Le logement fait partie de la douzaine d'évaluations de politiques publiques lancées en décembre visant à dégager 3 à 4 milliards d'euros d'économies annuelles à horizon 2017. Le but : "réussir l'objectif de 500.000 logements par an et rationaliser les dispositifs d'intervention", indique le relevé de décision du comité interministériel de la modernisation de l'action publique. En réalité, les attaques sur le coût budgétaire de la politique du logement se sont multipliées depuis deux ou trois ans.
En 2014, le total des interventions en faveur du logement représentera un coût de 39,50 milliards d'euros de fonds publics nationaux par an, et même 41,3 milliards en intégrant l'effort des collectivités territoriales, indique un rapport du député PS Christophe Caresche. Le maximum a été atteint en 2013.
Là dessus, les aides au logement destinées aux locataires et très accessoirement aux propriétaires accédants représentent près de 14 milliards : 5,1 milliards pour l'Etat et 8,8 de la part des caisses d'allocations familiales (CAF). Les aides à la pierre représentent des sommes beaucoup plus modestes : 1,5 milliard, dont 1,1 pour l'amélioration de l'habitat (ANAH, etc.). Mais il faut y ajouter les 4,2 milliards d'Action Logement (le "1%"), qui se partage entre aides à la pierre et aides à la personne.
Les réductions de droits de mutation pèsent 1,5 milliards, les autres aides budgétaires dans les 700 millions.
Mais tout cela ne fait pas le compte : il faut encore y ajouter 14,1 milliards de "dépenses fiscales" : ce sont les fameuses "niches", à savoir les réductions et crédits d'impôt en tous genre, qui évitent d'en ajouter aux dépenses publiques, mais qui s'ajoutent au déficit et in fine à la dette ; on y trouve la TVA à taux réduit sur les travaux (3,9 milliards), les aides à l'investissement locatif de tous les régimes successifs qui se sont succédé (Besson, Robien, Borloo, Demessine, Girardin, Scellier, et même Duflot), qui même arrêtées continueront à coûter jusqu'à extinction de l'obligation de location en général de 9 ans (2,2 milliards), le taux réduit de TVA sur la construction (1,4 milliard), les prêts à taux zéro (PTZ et eco-PTZ - 1,3 milliard), la réduction d'impôt "TEPA" sur les intérêts d'emprunt jusqu'à extinction de la durée (1,2 milliards), l'exonération d'IS pour les organismes HLM (1,1 milliard) et d'autres (PEL, crédits bonifiés, etc.) pour 3,1 milliards...
Et tout cela avec le résultat que l'on sait, décrit par le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre sur le "Mal-logement", les mises en chantier de logements neufs tombées à l'un de ses plus bas niveaux depuis dix ans, etc.
Pas étonnant que, pointée du doigt pour sa complexité, son caractère inflationniste et son manque d'efficacité, la politique du logement soit dans le collimateur de Bercy. Et ce n'est pas un hasard si Bernard Cazeneuve a débuté hier ses entretiens sur les économies à réaliser pour financer le pacte de compétitivité avec Cécile Duflot...
"La politique du logement illustre de façon éloquente les défaillances d'une dépense publique distribuée sans évaluation de son impact", dénonçait Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes, en début d'année. Le logement a fait l'objet de plusieurs rapports des magistrats de la Cour des comptes. Ces derniers pointent l'accumulation, année après année, de dispositifs complexes ou encore le manque de ciblages territoriaux des aides. "Les différentes aides personnelles au logement représentent chaque année des dépenses de plus de 15 milliards sans que l'amélioration de l'accès au logement et la réduction des inégalités territoriales soient à la hauteur de cet investissement, indiquait encore début janvier Didier Migaud. Pire : on les soupçonne d'avoir eu pour effet de faire monter les loyers et d'avoir alimenté la hausse des prix ! Même constat pour les aides à l'accession à la propriété, le plan d'épargne logement notamment, contribuant très peu au financement du logement en dépit de son coût.
L'empilement des niches fiscales en faveur de l'investissement locatif est un autre objet de critique. "Le cumul des régimes successifs d'incitation à l'investissement locatif privé atteindrait lui-même plus d'1,5 milliard en 2014, auxquels il faut désormais ajouter le dispositif Duflot pour 35 millions d'euros", note Christophe Caresche. Toutes confondues, les niches fiscales en faveur du logement coûteront encore 14 milliards cette année. Une étude du Conseil d'analyse économique (CAE), rattaché au Premier ministre, suggérait une réforme radicale du système, en remplaçant les aides au logement (APL, ALF, ALS) par la possibilité pour les locataires de déduire le montant de leur loyer de leur revenu imposable, dans la limite d'un plafond. Une autre étude de cette même instance préconisait au contraire de supprimer progressivement l'ensemble des aides à la pierre (prêt à taux zéro, prêts bonifiés pour le logement social, etc.), les jugeant coûteuses (plus de 4 milliards) pour un gain limité en termes d'accession à la propriété...
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