Le projet de loi pour un meilleur contrôle des syndics, devenu projet de loi d'encadrement de l'ensemble des professions immobilières, a de nouveau pris du retard. Les trois grandes fédérations professionnelles, FNAIM, SNPI et UNIS, regroupés dans une intersyndicale, font un lobbying intense auprès des cabinets des ministres de la justice et de l'économie, ainsi que celui du premier ministre, et annoncent l'organisation en janvier d' "Etats généraux" des professions immobilières. Les trois fédérations espèrent ouvertement un report du dépôt du projet de loi d'ici là et sa remise à plat, après prise en compte de la synthèse des Etats généraux.
Réussiront-ils à arrêter le train lancé par l'ancienne ministre de la justice ? En tous cas, les dirigeants de la FNAIM ont obtenu à l'occasion de leur congrès le 7 décembre des protestations de bienveillance du gouvernement de la part du secrétaire d'Etat au logement, Benoist Apparu, après qu'ils se soient plaints d'avoir été humiliés par la préparation sans concertation, et sans avoir été préalablement entendus, d'un texte de loi coercitif, préparé sous la pression des évènements (l'affaire Urbania) et celle de leur bête noire, l'ARC (association des responsables de copropriété).
Celle-ci réclame notamment depuis des années que la loi rende obligatoire l'ouverture de comptes bancaires séparés, au nom du syndicat, dans les copropriétés gérées par des syndics professionnels, et craint que le gouvernement, qui a reculé sur ce point, ne recule aussi sur les commissions régionales de discipline prévues dans le projet de loi. A titre de contre-feu, espérant entraîner les autres associations de consommateurs qui militent aussi dans le même sens, l'ARC vient d'ouvrir un site dédié, intitulé "Le compte bancaire séparé un point c'est tout" (www.lecomptesepare.fr), proposant la signature d'une pétition nationale.
Le site, présenté à la presse le 7 décembre, répond point par point à l'argumentation des opposants au compte séparé obligatoire, auxquels semble avoir été sensible le gouvernement : risque de renchérissement des honoraires en raison de la perte par les syndics des produits financiers (au profit des banques) ou d'augmentation des coûts administratifs de traitement d'une multiplicité de comptes, perte de souplesse dans la gestion de la trésorerie (la gestion sur compte unique autoriserait des petits découverts alors que les comptes séparés ne le permettraient plus), etc.
Pour les dirigeants de l'ARC, les garanties prévues pour les copropriétaires dans le principe des comptes individualisés retenu par la deuxième mouture du projet de loi sont irréalistes et illusoires. L'objectif n'est pas avec le compte séparé que les copropriétés perçoivent des produits financiers sur la trésorerie courante ; ils pensent que les copropriétés peuvent accepter une augmentation d'honoraires de 20 ou 30 euros par lot, estimant qu'aujourd'hui elles perdent selon eux jusqu'à 200 euros par lot du fait des surcoûts engendrés par les pratiques des syndics visant à "faire" de la trésorerie à tout prix : délais de règlement des fournisseurs anormalement longs se traduisant dans les prix, budgets gonflés, travaux appelés auprès des copropriétaires et non commandés, maintien de réserves de trésorerie excessives, etc.
L'ARC reproche aussi au projet de loi de ne pas traiter des dysfonctionnements de la garantie financière des syndics qui protège mal les copropriétaires, de laisser les syndics encore trop maîtres de l'ordre du jour des assemblées générales, de ne pas suffisamment prévenir les conflits d'intérêt créés par la multiplication chez les syndics professionnels des activités de courtage, de recouvrement, de maîtrise d'oeuvre et d'expertise, etc.
Autant de sujets d'affrontement que le gouvernement devra arbitrer, pris entre les feux de deux camps irrédentistes. A moins qu'il ne joue le calendrier, de moins en moins favorable à une réforme à mesure qu'approche l'échéance électorale de 2012...
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