"L'Etat ne tient pas ses promesses pour la rénovation des banlieues" : c'est sous ce titre que le quotidien Le Monde commente un rapport du comité d'évaluation et de suivi de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), mettant en évidence l'importance des retards accumulés, l'insuffisance des ressources budgétaires et l'impossibilité de tenir les promesses effectuées depuis le lancement du programme par Jean-Louis Borloo en 2003. Les trois quarts des crédits de programmés sur les 12 milliards attribuables par l'ANRU d'ici à 2013, soit plus de 9 milliards d'euros, somme à laquelle s'ajoutent des subventions des collectivités locales et des organismes HLM, n'ont financé à ce jour que la moitié des objectifs du programme : 45,3% des démolitions (sur les 250.000 annoncées), 42% des reconstructions (sur 250.000), 54,4% des réhabilitations (sur 400.000) et 62,4 % des résidentialisations (sur 400.000).
"Il est donc probable que les crédits disponibles ne permettront pas d'atteindre les objectifs du programme", indique, de manière diplomatique, le rapport. Pire : au décalage important entre objectifs et programmations, s'ajoutent des retards "conséquents" dans l'engagement physique des travaux. Cette situation explique selon les rapporteurs le ressentiment, parfois la colère, exprimés par les habitants et les élus quant à la lenteur des changements sur le terrain. Une grande partie de ces retards relève d'une lourdeur particulière des procédures administratives.
Le contexte économique complique encore la situation : le rapport constate qu'alors que l'ANRU bénéficie d'enveloppes financières "fermées", les besoins ont explosé, notamment avec la hausse du coût de la construction (+24,6% entre 2003 et 2007). Le comité d'évaluation anticipe aussi dans l'avenir des "difficultés financières" pour l'ANRU, du fait de l'"insuffisance chronique" des subventions de l'Etat.
Dans son budget 2009, le gouvernement prévoit ainsi de réduire sa subvention au strict minimum en demandant au 1 % logement d'assumer quasi intégralement le financement de l'ANRU. Cette tendance au "désengagement financier" est qualifiée de "menace" par les experts, qui réclament, à l'inverse, le lancement d'un second plan Borloo porté par l'Etat. Le plan de relance de l'économie annoncé le 4 décembre viendra atténuer mais seulement partiellement ce désengagement.
Enfin, le rapport exprime des doutes sur la mixité sociale qui devait être favorisée par le programme de rénovation urbaine, grâce à des démolitions d'immeubles suivies de reconstructions sur d'autres sites. Le comité estime que le mouvement est entravé par "les comportements malthusiens de certains élus qui freinent, voire empêchent la construction de logements sociaux sur leur territoire". A l'inverse, les experts notent "la résistance" d'élus face aux démolitions de logements dans leur commune, dans le but de maintenir, sans doute à leur profit électoral, la sociologie des quartiers. Ainsi, en région parisienne 58% des logements seront reconstruits sur place, cette proportion atteignant même 81% en Seine-Saint-Denis et 82% en Seine-et-Marne !
De surcroît, la rénovation urbaine a d'abord été pensée comme une intervention sur le bâti : le déficit de gestion urbaine de proximité, de gestion des éclairages, du gardiennage d'immeubles pourrait menacer les investissements de l'ANRU". Les experts signalent que, faute de suivi humain, des dégradations ont déjà été observées sur "plusieurs sites emblématiques de la rénovation urbaine"...
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