Retour d'un "marronnier" : comme chaque année l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière) monte au créneau pour dénoncer l'envolée irrésistible des impôts locaux et en particulier de la taxe foncière supportée par les propriétaires. Et pour être plus édifiante, ce n'est pas l'augmentation de la dernière année qu'elle met en avant - les hausses se sont trop ralenties ces deux dernières années pour justifier le propos - mais la hausse cumulée sur 5 ans : selon les chiffres présentés à la presse le 8 octobre, entre 2007 et 2012, les taxes foncières ont augmenté en moyenne de 21,17% sur le territoire français, cette hausse, considérée comme "exorbitante" étant due au cumul de deux augmentations : celle des valeurs locatives, assiette de l’impôt, par la loi de finances (majoration forfaitaire de 9,43% en cinq ans), et celle des taux d’imposition (+10,70% en moyenne).
Ce taux de hausse des taxes foncières est beaucoup plus fort que l’inflation constatée entre les mois d’octobre 2007 et 2012 (estimée à 8,18 % par l’INSEE), la hausse des loyers du secteur privé (estimée à environ 8,23 % par l’observatoire Clameur), ou celle des salaires (le SMIC horaire brut a par exemple augmenté de 11,37 % entre juin 2007 et juin 2012).
Le premier problème est que cette moyenne de hausse de taux, la seule qu'ont retenu les grands médias, ne représente pas l'alourdissement réel de la fiscalité locale sur la population des propriétaires : une petite commune vaut comme une grande. Il est vrai que Paris a vu ses taux augmenter fortement en instaurant en 2009 une part départementale qu'elle n'avait pas auparavant. Malgré cela, Paris garde un taux de prélèvement exceptionnellement bas : 13,58%, battu seulement dans les 50 plus grandes villes de France par Courbevoie (12,15%), qui dispose des ressources apportées par le quartier de la Défense... Mais d'autres très grandes villes ont des taux d'augmentation beaucoup plus faibles que la moyenne comme Lyon (+14,39%) ou Marseille (+15,35%).
Un autre problème posé par des chiffres donnés ainsi en pâture à la presse est que les impôts locaux sont considérés comme un prélèvement indu sur le revenu des propriétaires - "allant jusqu’à représenter plusieurs mois de loyers, de salaires, ou de retraites" dit l'UNPI -, motivé uniquement par le laxisme budgétaire ou des dépenses somptuaires, alors qu'il s'agit d'une des impositions qui financent le plus directement des équipements et des services dont profitent les propriétaires, parce qu'ils améliorent la qualité de vie des habitants et en conséquence l'attractivité de la commune et la valeur locative ou vénale des biens. Or dans de nombreuses villes, l'augmentation des taux a financé des investissements se traduisant par des plus-values potentielles importantes pour les propriétaires, l'évolution des valeurs locatives servant d'assiette aux impôts locaux est restée fixée au moyen d'un taux unique national très inférieur aux valorisations constatées, y compris sur les loyers. Il faudrait pour faire de l'évolution des taxes foncières une présentation honnête, prendre en compte ces investissements et ne pas laisser croire qu'il ne s'agit que d'augmentation de frais de fonctionnement...
Par ailleurs, les collectivités se sont vues investies au cours de ces dernières années, en application des lois de décentralisation, de missions qui étaient auparavant assurées par l'Etat ; celui-ci a compensé dans un premier temps ces transferts par des dotations, mais celles-ci n'ont pas évolué comme les charges, et sont même depuis deux ans volontairement rognées !
Enfin, l'UNPI occulte totalement l'évolution des taux en 2012 par rapport à 2011. Certes, la modération constatée est probablement motivée par la proximité des élections municipales, mais elle est réelle, et c'était déjà le cas en 2011. Une bonne nouvelle risquerait-elle de détonner dans le concert du "ras-le-bol fiscal" ?
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