Le rapport sur l'État du mal-logement que la Fondation Abbé Pierre présentera le 1er février prochain (au Parc des Expositions de la Porte de Versailles) constituera un véritable "livre noir" du logement en France et décryptera une situation réellement dramatique pour certains, l'héritage d'une inertie politique de plusieurs décennies... C'est l'annonce faite par la Fondation qui souhaite prolonger par une interpellation vigoureuse de l'Etat la campagne engagée par ailleurs de "carton rouge" aux communes qui ne respectent pas les objectifs de logements social fixés par la loi "SRU" du 13 décembre 2000 (20% minimum de logements sociaux dans les villes de plus 1.500 habitants en Ile-de-France et 3.500 habitants dans les autres régions et qui sont comprises dans une agglomération de plus de 50.000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15.000 habitants).
La fondation reconnaît un bilan positif de l'application de l'article 55 de cette loi quant au nombre de logements financés (40 000 en 2009), soit le double de l'année 2000. Un bilan positif également quant à la dynamique enclenchée dans de nombreuses collectivités. Et, parallèlement, auprès d'une population parfois réticente à l'édification de nouveaux logements sociaux.
Un bilan négatif, aussi, car derrière ces chiffres encourageants se cache une disparité dans l'application de cette loi, la plus grande part de l'effort étant portée par une fraction volontaire des communes soumises, contrairement à de nombreuses collectivités qui s'en affranchissent, tout ou partie. Un bilan réservé, également, pour le manque de fermeté de l'État qui n'a appliqué la pénalité financière majorée qu'à 70% des communes qui se sont mises dans l'illégalité.
L'état des lieux actuel selon la Fondation est le suivant : sur les 1.763 communes rentrant dans les critères de la loi, 978 sont soumises à l'obligation de rattrapage (244 d'entre elles ne seront soumises au prélèvement qu'à partir de 2014). 730 sont effectivement soumises au prélèvement : 405 respectent la loi (55%), 325 ne la respectent pas (45%). Parmi ces dernières, 86 ont été exemptées de pénalité financière. 239 ont donc fait l'objet d'un constat de carence mais seulement 168 (70%) ont été sanctionnées (par les préfets) de la majoration maximale prévue par la Loi.
Forte de la légitimité de ce combat, la Fondation Abbé Pierre sortira un nouveau palmarès des communes qui ne respectent pas, peu ou mal la loi SRU au printemps prochain et ne manquera pas de leur attribuer un "carton rouge" ; car selon elle, "10 ans après le vote de cette loi décisive et dans le contexte de pénurie que notre pays connaît (plus de 800.000 logements manquants, flambée des prix, etc.), cette attitude est intolérable et inacceptable".
La Fondation Abbé Pierre demande à nouveau un triplement a minima des pénalités de carence et la substitution de l'État pour engager des constructions dans les communes réfractaires.
Elle invite aussi les pouvoirs publics à s'attaquer aux "vraies causes et aux conséquences de la dégradation en cours", et mettre autrement qu'en paroles le logement au coeur des priorités politiques actuelles et de celles de la campagne présidentielle 2012 !
Enquêtes à l'appui, la Fondation Abbé Pierre rappellera que la crise économique a incontestablement renforcé la crise du logement. Elle a amplifié la sensibilité des ménages pauvres et précaires face aux charges de logement ou aux obstacles leur permettant de se procurer un toit. Bien plus, elle a créé de nouvelles fragilités et élargi le champ de ceux qui se retrouvaient en butte à ces problèmes de logement, en touchant également les classes moyennes.
Le rapport 2011 abordera la question de la propriété immobilière, dimension prioritaire et centrale de la politique du logement conduite depuis 2007, marquée par la volonté du président de la République de voir s'installer "une France de propriétaires". Il démontrera que, si l'ambition de favoriser le développement de la propriété est louable tant elle fait écho aux aspirations des Français, c'est aussi aujourd'hui un processus profondément inégalitaire et loin de constituer une protection pour chacun.
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