A la demande de la DGUHC (Direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction), les sociologues du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) ont dressé un premier bilan de l’application de l’article 93 de la loi SRU, qui autorise l’individualisation des contrats de fourniture d’eau pour les propriétaires ou copropriétés qui en font la demande, et par cette étape d’élaborer de nouvelles conditions de distribution de l’eau dans le logement collectif, avec pour ambition des économies d’eau.
Depuis le 6 février 2004, les propriétaires ou les syndicats de copropriétaires dès lors que la décision a été prise en assemblée générale, peuvent demander l’individualisation des contrats de fourniture d’eau auprès du service de distribution de l’eau. Avec cette disposition, les rapports et les prérogatives des acteurs concernés par l’administration de l’eau se trouvent modifiés : pour déposer une demande d’individualisation, la loi SRU impose en effet l’adaptation des règlements de service ainsi que la mise en conformité des réseaux d’eau ; le propriétaire est responsable des réseaux intérieurs et le distributeur vérifie la qualité de l’eau au robinet. Ainsi l’amélioration des réseaux d’eau et garantie la qualité de l’eau sont favorisées.
Les demandes d’individualisation sont encore peu nombreuses : en juin 2005, seules 10 % des collectivités avaient reçu des demandes d’individualisation en immeuble collectif qui émanaient essentiellement du logement social.
"Cette loi modifie les rapports entre les partenaires liés à la gestion de l’eau, explique Chantal Laumonier, ingénieur sociologue au CSTB. Auparavant, les propriétaires payaient les charges d'eau aux syndics et les locataires aux bailleurs sociaux. Désormais, les locataires sont en relation directe avec les distributeurs d’eau (collectivités locales dans le cas des régies ou distributeurs privés), ce qui les oblige à modifier l’organisation de leurs services, à affecter du nouveau personnel pour sa gestion…" Le Service des Eaux doit donc repenser son organisation pour répondre aux demandes d’individualisation et gérer au mieux sa clientèle. Il peut proposer aux familles en difficulté un accompagnement et des aides pour mieux maîtriser le budget eau : facilités de paiements, notamment la mensualisation, création de pôles de proximité où les abonnés pourront trouver des informations et payer leur facture.
Les nouveaux abonnés seront directement en rapport avec les distributeurs. Ils bénéficieront ainsi d’une plus grande transparence sur la distribution de l’eau et disposeront d’informations sur la qualité de leur eau. En contrepartie, les abonnés devront gérer eux-mêmes leur facture d’eau. "L’un des objectifs de cette loi est de sensibiliser les nouveaux abonnés aux économies d’eau", résume Chantal Laumonier. L’abonnement individuel devrait inciter les habitants à maîtriser leur consommation d’eau pour mieux contrôler leur budget.
La loi a aussi pour conséquence des reports de responsabilités du bailleur vers le distributeur, le bailleur perd ainsi son rôle d’assistance pour un certain nombre de familles. “Les bailleurs sociaux souhaitent se recentrer sur leur mission de gestion du logement. L’individualisation des contrats de fourniture d’eau déchargera les bailleurs sociaux de la gestion de l’eau”, analyse la sociologue.
De manière générale, la gestion des impayés se trouve transférée vers de nouveaux acteurs : les impayés ne sont plus mutualisés au niveau de l'endemble immobilier ou la copropriété mais au niveau de la collectivité locale ou du distributeur. “La question est de savoir qui va assumer les impayés : le distributeur d’eau ou la collectivité locale ?, s'interroge Chantal Laumonier. La solidarité va donc être transférée soit des habitants aux abonnés, quand le distributeur intègre les impayés dans son budget, soit des habitants aux contribuables, lorsque c’est le Conseil Général qui gère les impayés.” Les Conseils Généraux incitent les distributeurs d’eau à réfléchir à une politique d’attribution des aides et à la création d’un Fond Solidarité Eau.
Enfin, si l’individualisation des contrats de fourniture d’eau devrait inciter les abonnés à maîtriser leur consommation d’eau, cette baisse de la consommation a des conséquences financières pour l’abonné et le distributeur : coûts d’abonnement, frais de gestion, surdimensionnement des réseaux risquent d’influer sur le coût de l’eau. Du coup, paradoxalement, les économies d’eau devraient entraîner un renchérissement du coût de l’eau...
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