Le dispositif de l'ANAH "Habiter mieux" serait parti en sur-régime, les enveloppes allouées se révélant insuffisantes dans certaines région, sans que les opérateurs de terrain sachent s'il s'agit d'un retard de déblocage des fonds ou d'un tarissement, l'Etat envoyant des messages contradictoires qui sèment la confusion...
Lancé en 2011, le programme "Habiter mieux", financé sur le "grand emprunt" pour les investissements d'avenir, propose une aide financière aux ménages en difficulté qui veulent réaliser des travaux de rénovation énergétique. Le dispositif ne décollant pas la première année, l'Etat a pris des mesures dès 2013 pour l'accélérer, notamment en l'élargissant aux ménages ayant des ressources plus élevées que le public initialement ciblé (pour concerner près de la moitié des propriétaires occupants) et le pourcentage des travaux remboursés a été augmenté.
Parallèlement, une vaste campagne de publicité a été lancée et les opérateurs de terrain ont incité les ménages à déposer des dossiers. Les résultats ont été à la hauteur de ces efforts: au 15 juin 2014, 70.000 logements étaient rénovés alors qu'ils n'étaient que de 13.000 un an et demi plus tôt.
L'objectif fixé pour 2014 (38.000 logements) est largement dépassé et, l'ANAH a dans un premier temps revu les chiffres à la hausse pour atteindre les 43.000 à la fin de l'année. Pour s'apercevoir qu'il n'est pas possible de continuer à ce rythme...
Du coup, le 9 juillet , l'Etat a adressé une circulaire aux préfets et aux collectivités locales délégataires, afin de distinguer les publics modestes et très modestes. Elle demande aux collectivités de ne plus accepter les demandes de subventions des propriétaires modestes lorsqu'elles concernent exclusivement des travaux de rénovation énergétique, à l'exclusion des travaux de lutte contre l'habitat indigne ou dégradé, ou d'adaptation du logement au handicap. Les dossiers de ces derniers ont été mis en stand-by tandis que les ménages les plus modestes ont été épargnés.
Mais sur le terrain, ces mesures, dont le but était d'endiguer la demande, ont provoqué un mouvement d'incompréhension : les collectivités locales, qui abondent les aides de l'ANAH pour aider les ménages, ont dû donner un véritable coup de frein après avoir tout fait pour développer la demande et les associations ont fait face à des ménages désorientés, éligibles un jour et qui ne le sont plus le lendemain. Situation difficile à gérer pour des opérateurs comme le CLER (Comité de liaison des énergies renouvelables), ou la Fédération nationale Habitat et Développement, en cours de fusion avec celle des PACT, qui ont incité les ménages à réaliser des travaux, envoyé un technicien faire un diagnostic ainsi qu'un ambassadeur pour les informer. Des structures qui ont embauché pour cela et qui doivent baisser en régime, se plaignent-elles.
Il est clair cependant que le programme est victime de son succès. Les enveloppes de certaines collectivités locales sont aussi en passe d'être épuisées. Tel est le cas en Bretagne, au Jura, en Bourgogne dans la Drôme...
Situation d'autant plus préoccupante que la dynamique de la rénovation énergétique est en plein essor puisque le 29 août dernier, et que le premier ministre, Manuel Valls, a annoncé dans le plan de relance un objectif de 50.000 logements rénovés au lieu des 38 000 prévus. La directrice générale de l'ANAH, Blanche Guillemot, aurait annoncé au Moniteur courant septembre que l'agence allait bénéficier d'une enveloppe de 50 millions d'euros supplémentaires pour clore la fin de l'année. Le conseil d'administration de l'agence se réunit le 7 octobre pour réaliser les derniers arbitrages.
Reste à savoir si ce "stop and go" risque de se reproduire en 2015. Les opérateurs souhaitent prendre date pour l'éviter...
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