Le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés en cours de finalisation au Parlement - un des instruments du plan de relance - supprime l'avis conforme des architectes de bâtiments de France (ABF) aux permis de construire et autorisations de travaux, dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP). Objectif : simplifier les procédures pour doper la construction...
Cette mesure provoque un tollé chez les défenseurs du patrimoine : en effet, la conformité d'un avis signifie que le maire est obligé de le respecter, à moins de le contester au niveau du Préfet de région. L'avis conforme est l'outil essentiel à la mission de l'ABF et le fondement de son autorité. "Sans l'avis conforme, l'ABF n'est plus rien : c'est le seul moyen dont il dispose pour faire respecter ses prescriptions explique la FNASSEM qui regroupe les associations du paysage.
La ministre de la culture, Christine Albanel, qui il est vrai ne semble pas maîtriser grand chose ces derniers temps, "prend acte" de la décision, insérée dans le texte par amendement parlementaire, et insiste sur le fait que "cette mesure ne doit pas s'analyser comme l'abandon d'une prérogative de l'Etat dans le domaine du patrimoine mais qu'elle correspond à la volonté de moderniser les procédures".
La ministre rappelle dans un communiqué que la création d'une ZPPAUP ne procède pas d'une décision unilatérale de l'administration mais d'un partenariat entre l'Etat - tout particulièrement les ABF - et les communes. "Avant la création d'une ZPPAUP, un règlement de zone est en effet élaboré conjointement avec le maire. Ce règlement - qui a force juridique - définit les objectifs et les modalités de la conservation du patrimoine applicables à la zone. La création de la ZPPAUP est décidée par le maire" rappelle-t-elle.
Pour la ministre, c'est ce "mode d'élaboration partenarial" qui a conduit les parlementaires a imaginer un allègement du contrôle des ABF sur les permis de construire à l'intérieur de la zone en passant d'un avis conforme à un avis simple. Elle fait aussi remarquer que la loi permettra quand même à l'ABF de saisir le ministre de la Culture en cas de difficulté... "La décision rendue dans ces conditions s'imposera au maire, comme c'est le cas actuellement" conclu le communiqué du ministère.
Dans une interview donnée au Monde, Frédéric Auclair, président de l'Association nationale des ABF, se montre nettement plus inquiet : pour lui, il s'agit "de la remise en cause de quarante ans d'expérience - depuis les années 1960 et les premières lois Malraux - des fondamentaux du ministère de la culture en matière de protection du patrimoine."
"Il y a, en un an, quelque 400.000 avis émis, sur tout le territoire français par les ABF, dont une bonne moitié sont des avis "conformes". Le reste représente les avis favorables, assortis de certaines réserves ou prescriptions (traitements des toitures, façades, etc.). 10 % sont des avis défavorables sur des dossiers incompatibles. Quotidiennement, on empêche le pire sur le patrimoine, en hauteur et en importance, par rapport au tissu urbain (opérations commerciales et immobilières couplées, logements en hauteur au-dessus d'un supermarché,... etc.)" rappelle-t-il.
A noter également que le même texte a, aussi par voir d'amendement parlementaire, moyen courant d'expression des groupes d'intérêts, habilité le gouvernement à créer par ordonnance un régime d'autorisation simplifiée applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Cet amendement devrait permettre de passer de 54.000 installations soumises à autorisation aujourd'hui à 15.000, objectif affiché par la rapporteure du projet de loi Laure de la Raudière. A noter toutefois que l'amendement précise aussi que l'ordonnance devra définir des prescriptions standardisées "en tenant compte des impacts cumulés sur l'environnement et les paysages". Cette insertion des "paysages" dans la protection de l'environnement pourrait conduire à un meilleur contrôle de l'implantation des éoliennes...
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