Le ministre de l'Ecologie, Serge Lepeltier a fait sensation en présentant au conseil des ministres mercredi 8 décembre les grandes lignes d'un plan sur six ans de prévention des séismes qui vise à mieux sensibiliser les populations et à mieux prendre en compte les risques sismiques dans les constructions : il a notamment estimé qu' "un séisme important est probable en France métropolitaine et aux Antilles", et qu'il "provoquerait de nombreuses victimes et des dégâts très importants". Et de donner à titre d'exemple, un séisme comparable à celui survenu en 1909 près de Salon-de-Provence, qui pourrait faire aujourd'hui de 400 à 1.000 morts, un séisme comme celui de Fort-de-France en 1839 jusqu'à 4 700 morts... Pire, un tremblement de terre sous la ville de Nice pourrait avoir un coût encore plus exorbitant (100 milliards d'euros) et anéantir le système actuel d'indemnisation des catastrophes naturelles...
Relevant que "les populations et les services publics ne sont pas suffisamment préparés à affronter les conséquences d'un séisme grave et (que) les règles de construction parasismique ne sont pas toujours respectées", M. Lepeltier a indiqué que son plan comportait trois axes :
- "approfondir la connaissance scientifique du risque et mieux informer sur celui-ci",
- "améliorer la prise en compte du risque sismique dans la construction" et reprendre les recommandations européennes sur les constructions parasismiques,
- "coopérer et communiquer entre tous les acteurs de la prévention et de la gestion du risque".
Le coût ainsi que le détail des mesures seront dévoilés en février 2005. Pas moins de 5 359 communes françaises sont en fait concernées, essentiellement situées dans le Sud-Est, les Pyrénées et l'est du pays.
Trois cents séismes de plus de 3,5 de magnitude se sont produits en France depuis vingt ans, rappelle de son côté, selon Le Figaro (1), le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières). Le quotidien rappelle que les récents événements sont là pour illustrer cette "terrible réalité" : quelques jours auparavant, un séisme de magnitude 5,4 a touché l'Alsace, région qui avait déjà été victime de secousses de même intensité le 22 février 2003. Le 21 novembre, le tremblement de terre d'une magnitude de 6,3 sur l'échelle de Richter survenu au large de la Guadeloupe a provoqué la mort d'une fillette de 3 ans, écrasée par l'effondrement d'un mur à Trois Rivières, a fait plusieurs blessés graves et provoqué des dégâts considérables...
Pour les bâtiments neufs, les règles de construction seront renforcées. En 2005, le contrôle technique deviendra obligatoire pour les bâtiments de plus de 8 mètres, au lieu de 28 mètres actuellement dans les zones sismiques 2 et 3, c'est-à-dire les plus exposées au risque. Les dossiers de permis de construire devront désormais comporter un document attestant que les risques sismiques sont pris en compte. Des sanctions seront prévues pour tous ceux qui ne respecteraient pas la réglementation...
Pour les maisons et immeubles anciens, ceux qui posent des problèmes cruciaux car ils ont été construits à une époque où les règles parasismiques ne s'imposaient pas nécessairement, le ministère de l'Ecologie réfléchit à une incitation fiscale. Celle-ci est destinée à encourager les propriétaires à faire réaliser un diagnostic et à les aider à financer des travaux de renforcement si besoin est. Nombre d'établissements publics de construction récente sont aussi concernés. Un rapport parlementaire (Christian Kert, 1995) révélait qu'une majorité des écoles situées en zone sismique pouvaient s'écrouler en cas de séisme de magnitude moyenne !
Autre mesure prévue, renforcer la formation des professionnels de la construction, depuis les maîtres d'ouvrage jusqu'au personnel de chantier...
Toujours selon le Figaro, la France devrait en 2006 disposer d'une nouvelle carte de zonage sismique. Elaborée à partir d'une approche probabiliste qui ne tient pas seulement compte des événements extrêmes pour définir l'aléa, cette carte «plus intelligente» intègre aussi les dernières avancées en sismologie, comme ce que l'on appelle l'effet de site. Les séismes du Gudjarat (Inde), Boumerdès (Algérie) et Bam (Iran) ont en effet montré que la nature du sol sur lequel est posée la construction peut amplifier les secousses. C'est ainsi que la ville de Grenoble, construite dans une vallée encaissée, pourrait se trouver classée dans la même zone de forte sismicité que les Antilles.
Les experts ont terminé cette carte. Elle devrait faire l'objet de concertation dès l'an prochain et être définitivement adoptée en 2006. Les modes de concertation n'ont pas encore été arrêtés par le ministère de l'Ecologie. On peut s'en étonner alors que la concertation joue un rôle déterminant dans la prise en compte du risque.
(1) Le Figaro du 9 décembre 2004
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