S'il fallait une illustration des conséquences ubuesques du maintien de la règle de l'unanimité pour les décisions européennes à 25 participants, la "négociation" sur le taux réduit de TVA vient de nous la fournir ! Depuis le 1er janvier 2006, faute d'accord pris avant cette date pour les pérenniser ou les proroger, les régimes temporaires de taux réduits, et notamment en France celui appliqué pour les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien des bâtiments et locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans, sont caducs et les Etats ne sont plus autorisés à les appliquer. Dans la perspective d'un accord le 24 janvier, la Commission européenne, censée appliquer des sanctions aux Etats qui continueraient à les appliquer, a accepté d'y surseoir jusqu'à cette date.
Trois pays ayant bloqué l'accord qui se dessinait et qui, obligeant la France à faire le deuil de la promesse présidentielle visant la restauration, préservait au moins la prorogation jusqu'à la fin 2010 du régime pour le bâtiment, un délai supplémentaire était donné jusqu'au 29, puis, la Pologne restant seule opposante, jusqu'au 31 en raison du drame de l'effondrement d'un toit de hall d'exposition...
Le 31 janvier, la Commission européenne faisait savoir qu'elle engagerait des procédures de sanctions dès le 1er février, et le même jour le ministre des finances recommandait de ne pas en tenir compte, faisant état de négociations toujours en cours avec la Pologne : "tant que nous continuerons à négocier, le taux de TVA à 5,5% s'appliquera", a-t-il assuré lors de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. "Tant que nous négocions, et nous négocions, le taux de TVA à 5,5% s'applique à tous les travaux qui ont bénéficié d'un devis", a-t-il ajouté dans des propos rapportés par l'AFP au cours d'un point de presse à l'issue d'un entretien avec son homologue autrichien Karl-Heinz Grasser, dont le pays assure la présidence tournante de l'Union européenne.
Les professionnels du bâtiment ne savent plus à quel saint se vouer : la loi de finances pour 2006 a maintenu l'application de la TVA à 5,5%, et jusqu'à nouvel ordre elle reste en vigueur. Il faut en principe une loi pour la supprimer ! Les factures peuvent donc continuer à être établies avec le taux réduit.
Le problème se pose par contre pour les devis, et pour les budgets de ceux qui ne récupèrent pas la TVA, en particulier pour les copropriétaires qui ont adopté des budgets prévisionnels pour 2006 tablant sur une TVA à 5,5%, et surtout ceux qui ont voté ou s'apprêtent à voter dans les assemblées générales de ce début d'année des travaux sur la base de devis avec TVA réduite. Les entrepreneurs semblent avoir eu la prudence de faire des devis ajustables en cas d'augmentation de la TVA applicable, mais il est à craindre, si le régime de TVA réduite finissait par ne pas être maintenu, que de nombreuses assemblées doivent être convoquées pour voter des suppléments de budget !
On en est certes pas encore là, et la France et ses partenaires devraient avoir les moyens d'amener la Pologne à rescipicence, mais le temps presse : une prologation de la situation actuelle ne manquerait pas d'accentuer la confusion...
|