L'institut d'études économiques Xerfi vient de publier, après plusieurs semaines d'enquêtes et d'analyses, une étude approfondies du secteur du logement social, objet de toutes les attentions du gouvernement. Il est en effet son instrument principal pour remédier à court et moyen terme à la crise du logement en France qui est surtout celle du logement accessible.
Or, malgré la progression du parc en 2012 (+1,7% à 4,8 millions de logements), entre 1,2 et 1,5 million de ménages sont toujours, faute d'alternative, dans l'attente d'un logement social. 600.000 demandes sont issues du logement social, et entre 600 et 900.000 du parc privé, ménages logés à titre gratuit, en foyers, etc. Entre 650 et 950.000 restent insatisfaites, l'offre sous forme de nouvelles mises en location ayant par exemple plafonné à 550.000 en 2011 : 489.000 logements qui ont changé d'occupants (taux de rotation de 10,2%, moitié moins que dans le parc privé), plus un solde net de l'offre nouvelle de 60.000 logements achevés, prêts à être occupés (logements financés en 2005-2006, avant le grand effort du gouvernement Villepin puis le plan de relance).
Pour remédier à ce déficit chronique, le gouvernement s'est fixé l'objectif d'en construire 150.000 par an d'ici 2017. Pour cela, il a relevé le plafond du livret A pour accroître le volume de prêts consentis par la Caisse des dépôts, principal financeur du logement social, et organise, non sans difficultés, la mise à disposition des terrains de l'Etat à des conditions privilégiées. Un tel dispositif est pour l'instant suspendu à la signature des décrets d'application et à la définition des modalités de transfert du foncier vers les bailleurs sociaux. Il a aussi essayé par l'aménagement de la fiscalité des plus-values sur les ventes de terrains constructibles de créer un "choc d'offre", mais son projet a été pour le moment contrecarré par le Conseil constitutionnel...
Mais les solutions mises en place fin 2012 ne devraient pas commencer à porter leurs fruits avant 2014. Selon les experts de Xerfi, les mises en chantier de logements sociaux, dopées par le plan de relance de 2009-2010, devraient encore progresser cette année. Mais on reste loin de l'objectif des 150.000, d'autant que la fin du plan de relance a fait baisser le nombre d'unités financées en 2012 à 97.000 unités contre 110.000 en 2011 (il y a un décalage de 2 à 3 ans entre le financement d'un programme et la mise en chantier, puis encore deux ans jusqu'à sa livraison et sa mise en location)...
L'équation financière des bailleurs sociaux reste pour le moment très fragile, le prix des terrains représentant environ 20% du coût de la construction. Un moindre coût de la charge foncière grâce aux mesures du gouvernement pourrait apporter un peu d'oxygène, mais les terrains disponibles ne se situent pas tous en zone tendue, là où la part du foncier dans les coûts est la plus importante.
Avec un taux de résultat net de 9% du chiffre d'affaires (essentiellement le montant des loyers encaissés), les performances financières des bailleurs sociaux restent certes satisfaisantes, selon l'analyse exclusive de Xerfi. Un niveau élevé qui s'explique pour l'essentiel par la récurrence des revenus issus de la location. Mais l'effort à fournir pour la construction neuve pèse lourdement sur le taux d'endettement des bailleurs sociaux, proche de 200% en 2012. L'apport en fonds propres sera de plus en plus nécessaire, et représentera un frein au développement de nouvelles opérations, malgré l'effort de vente de logements qui se confirme désormais chez de nombreux organismes. Si les ventes de logements ont augmenté (+5% en 2012), les revenus tirés de cette activité restent faibles, le "vente HLM" étant freinée par l'insuffisante solvabilité des locataires potentiellement acquéreurs, et le tarissement des circuit de financement spécialisés et notamment celui du Crédit Immobilier de France. La mise en copropriété des ensembles immobiliers s'avère aussi beaucoup plus délicate et coûteuse qu'il n'y paraissait jusqu'ici, comme s'apprête à le révéler une étude menée actuellement par l'USH (Union sociale de l'habitat).
Pour remplir leur objectif d'augmentation de la production, les bailleurs sociaux doivent selon Xerfi concilier deux objectifs a priori contradictoires : maîtrise des coûts (+53% entre 2005 et 2011) et "éco-construction". "Traditionnellement moteur dans l'éco-construction et la rénovation énergétique, le mouvement HLM a en effet vocation à continuer d'endosser ce rôle pour impulser les changements dans l'ensemble du secteur du bâtiment", indique l'institut.
Ils explorent plusieurs pistes. Autorisée depuis 2009, la méthode de "conception réalisation", qui permet d'associer très en amont le maître d'oeuvre et l'entreprise de construction sous l'égide du maître d'ouvrage bailleur social, se développe. Grâce à cette méthode, le groupe 3F aurait réduit ses coûts de 17% dans deux opérations en région parisienne. La recherche de financements innovants pour la rénovation énergétique (à l'image des opérations emblématiques de Logirep et ICF Nord Est Alsace), la recherche d'assouplissement des normes (comme l'accessibilité des bâtiments) ou encore l'accompagnement des occupants (mis en oeuvre par exemple par l'OPH Valophis Habitat) font aussi partie des voies empruntées par les opérateurs pour mener à bien leur double objectif.
Cela suffira-t-il ? Probablement pas : le mouvement HLM poursuit des pistes de réflexion pour compléter les premières mesures gouvernementales. Elles portent sur l'allongement des prêts, des taux bonifiés, le financement par les certificats d'économie d'énergie, la hausse des aides à la pierre, etc.
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