A quelques mois du début de la troisième période (2014-2017) de mise en œuvre des certificats d'économie d'énergie (CEE), le Premier ministre avait demandé à la Cour des comptes d'analyser l'ensemble du dispositif, qui incite les fournisseurs d'énergie à promouvoir l'efficacité énergétique auprès de leurs clients en leur imposant une obligation triennale d'économies, calculée en fonction de leur poids dans les ventes globales d'énergie. Son rapport dresse un bilan plutôt positif de ce dispositif, notamment dans le secteur résidentiel.
Environ 70 % du total des CEE délivrés depuis 2006 ont été créés par trois "obligés" (fournisseurs devant atteindre des objectifs d'économies chez les clients), grands opérateurs du secteur de l'énergie: EDF (41%), GDF (19%) et Total (1%), les amenant à développer des dispositifs variés, combinant conseils et aides financières, création de réseaux de professionnels (Bleu Ciel, Dolce Vita) et versement direct de prime au client investisseur.
C'est le secteur diffus du bâtiment qui a essentiellement profité des CEE (environ 90%), avec une nette attractivité pour le résidentiel (80%). L'industrie n'a pas mordu à l'hameçon (environ 6% des certificats collectés) et le secteur des transports les a totalement boudés (moins de 1%), probablement en raison de l'importance des investissements nécessaires, de la nécessité de relations personnalisées avec l'investisseur, etc. Pourtant, aucune de ces raisons n'est rédhibitoire selon la Cour des comptes, qui estime que la situation pourrait évoluer "dans un contexte de plus grande concurrence entre les obligés"...
A ce stade, au cours des deux campagnes antérieures, les objectifs ont été remplis "avec une relative aisance", estime la Cour, qui s'appuie sur les relevés de l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) : celle-ci avance qu'en extrapolant les résultants précédents jusqu'à la fin de la deuxième période (2013), les certificats auront théoriquement permis d'économiser 78,8 térawattheures depuis l'origine. En fin de deuxième période, on estime le rythme d'économie obtenue à 0,6% par an de la consommation finale hors transport, ou 1% par an de la consommation du bâtiment. Ces projections sont cependant à relativiser, car d'autres dispositifs d'incitation aux travaux d'économie d'énergie (crédit d'impôt, éco-prêt à taux zéro, subventions) ont aussi contribué aux passages à l'acte, en plus des CEE. La Cour considère que les CEE "ne sont souvent pas à l'origine de la décision de faire des travaux, mais que l'action conjuguée des primes et des conseils reçus à cette occasion permet, dans une certaine mesure, d'accélérer le 'passage à l'acte et d'améliorer l'efficacité énergétique des travaux réalisés". Mais les études sur ces sujets restent insuffisantes, déplore-t-elle.
Pour améliorer l'efficacité des CEE et augmenter les économies d'énergie de chaque opération qu'ils servent à financer, la Cour préconise de réviser tous les trois ans les fiches qui servent à calculer les économies d'énergie des opérations éligibles aux CEE, de mieux accompagner les ménages (diagnostics, conseils plus personnalisés) et de professionnaliser le secteur du bâtiment. Elle préconise de développer le dispositif des passeports énergétiques" afin de mieux cibler les logements visés et les travaux prioritaires, et d'accompagner la démarche des ménages.
Les résultats sont plutôt décevants quant à l'utilisation des CEE dans le cadre de la lutte contre la précarité énergétique, notamment à cause la complexité du programme et de la difficulté d'identification des publics-cibles, dans le cadre du programme "Habiter mieux»mis en œuvre par l'ANAH . La Cour préconise dans ses recommandations "une approche plus directive, au moyen de quotas et plus incitative, au moyen de bonifications".
La Cour des comptes la Cour critique l'effort déployé pour des contrôles documentaires a priori, qui permettent certes d'identifier erreurs et tentatives simples de fraude, au détriment des moyens à consacrer à des contrôles approfondis a posteriori. Elle préconise des mesures de simplification, en conseillant une évolution vers un système déclaratif et dématérialisé, ainsi que vers des contrôles a posteriori par échantillonnage.
Elle préconise aussi des améliorations, dans un sens de plus grade transparence, du système d'enregistrement des CEE sur le registre Emmy géré par un prestataire extérieur.
Enfin, le rapport prévient que la troisième phase des CEE s'avère plus périlleuse. Le ministère en charge de l'énergie envisage de fixer l'objectif à 600 TWh "cumac". Un objectif que la Cour estime compatible avec l'évaluation des gisements technico-économiques d'économie d'énergie pour la troisième période réalisée par l'Ademe (900 TWh cumac), mais que les principaux opérateurs contestent, craignant une forte augmentation des coûts des certificats dans cette hypothèse. Le rapport soutient cet objectif, estimant qu'un objectif annuel double du rythme actuel aura pour conséquence une plus grande concurrence entre les obligés. Sans compter que cette concurrence pourrait selon elle avoir un impact sur les types d'action donnant lieu à certificats d'économie d'énergie, sur leurs modalités d'obtention ainsi que sur leurs prix, et par conséquent sur les prix de l'énergie...
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