de maisons individuelles, pour la plupart construites à l'initiative de particuliers, sur leurs propres terrains, ce qui fait d'eux les premiers producteurs de logements. Sur les 229 000 nouvelles maisons individuelles de 2005, 180 000 (78 %) sont dans ce cas. Par ailleurs, 280 000 des 410 000 logements construits en 2005 (soit 68 %) étaient destinés à des ménages aisés, percevant trois smic et plus...
Interrogé le 20 septembre sur l'antenne d'Europe 1 sur le réalisme des propos du ministre, Michel Mouillard, professeur à l'Université Paris X Nanterre et spécialiste du marché immobilier, rappelait qu'il manque de 800 à 900.000 logements abordables en France pour satisfaire correctement les besoins : même avec la construction de 450.000 logements par an, qui suppose en particulier le maintien pendant plusieurs années de l'effort budgétaire de l'Etat, le marché immobilier pourrait recommencer à fonctionner normalement dans... 10 à 12 ans !
Pour que les prix baissent réellement, il faut selon lui "que le marché entre en crise profonde, ce que personne ne veut vraiment"...
En tous cas la crise du logement pour les catégories les plus modestes est loin d'être résolue : la Fondation Abbé Pierre le rappelle et demande à l'occasion de l'ouverture à Bordeaux du congrès annuel de l'Union sociale pour l'habitat (USH - ex Union des HLM), une relance massive de la production de logements sociaux. Dans un communiqué, elle estime que le rythme de la construction de logements sociaux "s'il s'est fortement redressé, est loin de correspondre aux besoins croissants des ménages qui en ont le plus besoin", et qu'il faudrait au moins un triplement de la production. Or comme le fait remarquer Le Monde dans l'article cité, la production de logements sociaux, "même si elle se redresse légèrement (+ 9,7 % entre 2004 et 2005), reste faible, faute d'une participation financière suffisante de l'Etat et d'une volonté de certains élus. Environ 65 000 logements sociaux auront été produits en 2006 (contre 55 000 en 2005), dont 25 000 (38 %) relevant de la catégorie intermédiaire, et donc financièrement inaccessibles pour les ménages les plus modestes. C'est encore loin des objectifs fixés par Jean-Louis Borloo dans son plan de cohésion sociale (100 000 logements en 2006, 500 000 en cinq ans) et c'est bien peu pour satisfaire le million, voire le 1,3 million de demandeurs d'HLM, dont les deux tiers disposent de ressources très modestes"...
(1) Le Monde du 13 septembre "Construction : un marché dynamique qui rate sa cible"
|