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Pourquoi l'Allemagne ne connaît ni bulle immobilière ni crise du logement ? Le 26/2/2011
UI - Actus - 26/2/2011 - Pourquoi l'Allemagne ne connaît ni bulle immobilière ni crise du logement ?
S'il est de bon ton ces temps-ci de prendre l'Allemagne comme modèle, au prix parfois de quelques approximations, il est un domaine où la comparaison devrait désespérer nos politiques. En matière de logement, l’Allemagne fait en effet figure d’exception : elle n’a connu ni l’augmentation des prix, ni l'envol des loyers observés dans la majorité des pays développés au cours de la décennie qui a précédé la crise financière. Le tout avec un taux de propriétaires (moins de 40%) parmi les plus bas d'Europe, alors que la majorité politique en France rêve encore dans ce domaine des scores de la Grèce et de l'Espagne... Une étude de l'ANIL tente de répondre à la question : "comment font-ils ?"...

Location : une organisation originale, très éloignée du modèle français



Avec le plus fort pourcentage de locataires de l'Union européenne (55%), loin, très loin des modèles prônés en France par les lobbies de l'accession à la propriété et de la libéralisation du marché locatif, les Allemands ont adopté des règles simples, et décentralisées. Si le cadre juridique est national, le logement reste en effet strictement de la compétence de chaque "land", la commune agissant par délégation du gouvernement régional.

Les règles du jeu actuelles ont été fixées en 1971 avec la première loi de protection des locataires : il s'agissait alors, indique l'étude, d'encadrer les augmentations de loyer pour mettre fin aux résiliations de baux motivées par des hausses insupportables pour les locataires. Il n'existe qu'un type de contrat de bail utilisé quel que soit le statut du propriétaire. Contrairement au système français qui fixe désormais dans pratiquement tous les domaines (logement, commercial, professionnel) des durées minimales, le bail est à durée indéterminée et il n'est pas possible d'y mettre fin pour vendre le logement. Une seule possibilité de donner congé est prévue, la reprise pour occupation personnelle, mais elle est contrôlée par le juge et reste de pratique assez rare ; elle est limitée dès lors que le propriétaire a plusieurs logements. A l'inverse, le locataire peut résilier son bail avec un préavis de trois mois. Le bail doit mentionner la surface du logement et le loyer au m2.

La liberté de fixation du loyer est la règle, mais le locataire peut se tourner vers le juge s'il estime que le loyer qu'il a accepté est supérieur de 20% aux loyers pratiqués pour des logements équivalents. Si cette action est entreprise ultérieurement, le locataire pourra récupérer les indus au maximum sur les trois dernières années. Egalement, dans le cas où la surface réelle se révèle inférieure de plus de 10% à celle mentionnée dans le bail, le locataire peut, sans avoir recours au juge, réduire son loyer de façon à ce que le loyer au m2 corresponde à la valeur contractuelle.

L'augmentation du loyer des baux en cours se fait essentiellement de gré à gré, les clauses d'indexation, bien que permises, sont peu utilisées : en l'absence, le propriétaire peut demander à son locataire une augmentation au plus tôt un an après la conclusion du bail et au plus tous les dix-huit mois avec un maximum de 20% tous les trois ans. Le locataire a trois mois pour négocier, accepter ou refuser cette augmentation. En cas de refus du locataire, le propriétaire n'a pas d'autre recours que de se tourner vers le juge.

Les auteurs de l'étude pensent que cette façon de procéder, à la fois pour les loyers de relocation et pour les augmentations en cours de bail, tend à réduire la forte différence observée en France dans les zones tendues, entre les loyers moyens et les loyers de relocation, mais ils reconnaissent ne pas disposer des chiffres pour le vérifier...


La notion de loyers comparables et les "miroirs des loyers" de Cologne



Lorsque le juge est saisi par le propriétaire confronté au refus de son locataire ou par ce dernier qui conteste le niveau du loyer qu'il a accepté mais qu'il juge excessif, la loi prévoit qu'il se détermine en fonction des loyers pratiqués pour des logements comparables. Pour ce faire, la loi a prévu trois moyens :

- comme en France, par le recours à un expert (coût entre 700 et 1.500 euros à la charge du demandeur) ;

- comme en France également des références de loyers réels de logements comparables (trois contre six en France) ;

- ou par les éléments fournis par un ""miroir des loyers", banque de données de référence.


L'étude a choisi d'examiner l'expérience de Cologne, la ville qui connaît la plus forte tension après Munich, et qui, la première, a mis en place un "miroir des loyers en 1973". Cologne ne compte en principe en 2010 que 37% de propriétaires occupants, contre 46% à Bonn dans le même "land", mais d'autres sources estiment que ce taux serait plus faible (jusqu'à 23%). Le parc locatif est détenu pour un tiers seulement par des sociétés importantes, privées, publiques ou coopératives, et aux deux tiers par de petits bailleurs, détenant peu de logements. Les loyers font rêver pour une ville "tendue : ils s'étageraient entre 5,60 et 9,70 euros/m2, avec une moyenne de 7,80 euros pour les nouvelles locations !

Le "miroir des loyers" de Cologne est l'oeuvre de l'association des propriétaires de la ville, fondée à la fin du XIXème siècle, et de celle des locataires, créée en 1900, avec l'appui de la ville et d'une association d'experts immobiliers. Il traite de l'ensemble des logements de la ville, à l'exception des maisons individuelles et des biens exceptionnels par la qualité ou par la taille. Il fournit des fourchettes de loyer en fonction d'un certain nombre de critères : qualité du quartier, la taille du logement, son niveau d'équipement, sa date de construction. Il est envisagé d'y intégrer, à l'avenir, les performances énergétiques. Les chiffres retenus résultent de dires d'experts, fondés sur un grand nombre de données et d'une négociation entre les partenaires du miroir, plus que sur un travail statistique sophistiqué, expliquent les auteurs. Chacun défend bien entendu ses intérêts, mais les uns comme les autres sont contenus par le marché, la rotation des locataires constituant la menace première pour les propriétaires.

Les données de ce "miroir" sont actualisées tous les deux ans et le résultat donne lieu à une présentation lors d'une conférence de presse conjointe des associations de locataires et de propriétaires.

L'exemple de Cologne est emblématique, mais d'autres villes excluent les loyers de relocation et ne prennent en compte que les loyers qui ont été modifiés dans les quatre dernières années. La plupart des villes disposent de miroirs fondés sur la concertation comme celui de
Cologne, mais d'autres ont choisi de créer des observatoires "qualifiés" fondés sur des statistiques élaborées selon les règles de l'art. Munster est passé à grand frais d'un observatoire du type de celui de Cologne qui existait depuis 15 ans, à un miroir "qualifié" qui pourtant confirmé les résultats du premier... Berlin également, où l'offre de logements est très abondante et les loyers particulièrement bas, a mis en place un miroir "qualifié". Les villes semblent, selon l'étude, adopter cette technique lorsque les loyers ne constituent pas un enjeu suffisant pour mobiliser la collaboration d'une association de locataires et d'une association de propriétaires...


Un marché en faveur des locataires



Vu au travers de l'exemple de Cologne, ce système fonctionne parce que les deux associations, de propriétaires et de locataires, ont chacune un quasi-monopole de fait dans leur secteur et un grand nombre de membres : 24.000 pour celle des propriétaires et 60.000 membres. Il est vrai qu'elles offre de nombreuses prestations de services, comme celle pour les locataires de détecter et redresser les erreurs en leur défaveur dans les décomptes de charges locatives.

Mais aussi en raison de l'absence de forte tension sur le marché : même si le marché de Cologne est qualifié de tendu par rapport à celui d'autres villes allemandes, la situation est, selon les auteurs, sans commune mesure avec ce que l'on peut observer à Paris ou dans certaines villes françaises. La crainte majeure des bailleurs, exprimée par tous les partenaires, c'est la résiliation du bail par un locataire qui aura trouvé un logement d'un meilleur rapport qualité-prix.

L'évolution des loyers est aussi bridée par les limites de solvabilité des locataires, entamée par la forte augmentation des charges locatives. C'est ce qui expliquerait la relative facilité avec laquelle les divers partenaires s'accordent sur les valeurs retenues par le miroir des loyers.


Marché de l'immobilier : pas de recette miracle



La pratique des miroirs de loyers et la transparence du marché qu'elle permet joue certainement un rôle positif dans l'équilibre des rapports entre locataires et propriétaires. Elle interdit de fait les loyers manifestement surévalués. Permettant une maîtrise des loyers dans un pays où les propriétaires occupants sont minoritaires, et où la législation oblige pratiquement à vendre les logements locatifs occupés, elle pèse inévitablement sur les prix du marché à la vente, pour des raisons évidente de rentabilité !

L'abondance de logements locatifs est permise par l'effort de construction d'un parc social de fait par les collectivités locales, qui maintient la pression sur les bailleurs. L'Allemagne économise ainsi une bonne partie des milliards que la France s'est laissée entraînée à dépenser (près de 18 au total chaque année), en aides à la personne, qui atterrissent directement dans la poche des propriétaires et ont alimenté la hausse des prix de vente, de l'ancien, du neuf, et des terrains ! Avec l'effet exactement inverse à celui recherché...

A cette aune, l'exemple allemand apparaît comme le révélateur de ce qu'il ne faut pas faire, et de l'erreur persistante dans laquelle se sont obstinés en France des générations successives de gouvernements de droite comme de gauche.

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