C'est le pavé dans la mare lancé par Jean Perrin, président de la l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière), qui a soumis au gouvernement le projet d'un nouveau type de contrat de location, dit "à l'essai", inspiré du contrat première embauche : aux 9e et 21e mois, le propriétaire pourrait donner congé au locataire avec un préavis de 3 mois sans nécessité de justification comme actuellement pour reprise, vente ou motif légitime et sérieux. Au bout de deux ans sans préavis, le bail deviendrait "à durée indéterminée" et retomberait dans le droit commun...
"Les propriétaires veulent des locataires convenables et des loyers corrects", aurait déclaré Jean Perrin à l'AFP qui rapporte ses propos, ajoutant que "s'ils pouvaient tester les locataires, il serait possible de remettre sur le marché au moins 300.000 logements, soit le nombre de logements neufs créés en une année" !
En fait l'idée emprunte le même raisonnement que dans le domaine des contrats de travail le CNE (Contrat "nouvelles embauches") et le CPE (contrat première embauche) : il y a crise du logement parce que les bailleurs sont réticents à mettre des logements en location et préfèrent les garder vacants plutôt que courir le risque d'y loger des mauvais payeurs, qui plus est susceptibles de dégradations, et de ne plus pouvoir en retrouver la libre disposition quand ils le souhaitent pour y loger enfants ou petits enfants ! Donnons leur la possibilité de "tester" la location sans risques et ils mettront tous ces logements en location pour le plus grand profit des mal logés : ce bail à l'essai "induit une certaine précarité mais c'est mieux que ne pas avoir de logement", a également déclaré M. Perrin, reprenant la même argumentation que celle entendue lors de la mise en place du contrat nouvelle embauche (CNE) puis de la proposition de CPE par le gouvernement...
Répondant par avance à l'objection, le président de l'UNPI, qui s'exprime au nom des 200.000 adhérents de sa fédération, s'est voulu rassurant pour les locataires : "il y a peu de chance que le locataire, dans le cas où il serait titulaire d'un CPE et où il occuperait un logement avec ce type de bail, se retrouve licencié et à la rue au même moment", aurait-il notamment déclaré...
Les réactions n'ont évidemment pas tardé : déjà pas chaud pour le CPE, le ministre en charge du logement, Jean-Louis Borloo, a déclaré la proposition "illégale et inacceptable" ; le tollé est quasi-général : parti socialiste, associations de consommateurs et de locataires... L'ancienne ministre du logement Marie-Noëlle Lienemann a réagit la première en adressant son point de vue très tranché aux rédactions.
Paradoxalement, cette proposition analogique qui trahit une adhésion au raisonnement qui sous-tend le CNE en souligne aussi la faiblesse : elle vise à généraliser la précarité pour tous les nouveaux locataires - nul doute que par effet d'aubaine un tel contrat de bail rencontrerait un aussi vif succès que le CNE - au nom d'une hypothétique création de locations nouvelles, comme le CNE est fondé sur une hypothèse invérifiée de créations d'emplois ! Elle pose en tous cas une fois de plus la question de l'évaluation du stock fantomatique de logements vacants qui pourraient trouver preneur par simple volonté de mise sur le marché de la part de leurs propriétaires : bien évidemment personne n'est en mesure d'étayer ce chiffre de 300.000 logements cité par l'UNPI, ni de savoir si ces logements sont en état d'être loués et situés là ou existe une demande de logements non satisfaite. Lors de l'instauration de la taxation des logements vacants, la même UNPI en minimisait le nombre, ce qui n'a pas manqué d'être confirmé par le rendement médiocre de cette taxe (moins de 100.000 logements soumis)...
Enfin on peut se demander si le rétablissement d'une liberté de donner congé est la bonne priorité pour les bailleurs : si nombre d'entre eux sont réellement sinistrés par une situation d'impayés qui durent et d'impossibilité de retrouver la disposition de leur bien, c'est d'abord en raison de l'impéritie des pouvoirs publics, incapables d'assurer aux justiciables des délais de justice acceptables, puis d'exécuter les décisions d'expulsion faute de pouvoir assurer le relogement d'occupants qu'il n'est pas possible de laisser dans la rue...
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