Un rapport du ministère du logement et de la ville, daté de février 2008, évalue les dispositifs fiscaux en faveur de l'investissement locatif entrés en vigueur depuis 1984 (dispositifs "Méhaignerie", "Quilès-Méhaignerie", "Périssol", "Besson", "Robien" et "Borloo") en confrontant leur coût au résultat obtenu en termes de construction ou d'offre locative additionnelle par rapport à ce qui aurait été financé de toutes façons ; le rapport étudie notamment le contexte de chaque époque, les caractéristiques de chaque dispositif et le profil des investisseurs, des investissements et des modes de financement. Il aborde ensuite la question de l'occupation des logements en investissement locatif et présente un panorama de différentes études portant sur des marchés locaux.
Force est de constater que ces dispositifs ont surtout profité à la construction neuve, mais il est vrai que les chiffres manquent en ce qui concerne l'ancien, pour le régime "Besson" essentiellement ; de 1995 à 2005, environ 471.000 logements ont été vendus par les promoteurs sous le régime d'un avantage fiscal favorisant l'investissement locatif, ce qui représente 48% des ventes totales. D'après les données fournies par les promoteurs constructeurs, les dispositifs Périssol et Robien leur ont permis de vendre annuellement plus de logements qu'avec les dispositifs Méhaignerie et Besson. En fait, mis à part le Besson qui ne représentait qu'environ 84% des ventes destinées à l'investissement locatif, l'intégralité des ventes de neuf destinées à l'investissement locatif se fait à l'aide d'un dispositif fiscal...
Le dispositif "Périssol" a été de loin le plus coûteux pour l'Etat (manque à gagner d'impôt sur le revenu moins recettes fiscales obtenues de la construction et de la location additionnelles) ; il a certes donné un coup de fouet à la construction mais il a financé des logements plus grands et mieux situés que la moyenne ; le dispositif Besson a été marqué par des plafonds de loyers de niveau intermédiaire et des plafonds de ressources : la dépense fiscale a sensiblement décru, mais la rentabilité s'est dégradée et la production s'est également inscrite en recul. La création du dispositif Robien, dont la cible sociale est plus large, s'est accompagnée d'une reprise importante de la production, mais là encore au prix d'une dépense fiscale à nouveau accrue. Le caractère moins contraignant des plafonds de loyer a permis une augmentation de la part des logements financés hors zone rurale, mais le ciblage géographique s'est avéré insatisfaisant, d'où un recentrage en 2006...
Si l'on rapporte la dépense fiscale au prix du logement, la hiérarchie est modifiée en raison de la forte augmentation des prix sur la période : si le Périssol reste le dispositif le plus coûteux à plus de 16% du prix du logement, le Robien et le Besson se rejoignent à environ 13% ; le Quilès-Méhaignerie sensiblement supérieur atteint 14% ; le Borloo populaire apparaît enfin plus coûteux que le Robien recentré et que le Méhaignerie, 11% contre 9% et 10%. Toutefois, il n'est pas illogique que la dépense par logement soit plus importante quand l'effort de loyer demandé au propriétaire est plus important...
Globalement, le coût brut pour le budget de l'Etat n'a cessé de croître, pour atteindre 700 millions d'euros en 2005, mais ce chiffre ne tient pas compte des recettes obtenues grâce aux logements "déclenchés" par l'existence des dispositifs, ce qui, note le rapport, "constitue un champ d'étude restant à explorer"...
L'étude de la population accueillie dans l'ensemble de l'offre nouvelle de logements en investissement locatif sur la période 1995-2004 montre qu'il s'agit d'une population plutôt intermédiaire en termes de ressources : les ménages accueillis dans le parc locatif neuf sont des ménages intermédiaires, avec un revenu par unité de consommation au sens de l'INSEE de 14.000 euros annuels contre 13.900 pour l'ensemble des emménagés récents. Cette population est, par ailleurs, jeune et peu familiale. L'âge moyen de la personne de référence est ainsi de 28 ans, contre 47 pour l'ensemble des emménagés récents. De la même façon, plus de la moitié des emménagés récents dans le parc locatif sont des couples ou des personnes seules. La taille moyenne des ménages (au sens fiscal) dans le parc locatif neuf est de 1,9 contre 2,7 pour l'ensemble des emménagés. Enfin, le locatif dans le neuf et le locatif dans l'ancien se distinguent peu du point de vue de la composition des ménages accueillis.
Globalement, le rapport conclut aux limites du dispositif "Robien" en soulignant que, s'il a "contribué significativement à la hausse de production de logements neufs", il s'est aussi soldé par une production excessive de logements souvent petits, loués trop chers dans les villes moyennes et situés dans des zones où la demande est faible. Le rapport souligne qu'une part significative des investissements est réalisée dans des zones où la tension du marché est faible ou intermédiaire ; "il est crucial de s'assurer a priori que les caractéristiques fiscales de ces dispositifs favorisent bien l'émergence d'un parc locatif dont le profil répond à la demande en terme de taille, de niveau de loyer et de localisation", peut-on notamment y lire.
Le ministre du Logement, Christine Boutin, doit présenter dans les prochaines semaines un projet de loi de mobilisation pour le logement qui prévoira un aménagement des dispositifs existants afin qu'ils soient mieux adaptés au marché. Les discussions portent notamment sur l'évolution de la zone C, qui correspond aux zones rurales et aux agglomérations de moins de 50.000 habitants. Le rapport met en évidence d'importantes marges d'amélioration par une plus grande pertinence des plafonds de loyer par rapport aux marchés locaux.
Le gouvernement est en fait confronté à un véritable dilemme, bien illustré par le rapport : la question du ciblage social des dispositifs n'est pas neutre en termes financiers ! Des plafonds de loyers et de ressources plus contraignants nécessitent une majoration de la dépense fiscale pour assurer à l'investisseur une attractivité suffisante, alors que dans l'objectif d'une simple détente du marché locatif, le choix de dispositifs fiscaux non ciblés socialement permettraient, pour une même dépense fiscale globale, une production de logements plus importante !
Il doit aussi veiller à limiter les "effets d'aubaine" : en effet, note le rapport, si en période de faible construction la plus grande partie des investissements réalisés dans le cadre des dispositifs fiscaux est probablement déclenchée par ces dispositifs, à l'inverse, en période de surchauffe, il est probable qu'une part significative des logements bénéficiant de dispositifs fiscaux aurait été financé même en l'absence de dispositif. Mais il doit aussi prendre en compte que l'utilisation des dispositifs fiscaux pour réguler le niveau de la construction a aussi ses limites : d'une part la nécessité d'assurer une certaine stabilité dans le temps des dispositifs pour permettre une bonne appréhension des dispositifs par les promoteurs et des investisseurs, pour éviter les à-coups liés au passage d'un dispositif à l'autre et pour permettre une évaluation plus complète de ces dispositifs ; ensuite, une certaine difficulté d'identifier a priori les évolutions futures de la conjoncture en termes de construction...
|