Assistons nous à un spectaculaire revirement jurisprudentiel concernant l'indemnisation du bailleur dans le cas où le locataire ne restitue pas les locaux loués en bon état ? Il faut le croire car c'est toutes sections réunies que la 3ème Chambre de la Cour de cassation a contredit une jurisprudence antérieure qui paraissait constante (1) : pour obtenir la condamnation à des dommages et intérêts du preneur qui n'a pas restitué les lieux en bon état de réparations locatives, le bailleur devrait désormais justifier d'un préjudice !
Pourtant jusque là, il s'était établi que l'indemnisation du bailleur n'était subordonnée ni à l'exécution des réparations locatives, ni à la justification d'un préjudice (2), mais il est vrai qu'auparavant il avait été jugé que le bailleur ne pouvait prétendre qu'au paiement des sommes réellement déboursées pour réparer les dégradations causées dans les lieux loués (3)...
Avec ce nouvel arrêt, la Cour de cassation revient aux conditions strictes communément admises pour la mise en jeu de la responsabilité : le bailleur n'a droit à des dommages et intérêt que si une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice sont établis !
De surcroît, la Cour de cassation indique que le juge doit apprécier l'existence du préjudice au moment où il statue ; or la cour d'appel avait relevé que le bailleur, alors qu'il reprochait au locataire d'avoir restitué les lieux dans un état d'entretien ne permettant pas une relocation immédiate et aisée, les avait finalement reloués en les déspécialisant, et que l'installation dans les locaux d'un salon de coiffure avait nécessité un réaménagement spécifique complet par le nouveau preneur ! Le bailleur ne pouvait donc justifier avoir réalisé des travaux ou contribué à l'aménagement du nouveau preneur ni dû consentir un bail à des conditions plus défavorables que si l'état des lieux avait été différent...
Ce raisonnement appliqué ici dans le contexte particulier de la location commerciale, pourra être aussi invoqué dans tous les cas, notamment en habitation, où la vétusté des locaux est telle qu'ils n'auraient pas pu être reloués sans une réhabilitation complète, peu important alors qu'ils aient été restitués avec des dégradations conséquentes !
(1) Cass. 3ème Ch. civ., 3 décembre 2003, n° 02-18033
(2) Cass. même chambre, 30 janvier 2002, n° 00-15784, épx Bolmont c/ Sté Carrosserie industrielle des Ets Bolmont, 3 avril 2001, n° 99-13668, Liégeon c/ Tournier, 30 septembre 1998, n° 96-21512, Touret c/ épx Robert
(3) Cass. 3ème Ch. civ., 26 janvier 1996, n° 94-11422, Marsat c/ Perret
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