Le Quotidien La Tribune a dévoilé le 12 janvier quelques unes des conclusions du très attendu rapport de la Cour des comptes sur l'économie du nucléaire français, dont il ressort que le coût réel du kWh atomique, encore difficile à évaluer, est probablement très nettement supérieur à ce qu'EDF veut bien reconnaître. Les journalistes de La Tribune, qui ont consulté une version intermédiaire du rapport "Pappalardo" du nom de l'ancienne présidente de l'ADEME qui a été chargée de l'étude, -la définitive doit être rendue publique le 31 janvier- précisent que leur version n'inclut pas le montant des travaux de la mise à niveau "post Fukushima" des centrales françaises exigés par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Ce qui devrait être fait, à l'issue d'une réunion contradictoire devant se tenir le 16 janvier. Il devrait donc être ajouté aux coûts déjà identifiés et non prévus à ce jour une petite dizaine iu quinzaine de milliards, au moins...
La Cour des comptes estime, pour le moment, le coût de la construction du parc électronucléaire français à 96 milliards d'euros. Soit 1,5 milliard d'euros le mégawatt (MW) installé, ce chiffre correspondant, à la fourchette basse, des coûts publiés par l'agence de l'énergie nucléaire de l'OCDE (AEN).
Cette estimation est, en revanche, bien plus élevée que celle réalisée par les auteurs du rapport Charpin-Dessus-Pellat, publiée en 2000 sur commande du gouvernement Jospin, qui estimait à 470 milliards de francs (71 milliards d'euros), le montant de la facture des 58 réacteurs en fonctionnement.
Mais le coût de la totalité de la filière est bien plus important encore. Le rapport Pappalardo l'évalue à 228 milliards, depuis le démarrage de l'industrie jusqu'à aujourd'hui. Il y a 12 ans, le rapport Charpin-Dessus-Pellat le chiffrait à 127 milliards...
Le coût du démantèlement des réacteurs risque également de s'avérer faramineux. Officiellement, tout le monde est à peu près d'accord. Le rapport Charpin-Dessus-Pellat l'évaluait entre 17 et 19,5 milliards. La Cour des comptes l'estime à 22,2 millliards, tout en attirant l'attention sur la fragilité de ces chiffres "qui doivent être regardés avec précaution, l'expérience en la matière, tant d'EDF que du CEA ou d'Areva, ayant montré que les devis ont très généralement tendance à augmenter quand les opérations se précisent, d'autant plus que les comparaisons internationales donnent des résultats très supérieures aux estimations d'EDF", comme cite La Tribune.
Et de fait, EDF n'a jamais mené à bien le démantèlement total d'un réacteur de puissance. La "remise à l'herbe" de la centrale expérimentale de Brennilis (70 MW) est embourbée depuis des années. La déconstruction du surgénérateur Superphénix se poursuit, mais il s'agit d'un réacteur à neutrons rapides expérimental qui n'a que peu de choses à voir avec les réacteurs à eau pressurisée (REP) du parc actuel...
Faute de site d'entreposage, le démantèlement des 8 tranches Uranium naturel-graphite-gaz (UNGG) est aussi au point mort, selon le Journal de l'Environnement. Enfin, le démantèlement de la première tranche de la centrale franco-belge de Chooz (305 MW) est trop spécifique –le réacteur a été construit dans une caverne- pour être représentatif des opérations à venir.
Pas étonnant, dans ces conditions, que la Cour des comptes demande à EDF de changer ses méthodes de calcul des coûts des provisions pour le démantèlement, qui ne sont pris en compte actuellement que pour 12,4 milliards !
L'aval du cycle (traitement des déchets et leur stockage définitif) est également problématique : la dernière estimation officielle a été réalisée, en 2003, par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) qui chiffrait le coût du stockage profond des déchets à haute activité et à vie longue à 14,7 miliards. Depuis, le montant de l'addition s'est envolé. Dans un rapport sur le sujet, la Cour des comptes rappelait, en 2005, que selon les scénarios, le coût du stockage de Bures pourrait osciller entre 16 et 58 miliards. Elle demande, dans son rapport de 2012, "que soit rapidement fixé le nouveau devis sur le coût de stockage géologique profond, de la manière la plus réaliste possible, c'est-à-dire en tenant compte des résultats des recherches menées sur ce sujet mais sans anticiper sur leurs résultats".
Ce problème des déchets doit aussi inciter, selon la Cour des comptes, à se poser la question de la pertinence économique du choix du retraitement des combustibles. Il est peut-être moins cher de stocker à sec des combustibles usés, plutôt que de les recycler, sans que l'on sache quoi faire de certains déchets comme les combustibles Mox usés, suggèrerait le rapport...
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