"Politique du logement, faire sauter les verrous" : c'est sous ce titre que l'institut Montaigne, think tank à tendance libérale, propose ce que certains ont présenté comme 20 propositions "choc" pour "inverser" la logique de l'intervention de l'Etat sur le secteur du logement, qu'il juge "basée sur la réglementation, les taxes et la dépense publique". Publié le 7 juillet, le rapport dénonce à juste titre l'augmentation des prix de 1996 à 2014 et son coût social et économique, mais aussi le coût excessif des politiques publiques sans résultats spectaculaires, dispersées, et s'appuyant sur une fiscalité qualifiée d' "élevée", et en augmentation de 17% depuis 2009. Il dénonce aussi comme l'a fait le rapport collectif de trois organes de l'Etat, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) en février dernier le fait que l'intervention publique vise à la fois à corriger les imperfections du marché, à contribuer à la redistribution de richesses, à promouvoir la mixité sociale ou l’accession à la propriété tout en soutenant un secteur d’activité très sensible à la conjoncture, et que ces différents objectifs nuisent à la cohérence des interventions et donc à leur efficacité. Mais, il daube aussi à bon compte sur la compétence communale inadaptée sur l'urbanisme, la prolifération des normes et les contraintes sur les bailleurs qui seraient dissuasives : c'est "mainstream" et personne n'ose contredire...
Il dénonce par contre avec plus de justesse les effets de la baisse de la mobilité au sein du parc social et du parc privé, en termes de développement de situations inéquitables, la nécessité de rationaliser les aides personnelles au logement dont le nombre de bénéficiaires a augmenté de 40% entre 1990 et 1994, avec un effet inflationniste indéniable sur les loyers, ainsi que les effets d’aubaine fiscaux des aides à l’investissement locatif, insuffisamment évaluées, sans oublier les aides à la rénovation énergétique nombreuses, complexes, coûteuses (7 milliards d'euros par an).
Les 20 propositions sont-elles à la hauteur pour rompre avec des politiques ainsi jugées inefficaces et coûteuses ? Rien n'est moins sûr ! Elles oscillent entre le voeu pieux et la mesure à la marge dont on ne peut attendre de bouleversement. Ainsi, recommander de transférer les permis de construire aux intercommunalités, alors que le gouvernement s'est cassé les dents dessus avec la loi "ALUR", ne coûte pas cher, de même que rendre l'expulsion des locataires "plus effective", alors que l'on sait que le seul frein à l'effectivité des expulsions est l'insuffisance de l'hébergement d'urgence.
De même, alors que beaucoup a été fait, accentuer encore les restrictions contre les recours abusifs est peu réaliste sans mettre en cause la la nécessité d'un contrôle sur ce qui est réalisé, au risque de faire ressembler la France à un pays du sud...
Sans surprise on trouve aussi en bonne place la suppression de l'encadrement des loyers. La mesure phare de la loi "ALUR", dont les effets n'ont pu encore se faire sentir puis qu'elle n'entre en vigueur que le 1er août et seulement à Paris, peut être discutée. Mais l'absence d'encadrement jusqu'ici n'a pas permis d'inonder le marché de logements accessibles. De même, penser fluidifier le marché du logement en baissant significativement les frais d’inscription hypothécaire est louable, mais les auteurs savent-ils que 60% des crédits immobiliers sont désormais garantis par cautionnement ? Préconiser de le généraliser eût été plus avisé... Bonne idée par contre de "déclasser massivement les dispositions législatives du code de la construction et de l’habitation qui relèvent en réalité du domaine réglementaire, pour pouvoir modifier de nombreuses normes sans avoir à passer par le Parlement" ; par contre, penser qu'une simplification massive des normes soit possible et facile est illusoire, de même qu'en attendre une relance de la construction et une baisse des prix du neuf. Le seul moyen est de peser sur le prix des terrains, car c'est le foncier qui absorberait toute baisse des coûts de construction...
A noter tout de même la proposition, afin de permettre le financement d’équipements publics, d'intéresser les collectivités locales aux plus-values d’urbanisme captées par les propriétaires fonciers en systématisant la taxe forfaitaire, aujourd’hui facultative et fixée à 10% de la plus-value réalisée, sur la première cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles, et de manière plus générale, celle de créer des taux marginaux progressifs de droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
Intéressante aussi la proposition de moderniser l’assiette de taxation sur la détention et l’occupation en révisant les valeurs locatives cadastrales pour qu’elles reflètent la valeur et le niveau de confort du bien taxé. Nous avons cru comprendre que c'est le but de la révision des valeurs cadastrales, maintes fois repoussée et entamée enfin par une expérimentation sur 5 départements dont Paris. Mais emportés par leur élan, les auteurs du rapport voient à terme "une fiscalité modernisée sur la détention [qui] devrait se substituer à une taxation des transactions". Si ce n'et pas un impôt sur le capital, ça y ressemble fortement...
Quant au budget gigantesque des aides au logement (18 milliards par an), leur croissance non maîtrisée, et leurs effets inflationnistes, on reste sur sa faim : la seule proposition est de supprimer le bénéfice des aides personnelles au logement pour les étudiants non-boursiers. Sur celui des aides à la rénovation énergétiques, la 20ème proposition recommande de simplifier et stabiliser les aides apportées aux ménages en matière de rénovation énergétique des bâtiments par la création d’un dispositif de soutien aux seuls ménages à revenus modestes, et de restreindre très fortement, voire supprimer, le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). Au risque cependant de tuer un secteur économique naissant, qui peine à décoller...
|