Le logement constitue, avec l’emploi, la priorité des Français pour garantir la cohésion sociale : c'est une des conclusions d’une étude réalisée en juin 2014 auprès de 2 000 personnes, âgées de 18 ans et plus, par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) sur les attentes des Français en matière de politique du logement, que Sylvia Pinel, ministre du logement, s’est vue remettre le 9 décembre. Le cadre de vie et le logement viennent, dans l'ordre d'importance au yeux des personnes interrogées, juste derrière leur famille et leurs enfants, et avant le travail, le temps libre ou les amis. "Support de l’identité pour chacun, endroit pour se ressourcer et rencontrer ses proches, le logement est également devenu - sous l’effet de la très forte hausse des prix de l’immobilier et sa déconnexion avec l’évolution des revenus - un marqueur social, voire une ligne de fracture sociale", indique le rapport.
Un autre trait qui ressort de l'étude est qu’il n’y a pas une politique prioritaire attendue. Les sondés sont partagés quant aux priorités que les pouvoirs publics devraient se fixer : 21% attendent que soit soutenue en priorité l’accession à la propriété, 18% souhaitent le développement du logement social, 15% évoquent l’aide aux jeunes actifs, 15% recommandent la mobilisation des logements vacants, 14% privilégient l’aide à la rénovation des logements anciens, et 10% l’augmentation des aides personnelles. Le développement du parc locatif privé et l’action pour garantir le paiement des loyers ne sont cités respectivement que par 4 et 2% des personnes interrogées...
Les dispositifs d’accession à la propriété sont jugés plus prioritaires par les classes moyennes supérieures, les personnes en couple et celles ayant entre 25 et 39 ans. Le CREDOC suggère que souhait de devenir propriétaire est souvent lié à la présence d’enfants ou au projet de construction d’une famille. "Mais depuis quelques années l’augmentation des prix de l’immobilier est telle qu’il devient quasi impossible aux personnes seules d’acheter leur logement (les couples biactifs représentent aujourd’hui 62% des accédants à la propriété contre 35% en 1990). Les bas revenus, les classes moyennes inférieures et les jeunes ont également de plus en plus de mal à devenir propriétaires. Et finalement, ce sont les personnes déjà prêtes à acheter qui réclament le plus une action de l’Etat pour les aider dans le domaine", explique le rapport.
Peu nombreux sont les locataires (du parc social ou du secteur libre) qui n’envisagent pas l’idée de devenir un jour propriétaire. Mais la contrainte financière est très forte : 22% d’entre eux indiquent que le principal levier qui les inciterait à acheter un logement serait de disposer de revenus plus importants, 23% disent, en miroir, que l’élément déclencheur pourrait être une baisse des prix d’achat des logements et les locataires du parc social soulignent que des conditions de crédit plus favorables pourraient jouer. Le CREDOC rappelle que le parc locatif est de plus en plus marqué sociologiquement : il accueille de plus en plus de ménages jeunes, célibataires, disposant de revenus modestes, de familles monoparentales, etc. Alors qu’en 1970, les locataires avaient à peu près le même niveau de vie que les propriétaires, leur revenu est aujourd’hui inférieur de 38% à celui des propriétaires souligne le rapport (citant Friggit 2013). "Le mouvement d’accession à la propriété qui s’est mis en place au cours des 40 dernières années s’est fait de manière hétérogène : la catégorie des locataires s’est peu à peu vidée de ses membres les plus aisés, ceux qui ont pu accéder à la propriété malgré l’envolée des prix de l’immobilier. Les jeunes semblent les plus nombreux à désirer acquérir un logement (80% seraient incités à acheter un logement avec une des propositions contre seulement 31% des 70 ans et plus), mais ils sont les plus freinés par les contraintes financières (29% expliquent qu’ils sauteraient le pas s’ils avaient une augmentation de revenu et 22% si les prix diminuaient)".
A noter que le soutien au logement social arrive en deuxième position des priorités à donner à la politique du logement. Il est même placé en tête des priorités par les plus de 60 ans, les personnes seules, les retraités, les bas revenus, les habitants de l’agglomération parisienne et les locataires - qu’ils logent actuellement dans le parc privé ou social. Il est également très souvent cité par les personnes habitant en banlieue. Les aides à la personne sont placées au premier rang des priorités par les bas revenus, pour qui le logement est devenu un poste budgétaire très lourd (il accapare 48% des revenus des 25% des locataires du parc privé les plus pauvres).
Le rapport révèle aussi la persistance de l'idée qu'il y a une grande masse de logements vacants à mobiliser, malgré les études qui ont démontré le contraire, et notamment que les logements inoccupés sont la plupart du temps en instance de travaux ou de démolition, in-louables sans réhabilitation coûteuse, ou encore dans des secteurs où il n'existe aucune demande, à preuve la maigre collecte de la taxe sur les logements vacants et le fiasco des velléités de réquisition... Pourtant, la mobilisation des logements vacants est attendue par 15% des Français, et apparaît même une solution intéressante aux cadres (23%), diplômés du supérieur (21%), accédants à la propriété (21%), aux personnes résidant dans des centres-villes (17%), ainsi qu’aux personnes très sensibles à l’environnement (19%). Les campagnes de désinformation des milieux politiques de gauche, reprochant aux propriétaires leur prétendue rétention spéculative, et celles des milieux de défense des propriétaires, reprochant au pouvoir les trop nombreuses contraintes à leurs yeux pesant sur les bailleurs, ont visiblement fait leur effet !
Le rapport montre enfin que pour les Français, les pouvoirs publics doivent concentrer leurs efforts sur tous les territoires, non seulement en zone tendue, mais également, dans les territoires ruraux.
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