Après que la politique en faveur du logement ait figuré pendant plusieurs mois dans les priorités gouvernementales, avec des objectifs particulièrement ambitieux - passer globalement de 420.000 à 500.000 logements construits par an et pour les logements sociaux de quelque 80.000 à 120.000 -, cette même politique se retrouve tout d'un coup en bonne position dans la communication gouvernementale parmi les domaines où puiser les 6 à 7 milliards d'économies budgétaires à réaliser d'urgence pour sauver les finances publiques ! Quoi de plus tentant en effet que les 33,2 milliards d'euros que la collectivité (Etat, collectivités locales, partenaires sociaux) y consacre chaque année en crédits d'impôt, prêt à taux zéro, aides au logement, TVA à 5,5%, subventions et financements aidés, etc.
En réalité, les mesures annoncées le 4 avril par le président de la République, et figurant dans le catalogue de la "Révision générale des politiques publiques" (RGPP), sont avant tout structurelles :
- réforme des outils de programmation de l'urbanisation (PLU, PLH) dans l'optique d'une meilleure adéquation entre les objectifs de construction de logement et la politique d'urbanisme, avec une plus grande responsabilisation des agglomérations
- recentrage des aides à l'investissement locatif pour prévenir les effets d'aubaine :
- baisse de 10% des plafonds de ressources pour avoir droit à un logement HLM et indexation sur l'indice des prix à la consommation ; en fait cette baisse aura surtout pour effet d'annuler la "surindexation" intervenue entre 2003 et 2006 compte tenu de l'unification des six niveaux de smic qui différaient en fonction de la date de passage aux 35 heures de travail hebdomadaires ; il est en outre annoncé l'expérimentation d'un loyer progressif, fonction des revenus, et un relèvement des surloyers est annoncé ;
- mise en place d'un conventionnement global, relatif à la mission d'intérêt général confiée à chaque organisme HLM, d'ici au 31 décembre
2012, et mutualisation des ressources des organismes HLM pour instaurer entre eux une solidarité financière ;
- réforme de la "gouvernance" du dispositif du "1% logement" afin de
réorienter l'utilisation des crédits et de limiter les coûts de gestion, considérés comme "disproportionnés" ; "un objectif quantitatif d'économies sera déterminé afin de placer les gestionnaires du 1% logement sous contrainte et de dégager des marges de manoeuvre sur le budget de l'Etat pour financer les priorités de la politique gouvernementale en matière de logement", peut-on notamment lire en toutes lettres dans le rapport de synthèse du Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril...
La plupart des réactions de part et d'autre de l'échiquer politique et syndicat sont convenues, notamment concernant la baisse des plafonds HLM et les surloyers. La CLCV (Confédération logement et cadre de vie) fait remarquer que cette politique "laisse croire qu'aujourd'hui beaucoup de locataires sont des privilégiés qui profiteraient de logements sociaux indûment", alors que "que seuls 7% des locataires HLM dépassent les plafonds de ressources et pour la grande majorité de très peu". Selon la CLCV, cette orientation politique qui "vise à réserver le logement social aux plus pauvres aura pour effet de multiplier les ghettos qui existent déjà". Quant aux augmentations de surloyers, elles "inciteront les personnes très légèrement au-dessus du Smic à quitter le logement social, mais pour aller où ?", s'interroge la CLCV...
Concernant les régimes d'aide à l'investissement locatif, sur la sellette depuis plusieurs semaines, la ministre du logement Christine Boutin a indiqué sur France Info dès le lendemain, reprenant en fait l'argumentation des promoteurs, que "la suppression généralisée du Borloo et du Robien empêcherait la construction des 50.000 logements qui ont été faits l'an dernier sur la base du Robien et du Borloo". "Il n'y a pas de réduction du budget de l'Etat dans ce domaine (...) : dans les zones où le Robien ou le Borloo est superfétatoire, nous allons le regarder plus précisément et le supprimer. Mais en réalité ces zones sont très très peu nombreuses", a-t-elle ajouté.
Par contre, l'idée d'une suppression des aides à la pierre versées par l'Etat ou les collectivités délégataires aux organismes HLM est évoquée, d'où la "mutualisation" envisagée de leurs moyens : selon des informations rapportées par le quotidien Le Monde (1), leur suppression pourrait être évoquée lors du débat sur la loi de finances 2009. L'Etat économiserait ainsi 1,4 milliard d'euros.
Ces réflexions interviennent dans un contexte où l'effort de la collectivité en faveur du logement est en recul constant depuis 2000, fait remarquer Le Monde : il se situait à 1,78% du PIB en 2007, l'un des points les plus bas depuis trente ans, selon le rapport 2008 de la Fondation Abbé-Pierre, cette baisse étant imputable en totalité à la diminution de la contribution de l'Etat. Les aides à la pierre, notamment, ont baissé de 30 % entre 2000 et 2007 tandis que les aides aux plus démunis ont stagné. La Fondation note en outre que l'Etat tire davantage de ressources du secteur du logement (par la fiscalité sur les revenus fonciers, les retours de TVA, etc.) qu'il n'en redistribue. Ces retours et prélèvements s'élevaient à 49,5 milliards d'euros en 2007, selon ce rapport...
(1) Le Monde, 5 avril 2008
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