La loi "ALUR", votée définitivement le 20 février dernier et en attente de son passage au Conseil constitutionnel, comporte un article 99, issu d'amendements proposés par Habitat et Humanisme (HH) et ATD Quart Monde, qui introduit la possibilité pour les bailleurs sociaux d'accorder des remises sur loyers aux locataires connaissant des difficultés, financées par le produit des suppléments de loyer de solidarité.
Les deux organisations avaient proposé que soient obligatoirement fléchés les surloyers de solidarité (SLS) vers les foyers dont le niveau de ressources, trop faible, ne leur permettent pas de se maintenir dans un logement social. Ces SLS, créés par la loi du 4 mars 1996, peuvent être réclamés au locataire dès lors que ses revenus excèdent les plafonds de ressources exigés pour l'attribution d'un logement social. En 2010, ils représentaient 100 millions d'euros, selon l'Union Sociale pour l'Habitat (ex-Union des HLM). Les redistribuer aux plus fragiles permettrait de maintenir les familles dans leur logement. Une urgence, alors qu'un tiers des familles mono parentales vit sous le seuil de la pauvreté.
Le texte voté introduit la possibilité pour les bailleurs sociaux d'accorder des remises sur loyers aux locataires connaissant des difficultés, financées par le produit des SLS, ce qui est un premier pas. HH et ATD considèrent quant à eux qu'il faut aller plus loin, en rendant obligatoire l'affectation du produit des SLS vers des remises sur quittances et non potentiellement comme la loi le prévoit, en faisant appliquer le SLS dès le premier euro de dépassement des plafonds de ressource (actuellement il est appliqué lorsque les ressources du locataire dépassent de plus de 20% les plafonds PLUS), et en mettant fin à la "dictature" du taux d'effort qui exclut les ménage les plus modestes pour lui substituer une autre logique : celle du "disponible pour habiter", c'est à dire, un minimum vital à déduire des ressources du locataire. Une remise sur quittance se déclencherait automatiquement lorsque ce disponible pour habiter est inférieur au montant du loyer et des charges.
"Nous n'avons pas réussi à faire passer cet amendement mais la Ministre du logement a précisé à la presse, après la présentation du rapport de la Fondation Abbé Pierre, que cheminait l'idée de l'affectation des surloyers au bénéfice des plus pauvres." indique Bernard Devert, fondateur d'HH.
"Notre Pays compte plus de 4,5 millions de logements sociaux. 70% de la population, au regard de ses revenus, est éligible à ce parc si bien que les plus pauvres, ce qui est un comble, en sont trop souvent écartés. Cette exclusion, contraire à la finalité du logement social, entraîne des situations ubuesques et inacceptables pour les ménages reconnus prioritaires dans le cadre du DALO. Que de foyers sont condamnés à l'expulsion pour des dettes de loyer, lesquelles ne procèdent pas de la mauvaise foi mais d'une grave rupture entre les ressources et le coût du logement. Les cas sont malheureusement nombreux", souligne-t-il. Et d'ajouter un cas parmi d'autres : "dans le Nord, Madame C. vit avec ses deux enfants de 8 et 10 ans dans un logement social de 3 pièces. Son revenu est de 725 euros pour un loyer et charges de 512 euros. Après imputation de l'Aide Personnalisée au Logement (APL) elle dispose d'un "reste pour vivre" de 583 euros mensuels, soit 6,47 euros/jour et par personne. Ne parvenant pas – comment le pourrait-elle - à payer totalement le loyer, l'APL supprimé, cette famille monoparentale quitte la précarité pour entrer dans l'abîme de la misère, le Tribunal prononçant son expulsion du logement."
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