Dans la foulée de la loi "Boutin" du 25 mars 2009, qui a engagé la réforme de la gouvernance de la collecte et de l'utilisation des fonds du "1% logement", le gouvernement veut pousser au maximum la restructuration du secteur HLM, avec pour objectif principal de redéployer le parc social vers les zones les plus tendues.
Premier grand chantier quasi achevé, le regroupement des 110 collecteurs du 1 % logement en une vingtaine d'organismes : il prendra effet au 1er janvier. Mais la réforme ne s'arrête pas là, a rappelé le secrétaire d'Etat au Logement, Benoist Apparu, qui clôturait la réunion de bilan annuel du mouvement du 1%, rebaptisé "Action logement", et dont le vaisseau amiral est l'UESL (Union d'économie sociale pour le logement) : un regroupement doit également être réalisé au niveau des 118 SA d'HLM, elles-mêmes rebaptisées "ESH" (Entreprises sociales de l'habitat), la famille des organismes d'HLM détenus par les collecteurs et gérant 628.000 logements. "Aujourd'hui, 60% des logements sociaux sont construits dans des zones locatives non tendues. L'Etat va pousser à en vendre afin de générer des fonds propres affectés à la construction en zone tendue ", a-t-il notamment déclaré, ajoutant que pour réorienter ces fonds propres vers les secteurs géographiques où ils sont nécessaires, il faut des groupes d'HLM nationaux ou pluri-régionaux afin de ne pas être tributaire d'un strict cloisonnement local...
"Si l'on vendait 1% du parc existant, en priorité dans les zones peu tendues, cela ferait rentrer environ 2 milliards d'euros dans les caisses de l'Etat. C'est quatre fois le montant des aides à la pierre. Et cela permettrait de lancer l'équivalent de 10 milliards d'euros de construction, puisque ces 2 milliards représenteront les 15 à 20% de fonds propres nécessaires à l'octroi de prêts à la construction », expliquait-il quelques jours plus tôt au magazine Challenges. Faisant machine arrière, il assure depuis que les sommes dégagées par ces ventes n'iront pas dans les caisses de l'Etat mais resteraient dans les ESH...
En fait vendre 1% du parc par an revient à céder 40.000 logements chaque année. S'ils sont rachetés par les locataires, l'opération permet de dégager environ 50.000 euros de plus-value nette par logement (ce qui permettrait de financer deux logements nouveaux en zone tendue). D'où ce chiffre de 2 milliards de produits de cession.
En réalité cet objectif est irréaliste : il n'y a pas que les réticences culturelles des organismes à mener ce genre de politique, celles des élus, voire même de certains préfets ; d'abord il faut du temps : les ventes de logements à leurs occupants en demandent beaucoup, ce qui explique d'ailleurs que leur nombre plafonne à quelques milliers par an (5.000 en 2008). La crise n'a rien arrangé : selon Thierry Repentin, on dénombrait 2.000 ventes à la fin août et au rythme actuel de 250 cessions es par mois, on ne devrait pas dépasser les 3 à 4.000 ventes cette année.
Si les dirigeants d'Action logement ne sont pas en désaccord avec cette politique, ils restent méfiants : la loi Boutin n'a pas fait que redéfinir la gouvernance des collecteurs, elle a aussi opéré une ponction de 850 millions sur la "manne" des 4 milliards du 1%, faisant dire à Jérôme Bédier, le président MEDEF de l'UESL que "le 1 % n'est plus une poule aux oeufs d'or, les oeufs ont été pris et la poule est passée à la casserole"...
D'ores et déjà l'UESL a dû réduire dès 2009 au minimum vital les "Pass travaux" et - problème de financement ou "coup de pied de l'âne" - supprimer au 1er janvier 2010 le "Loca-pass" garantie de loyers, il est vrai remplacé par la GRL version 2, mais qui ne doit monter en charge que progressivement à partir de 2010 (le "Loca-pass" dépôt de garantie perdure inchangé)...
Et de rappeler dans un dossier de presse quelques chiffres :
- sur les aides distribuées rien qu'en 2009 : 390.000 Loca-pass dépôt de garantie, 260.000 Loca-pass garantie de loyers, 51.000 "Mobili-pass", 43.000 prêts accession, 2.000 Pass-foncier,
- sur l'emploi des fonds en 2009 : 1,4 milliards au financement direct du logement social dont 630 millions pour le Plan de cohésion sociale et 500 millions à la Foncière Logement, 770 et 137 millions à l'ANRU et au renouvellement unrbail, 480 millions à l'ANAH (la presque totalité de son budget désormais !), 380 millions aux prêts accession et travaux, 279 millions au Pass-foncier, 68 millions à la GRL, et 440 millions aux aides Loca-pass etc., auxquels s'ajoutent 24 millions pour le logement indigne et 10 millions pour le financement des ADIL...
De surcroît, les recettes s'annoncent en baisse : en 2010, au lieu du minimum prévu de 4 milliards d'euros, l'UESL ne prévoit que 3,8 milliards, puis 3,6 milliards en 2011. Pour dégager des liquidités, il est projeté que la Foncière Logement, filiale de l'UESL, vende, à l'avenir, 40% de ses logements de plus de dix ans, et sa dotation 2010 se limitera à un prêt de 500 millions d'euros. Le message est passé : pour la prochaine convention triennale débutant en 2012, le secrétaire d'Etat a promis de renégocier les interventions du 1 % logement.
Ses visées préoccupent aussi l'USH (Union sociale pour l'habitat, ex Union des HLM), qui fédère l'ensemble des "familles" du logement social, et qui tient à "border" l'opération. "Les interrogations sur le tissu ne sont pas nouvelles et nous avons toujours été d'accord pour des évolutions mais sur la base de critères de performance et d'amélioration des organismes et à condition de ne pas remettre en cause leur proximité avec les territoires", souligne Thierry Repentin, son président, dans des propos rapportés par l'AFP, ajoutant qu' "il n'est pas dans notre intérêt de laisser croire qu'un gros organisme est plus efficace qu'un petit. Il faut regarder la réalité du tissu. La taille doit être mise en rapport avec le service rendu"...
Et de marquer sa préférence pour une "logique de coopération, des rationalisation des compétences, d'adossement, de mise en cohérence" plutôt que de fusion.
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