Critiquées pour n'avoir vu venir les crises qu'une fois déclenchées, les agences de notation semblent vouloir anticiper les prochaines ! Ainsi, Moody's qui s'inquiète des conséquences possibles d'une surchauffe immobilière en France : selon cette agence les fondamentaux du marché français de l'immobilier - tel que le déficit structurel de l'offre - ne peuvent à eux-seuls justifier l'envolée des prix des dernières années dans ce secteur, cette tendance étant selon elle imputable à l'effet combiné de facteurs conjoncturels et de mesures temporaires de soutien à l'économie, appelés, selon l'agence, à être remis en question à court et moyen terme.
Certes, un décrochage brutal serait évité grâce à "la robustesse des fondamentaux du marché français du crédit immobilier", et "la solidité du système de protection sociale" (sic). Mais "une éventuelle correction des prix immobiliers en France constitue un facteur de risque de crédit non négligeable pour les groupes bancaires français, compte tenu de leurs expositions à ce marché", explique Stéphane Herndl, analyste sur les banques françaises chez Moody's Paris, qui co-signe cette étude. Tout en tempérant le propos : "nous estimons malgré tout que le scénario le plus plausible à court terme est celui d'un ralentissement de la croissance des prix immobiliers, voire d'une correction modérée ; or la baisse des prix observée il y a peu a démontré que les banques françaises ont les moyens d'absorber un tel choc"...
Prudente, l'agence de notation rappelle néanmoins que les marchés immobiliers sont par nature cycliques et capables de défier les anticipations, même lorsque les indicateurs de risque ont jusqu'ici été favorables. Du coup, le danger semble venir "dans l'hypothèse d'un scénario défavorable", de la "pression concurrentielle entre prêteurs qui pourrait continuer à restreindre leurs marges, limitant ainsi leur capacité à absorber des pertes éventuelles", indique le rapport.
Sans compter qu'il y a peut-être dans les encours des prêteurs des crédits plus risqués, "accordés avant la crise selon des critères d'octroi moins stricts et avec une quotité financée plus élevée". "Une correction des prix plus marquée ou durable exposerait les banques à des pertes potentiellement plus élevées, a fortiori pour ces emprunteurs, les droits aux prestations sociales étant progressivement suspendus" (cas des chômeurs de longue durée...).
Et de prévenir que la dégradation des notes n'est peut-être pas loin : "un tel scénario pèserait sur la qualité de crédit des banques françaises. En effet, compte tenu du niveau de concurrence dans ce marché, celles-ci ne seraient probablement pas en mesure de compenser les éventuelles pertes en cas de défaut par une augmentation significative des marges", souligne S. Herndl, ajoutant que "si ce scénario ne constitue pas notre hypothèse de base, sa probabilité a tout de même augmenté"...
Il y a quelques jours, dans un courrier rendu public et adressé au président de la République, Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France s'est aussi inquiété de "la hausse continue du prix des logements, qui crée un risque pour la stabilité financière si un ajustement brutal devait intervenir dans l'avenir".
Le problème est que personne ne semble avoir de solution pour freiner la hausse, à moins qu'elle ne freine d'elle-même, et qu'une baisse des prix semble aussi dangereuse qu'une poursuite de la hausse : un "ni ni" qui pourrait rapidement devenir angoissant dans un climat général où le coût du logement plombe lourdement le niveau de vie d'une grande partie de la population !
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