Evoqué par le par le président de la République, Jacques Chirac, lors de la présentation des voeux du gouvernement, le système des "class actions" ou actions collectives, bête noire du système juridique américain, pourraient être rendues possibles dans le droit français : peu de modifications seraient nécessaires, celui-ci comportant déjà toutes les dispositions permettant d'actionner la responsabilité des entreprises ; selon Louis Boré, avocat au conseil d'Etat et à la Cour de cassation, auteur d'une thèse sur ce thème et cité par Le Figaro (1), il suffirait d'une légère modification du nouveau code de procédure civile.
Et rien selon lui ne s'y oppose. Pas même la philosophie du droit anglo-saxon jugée par certains trop éloignée de la nôtre pour tenter une greffe de ce type. Au Québec, dont le système juridique est très proche du nôtre (un système de droit écrit), les actions collectives ont trouvé très facilement leur place, il y a vingt-cinq ans.
Les consommateurs n'en seraient en outre pas les seuls bénéficiaires. Pour l'avocat, les actions collectives constituent aussi un facteur d'efficacité "cette procédure permet de juger en une fois ce qui donne lieu aujourd'hui à des dizaines de procédures mobilisant des dizaines de magistrats et d'avocats. Tout cela a un coût pour la collectivité que les actions collectives permettraient de réduire" indiquait aussi Louis Boré.
Dans la pratique, il existe deux grands types d'actions collectives : les «opt out» et les «opt in». Les premières engagent effectivement tous ceux qui n'ont pas refusé d'être dans le groupe de plaignants. Autrement dit une personne victime d'une pollution ou du vice caché d'un produit pourrait se retrouver enrôlée passivement dans une procédure de ce type. En revanche les secondes, les «opt in», ne concernent que ceux qui se sont manifestés. Elles permettent dès lors de limiter la portée des actions collectives et, de ce fait, de respecter les principes français traditionnels.
Des tendances se manifestent aux Etats-Unis, appuyées par l'administration Bush, pour restreindre ce type d'actions qui ont coûté des centaines de millions voire des milliards de dollars à des grands groupes.
Mais, pour Louis Boré, il s'agit davantage d'un signe d'équilibre face à des dérives excessives, que de celui d'un déclin. Les cabinets d'avocats qui ont défendu des causes indéfendables en fondant leur rémunération sur le résultat ont désormais décidé de ne se charger que des dossiers solides afin d'avoir une chance de réussir. Il est peu probable que les avocats français aient les moyens financiers suffisants pour défendre des causes incertaines, au résultat aléatoire mais qui nécessitent un investissement très lourd en temps et en main-d'oeuvre.
Les fabricants et prestataires - dans l'immobilier on pense évidemment aux grands groupes de promotion immobilière ou d'administration de biens - ont tout à craindre de l'irruption en France de cette pratique : le consommateur lésé s'engage rarement dans une action personnelle alors qu'il peut se laisser facilement convaincre de participer pour un faible investissement à une action collective qui peut lui rapporter plusieurs fois sa mise ! Les coûts pour les entreprises de ce type d'actions sont incomparablement plus lourds que le dédommagement accordé à quelques personnes isolées. De surcroît, en se regroupant, les victimes deviennent plus représentatives aux yeux des magistrats en charge d'un dossier, qui alors font preuve de plus de sévérité à l'égard du défendeur...
(1) Le Figaro, 6 janvier 2005
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