La Fondation Abbé Pierre a présenté le 3 février son rapport annuel consacré à "L'état du mal logement" et la situation qu'il dépeint n'est pas rose : alors que le gouvernement répète inlassablement les chiffres des logements sociaux financés - mais pas forcément construits - le rapport, sur la base d'analyses dont la rigueur a jusqu'ici toujours fait référence, voit plutôt la situation empirer : "la crise, qui impacte lourdement le pouvoir d'achat des ménages, vient encore aggraver des situations tendues, nées de la difficulté à trouver et à conserver un logement dans une France qui manque cruellement de solutions à leur proposer et qui refuse par ailleurs de se doter des logements accessibles en nombre suffisant", souligne le rapport dans son introduction. Et la loi dite "DALO" de mars 2007 (droit au logement opposable), n'y changera rien, faute de toits disponibles en nombre suffisant...
La France compte aujourd'hui 3,5 millions de personnes mal logées ou sans logis (elles sont 600.000 dans ce cas), soit 200.000 de plus qu'il y a un an. S'y ajoutent 6,5 millions de personnes en situation de réelle fragilité de logement, à court ou à moyen terme. Ces chiffres mettent en évidence l'ampleur de la crise dans l'Hexagone, où on estime à 800.000 le nombre de logements manquants pour répondre aux besoins.
Les chiffres sont alarmants : 100.000 SDF, 100.000 personnes qui vivent dans des campings, 250.000 hébergées dans le cadre de dispositifs collectifs, 150.000 obligées de squatter chez des proches, 300.000 qui vivotent entre habitations de fortune et chambres d'hôtel...
Le rapport ajoute que 600.000 logements, occupés par plus 1 million de personnes, sont insalubres, que 500.000 ménages locataires n'arrivent plus à s'acquitter de leur loyer et que 70.000 propriétaires sont en rupture de remboursement de prêt... Résultat: 88.000 ménages menacés d'expulsion. Enfin, 350.000 ménages, bien que propriétaires, vivent dans des copropriétés dégradées, soit physiquement (bâti dégradé ou vétuste, mal ou pas entretenu) ou financièrement (endettement de la copropriété, impayé de charges, paupérisation des occupants)...
Dans ce sombre contexte, la Fondation Abbé Pierre tire la sonnette d'alarme. Doublement. Premier motif d'inquiétude: les personnes âgées, SDF vieillissants, migrants âgés en foyer, mais aussi hommes et femmes qui se "clochardisent à domicile" parce que, leurs ressources financières s'amenuisant, ils n'ont plus les moyens d'entretenir leurs quatre murs.
Seconde préoccupation: la dégradation des conditions de vie et d'habitat dans les "quartiers sensibles", devenus de véritables "territoires de relégation". "Un terreau fertile pour la crise des banlieues", avertit la Fondation Abbé Pierre.
De quoi nuancer le "tout va bien officiel"...
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