Votée dans le contexte du choc médiatique créé par le spectacle des tentes dressées sur les quais du canal Saint-Martin, à Paris, par les Enfants de Don Quichotte, la loi DALO (droit au logement opposable) du 5 mars 2007 est rentrée en vigueur le 1er janvier 2008. C'était aussi un petit cadeau empoisonné laissé malicieusement par Jacques Chirac et le gouvernement Villepin à leurs successeurs, qui doivent aujourd'hui faire face. Christine Boutin, actuelle ministre du logement et probablement sincère partisane du principe de ce droit, est dans ses petits souliers : selon les associations qui le réclamaient depuis des années, il y aurait actuellement quelque 1,3 million de mal logés sur l'ensemble du territoire, dont 600.000 potentiellement prioritaires - personnes sans logement ou menacées d'expulsion, vivant dans des locaux "impropres à l'habitation" ou trop petits, ainsi que familles ayant un enfant ou un handicapé à charge -, pour 60.000 logements disponibles. Mais elle-même avouait le 3 janvier ne pas savoir combien de demandes entreraient dans la catégorie des prioritaires : "on ne dispose que d'estimations", indiquait-elle, ajoutant qu'il "y en a peut-être 600.000 ou 800.000", et qu' "on va le savoir à partir du dépouillement des dossiers de demandes de logement et d'hébergement, le travail des commissions de médiation va permettre de mieux évaluer et hiérarchiser les besoins"...
Le texte inscrit dans la loi un "droit à un logement décent et indépendant (...) garanti par l'État à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d'État, n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir". Concrètement, il oblige l'État à fournir aux ménages, inscrits comme demandeurs de logement dans leur département et reconnus comme prioritaires, une solution d'hébergement dans un délai imparti, et met en place deux recours : un recours amiable devant une commission de médiation, et un recours contentieux devant le tribunal administratif si aucune réponse n'est apportée d'ici au 1er décembre 2008.
A noter que seront également considérées comme prioritaires les personnes vivant dans des structures d'hébergement où ayant demandé un HLM et n'ayant pas obtenu de réponse adaptée dans un délai dit "anormalement long".
Les demandeurs faisaient déjà la queue le 2 janvier pour déposer leur formulaire ; ils recevront dans les six mois un accusé de réception de leur dossiers et dès lors un logement leur sera éventuellement proposé : ce qui peut prendre entre 3 et 6 mois, selon le porte-parole du Droit au Logement, Jean-Baptiste Eyraud.
Il est évidemment peu probable que toutes les demandes puissent être satisfaites comme le prévoit la loi. La situation est particulièrement critique en Ile-de-France. Dans un communiqué, la préfecture de Paris a annoncé avoir mis en place un dispositif afin de faciliter le retrait des formulaires par les demandeurs et le dépôt de leur dossier complété. Cinq antennes de la Caisse d'allocations familiales de Paris serviront de point de relais.
Reste à savoir ce que fera le gouvernement lorsque les premiers recours seront exercés devant les tribunaux administratifs : indemnisera-t-il ceux qu'il ne pourra satisfaire, au risque de "plomber" le budget logement de 2008, ou jouera-t-il la montre, comptant sur le découragement et le manque de moyens des demandeurs ?
Sans compter qu'en 2012, tous les mal-logés pourront prétendre à bénéficier de la loi DALO...
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