Adoptée définitivement le 20 février dernier, la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové ("ALUR") avait fait l'objet d'une double saisine du Conseil Constitutionnel, notamment sur le fondement de l'atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle, ou encore pour rupture d'égalité entre propriétaires et locataires. Principalement dans le viseur : l'encadrement des loyers et des restrictions apportées aux locations meublées de courte durée.
Le Conseil Constitutionnel n'a retenu que très marginalement l'argumentaire de l'opposition et n'a"retoqué" que des détails :
- pour méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques, une disposition étendant, en cas de congé donné par le propriétaire pour vente ou pour reprise, la protection des locataires âgés à faibles ressources à ceux qui, bien que ne répondant pas aux critères, ont à leur charge une personne vivant habituellement dans le logement et remplissant les conditions d'âge et de ressources ;
- pour atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle par rapport à l'objectif poursuivi dans l'article 6, le mot "exceptionnel" dans l'expression "complément de loyer exceptionnel" et dans l'expression "caractéristiques exceptionnelles par leur nature et leur ampleur" ; il s'agit en fait, dans le cadre du dispositif d'encadrement des loyers, du dépassement que les propriétaires seront en droit de pratiquer par rapport au "loyer de référence majoré" fixé par le préfet, pour - disait le texte voté - "des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort exceptionnelles par leur nature et leur ampleur par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique". Le Conseil constitutionnel a jugé que les mots "exceptionnel" et "caractéristiques exceptionnelles" sont excessifs, et qu'un complément peut être demandé dès lors que le logement présente "des caractéristiques de localisation ou de confort par leur nature et leur ampleur par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique". La phrase est un peu bancale, mais le sens y est...
- pour méconnaissance du principe d'égalité, la disposition de l'article 6 laissant au préfet l'appréciation de fixer le "loyer de référence majoré" à un niveau inférieur à celui du loyer médian de référence + 20%, "en fonction de la dispersion des niveaux de loyers observés par l'observatoire local des loyers" ; le préfet devra donc le fixer exactement au niveau du loyer médian + 20% ;
- pour atteinte disproportionnée aux droits de chacun des copropriétaires, l'article 19 qui permettait à l'assemblée générale des copropriétaires d'un immeuble de décider de soumettre discrétionnairement à son accord préalable "toute demande d'autorisation de changement d'usage d'un local destiné à l'habitation faisant partie de la copropriété par un copropriétaire aux fins de le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage" ; cette disposition, qui devait restreindre fortement, notamment à Paris, l'exploitation de logements aux fins de location meublée de courte durée, disparaît mais il reste, dans les communes de plus de 200.000 habitants et dans les départements limitrophes de Paris, la contrainte de l'autorisation administrative nécessaire au changement d'affectation, avec obligation de compensation (offrir une surface au moins équivalente à faire revenir en logement), puisqu'il s'agit d'une sortie du logement du classement en habitation.
Enfin, très accessoirement, un article permettant la rédaction des cessions de parts de sociétés civiles immobilières par des experts comptables disparaît, non pour les raisons invoquées dans la saisine, mais pour absence de lien avec les dispositions du projet de loi initial...
Le Conseil n'a retenu aucun autre motif d'inconstitutionnalité et a intégralement validé le reste de la loi qui peut en conséquence être publiée. Rappelons que cette loi fleuve de 177 articles renforce les droits des locataires, organise un encadrement des loyers, crée une garantie universelle des loyers, intègre avec aménagements les locations meublées à titre d'habitation principale dans le droit commun, organise pour la première fois un encadrement des professions immobilières, avec notamment obligations de formation, déontologie et sanctions disciplinaires, encadre au passage leurs honoraires, renforce la lutte contre l'habitat indigne et les "marchands de sommeil", organise l'information de l'acquéreur en copropriété et introduit des modifications importantes dans le fonctionnement et la gestion des syndicats de copropriétaires : obligation de mettre 5% du budget prévisionnel chaque année sur un fonds de travaux, assouplissement des majorités nécessaires pour les décisions en assemblée générale, renforcement de la prévention des difficultés, etc.
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