Tous les clignotants passent progressivement à l'orange : ventes de logements neufs des promoteurs, en chute libre malgré le regain d'activité des investisseurs qui achètent pour louer et qui veulent bénéficier d’une réduction d’impôt encore favorable, mises en chantier en recul pour le deuxième trimestre consécutif, transactions enregistrées par les agents immobiliers et les notaires en net recul pour ce qui peut déjà en être mesuré, délais de vente qui s'accroissent, etc. Le marché immobilier semble entrer dans un hiver qui risque d'être plus long qu'une saison climatique car, outre l'attentisme que provoquent les perspectives d'un arrêt de la croissance et les tours de vis fiscaux qui se profilent, un facteur commence à gripper le marché : les restrictions dans l'offre des crédits par les banques, qui semblent avoir déjà commencé. Elles sont le premier résultat des doutes qui ont été émis quant à leur solidité, mais aussi depuis plusieurs mois de la perspective de l'entrée en vigueur des contraintes de fonds propres des accords "Bâle III". Les accords européens des 23 et 26 octobre dans la zone euro enjoignant aux banques de se recapitaliser d'urgence va aboutir pour nombre d'entre elles à les pousser, plutôt qu'à diluer leur actionnariat par augmentation de leur capital, à réduire l'actif de leur bilan, et donc leurs prêts aux particuliers et aux entreprises. Les financements aux promoteurs et les crédits immobiliers aux particuliers en font partie...
Un signe qui ne trompe pas : le pessimisme subit du professeur Michel Mouillart, professeur d’économie à l’Université Paris-Ouest et expert du secteur, opérateur notamment de l'observatoire CSA-Crédit Logement du financement des marchés résidentiels. Il était jusqu'au printemps dernier le plus optimiste des analystes, mettant en avant les fondamentaux démographiques et sociologiques qui tirent le marché par la demande, et bloquent toute velléité de baisse des prix, en tous cas dans les zones les plus tendues. Le propos s'est inversé depuis l'été : "la France a mangé son pain blanc. Les résultats de l’été annoncent très probablement une fin d’année 2011 qui ne sera pas à la hauteur des espérances, même si les investisseurs qui achètent pour louer se réveillent afin de bénéficier d’une réduction d’impôt encore favorable", vient-il encore de confier à l'AFP.
Autre signe : bien que, sous l'effet de la baisse des taux à long terme des marchés financiers auprès desquelles elles se refinancent, les banques auraient pu baisser un peu les taux de leurs crédits immobiliers, elles s'abstiennent de le faire, donnant l'impression qu'elles ne cherchent plus de nouveaux clients. Le n° 1 des courtiers en crédits, Cafpi, observe clairement ce phénomène. "Dans la conjoncture actuelle, il est très difficile pour celles-ci de consentir à réduire leurs marges. Les établissements bancaires doivent avant tout assurer leur existence et se préparer aux éventuelles difficultés à venir ; elles ne peuvent donc pas, par la force des choses, consentir à de gros efforts sur leurs grilles tarifaires qui sont donc restées stables ces derniers mois. Même si aujourd’hui les banques ont la capacité de réduire leurs taux, le manque de visibilité les empêche encore de franchir le pas officiellement", précise Philippe Taboret, directeur général adjoint de Cafpi.
Faut-il craindre pour autant un krach des prix ? Pas forcément : dans le neuf (environ 1/8ème du marché), les prix sont tributaires du prix du foncier - que les pouvoirs publics sont incapables de faire baisser bien qu'il soit en très grande partie sous le contrôle des collectivités territoriales - et du coût de la construction que l'on ne cesse d'alourdir par de nouvelles contraintes (thermiques, d'accessibilité, etc.) ; quant à l'ancien, un ralentissement des ventes entraîne ipso facto une raréfaction des biens en vente, plus des deux tiers des acquéreurs mettant simultanément lorsqu'ils recherchent un bien à acheter un autre bien en vente. Le marché dispose ainsi de verrous puissants qui empêchent un ralentissement des volumes de ventes de se traduire par une forte baisse des prix ! Ce mécanisme a pu être observé à l'oeuvre au cours de la première crise de 2008-2009...
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