Selon une idée bien reçue, le taux de propriétaires-occupants progresse en France, même s'il reste en retrait par rapport à d'autres pays européens, grâce notamment à des politiques publiques qui facilitent l'accession à la propriété. Faux, affirme l'IEIF (Institut de l'épargne immobilière et foncière) dans une étude de novembre 2010 intitulée "Logement : la dérive des solvabilités" ; une série statistique, pourtant elle-même largement diffusée corrige cette idée reçue : de juin 1989 à juin 2007, c'est-à-dire au cours des vingt dernières années, le taux de propriétaires a progressé seulement parmi les ménages à hauts revenus.
Pour les classes moyennes, il a connu une nette augmentation dans la décennie antérieure (de 45 à 54%) et n'a plus progressé jusqu'en 1995 ; il a chuté ensuite puis, malgré un rebond de 2001 à 2004, s'établit à 46% en 2007, c'est-à-dire au même niveau que vingt-sept ans auparavant !
Quant au taux de propriétaires parmi les bas revenus, qui était de 46% en 1980, après une hausse à 51% en 1989, il chute régulièrement et, malgré un léger rebond de 2001 à 2004, il n'est plus que de 33% en 2007.
Ce phénomène est lié au creusement général des écarts de revenus entre les classes aisées et les autres, largement constaté ces dernières années, mais aussi au creusement des écarts de progression des revenus entre les secteurs géographiques. Il s'ensuit, indique l'étude, une première dérive en matière de concentration spatiale des richesses puisque les secteurs où les revenus les plus hauts se regroupent sont aussi ceux qui connaissent la plus grande valorisation du patrimoine immobilier. Les ménages concernés, une fois devenus propriétaires dans les secteurs les plus prisés, voient de surcroît leur patrimoine se valoriser plus vite que dans les autres secteurs.
Mais si les ménages, qui achètent après avoir revendu un bien de qualité, bénéficient de la revalorisation forte du parc ancien, ce n'est évidemment pas le cas des ménages primo-accédants, en particulier les jeunes. Il en résulte une seconde dérive de la solvabilité tout au long de la décennie, d'abord en location malgré l'inertie du marché locatif, bien plus considérable pour la primo-accession malgré des conditions de financement qui n'ont cessé de s'améliorer.
Sur les territoires les plus sensibles, on assiste alors à un véritable phénomène d'exclusion : une part de plus en plus faible des ménages y dispose du revenu nécessaire pour acheter au prix moyen proposé. Dans certains départements (à Paris du fait principalement de la hausse des prix, en Seine-Saint-Denis, Val-d'Oise ou Bouches-du-Rhône parce que les revenus ne suivent pas), "l'accession à la propriété d'un logement appartient aujourd'hui, pour la majeure partie de la population qui y vit, au monde des chimères", conclut l'IEIF...
|