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Pourquoi on continue de construire dans les zones à risques Le 7/3/2010
UI - Actus - 7/3/2010 - Pourquoi on continue de construire dans les zones à risques
Depuis la tempête Xynthia qui a fait plus d'une cinquantaine de victimes sur la côte atlantique, les maires qui ont autorisé des constructions dans des zones exposées du littoral, et en particulier dans des secteurs inondables situés en dessous du niveau de la mer, sont montrés du doigt. La secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, Chantal Jouanno, reconnaissait le lendemain de la catastrophe sur France 3 qu'en aucun cas des habitations ne peuvent être considérées comme en sécurité parce qu'elles sont protégées par des digues, de surcroît anciennes, et en général réalisées pour permettre l'assèchement de terres agricoles suivant la technique des "polders". Les plus hautes autorités de l'Etat s'émeuvent des conséquences du sinistre et annoncent - réflexe bien commode - une remise à plat la réglementation, en attendant peut-être une ou deux nouvelles lois, alors que le problème est surtout - de toute évidence - celui de l'application des réglementations existantes par ce même Etat...

La construction de logements en zones inondables rebelle aux règlementations !



Le Commissariat général au développement durable avait rendu publique début 2009 une étude réalisée avec l'INSEE, qui révélait qu'entre 1999 et 2007, le nombre de logements construits avait augmenté plus fortement en zones inondables qu'en dehors !

5 à 6 millions de personnes résideraient dans ces espaces. L'INSEE et le Service de l'observation et des statistiques du ministère de l'écologie se sont intéressés à 424 communes de plus de 10.000 habitants soumises à un risque majeur d'inondation, regroupant 17 millions de personnes. La variation du nombre de logements localisés dans les zones inondables a été analysée sur 7 ans.

En 1999, près de 9 millions de résidences étaient recensées au sein de ces 424 communes et 1,45 million de logements étaient localisés dans les secteurs inondables, soit prés de 16% de la totalité des logements. En 2006, près de 100.000 logements supplémentaires ont été comptabilisés dans ces territoires exposés. Cela représente une hausse de 7% en 7 ans, un taux plus élevé qu'en dehors des zones inondables de ces villes, où il s'établit, avec 430.000 logements supplémentaires, à 6%...

Pour la moitié des communes étudiées, le niveau de logements implantés en zones submersibles a stagné ou légèrement diminué. Ce sont principalement des communes de petites tailles en nombre de logements et dont les zones inondables sont faiblement densifiées.

Un tiers des communes, à peine plus grandes que celles évoquées précédemment mais dont les superficies inondables sont plus conséquentes et plus densément construites, ont, elles, eu un taux de croissance identique en zone inondable et en dehors.

C'est les 13% restantes, communes se distinguant par leur grand nombre de logements - plus de 26.500 logements par commune dans 50 % d'entre elles - et dont les secteurs inondables sont également plus étendus et très densément construits, qui sont principalement responsables de cette croissance à risque. Ce groupe cumule 74.000 logements exposés supplémentaires et son taux de croissance a la particularité d'être nettement plus élevé au sein des zones submersibles qu'en dehors : 8,2% contre 4,4% !

Dans l'Eure, la Seine-et- Marne et la Meurthe-et-Moselle, la croissance des logements dans les parcelles inondables a été trois fois plus rapide qu'en dehors. Les Alpes-Maritimes, le Var et le Val-de-Marne se distinguent par la construction de plus de 8.000 logements entre 1999 et 2006 dans les périmètres inondables étudiés. Ces trois départements se caractérisaient déjà par de nombreux logements exposés en 1999. Cette dynamique s'est ainsi poursuivie à un rythme moyen, de 5 à 8% sur sept ans.

D'autres départements se singularisent par des rythmes de développement très rapides dans les zones inondables. Ainsi, dans l'Hérault et l'Ille-et-Vilaine, la croissance des logements dans les parcelles inondables des grandes communes étudiées a été de l'ordre de 20 % en sept ans.

Dans l'Eure, la Seine-et- Marne et la Meurthe-et-Moselle ce taux est un peu moindre - entre 11% et 16% -, mais néanmoins trois fois plus rapide que celui observé en dehors des zones inondables -3 à 4 % -. A l'opposé, des départements montrent un taux d'accroissement moindre dans les territoires exposés, particulièrement l'Isère, le Tarn-et-Garonne, les Pyrénées-Orientales et les Yvelines.

Neuf départements avec plus de 1.000 logements nouvellement construits dans les zones inondables étudiées se distinguent car ceux-ci se sont implantés en majorité dans des espaces exempts de plan de prévention du risque d'inondation (PPRI - voir ci-après) : l'Hérault, le Gard, la Haute- Garonne, les Bouches-du-Rhône, le Rhône, la Seine-et- Marne, la Meurthe-et-Moselle, l'Ille-et-Vilaine et l'Aude.

Les PPRi contraignent à la densification des territoires inondables déjà urbanisés plutôt qu'à leur extension. Même si le nombre de logements situés en zones inondables des communes étudiées a augmenté de 7%, les surfaces urbaines de ces zones à risque ne se sont étendues, globalement, que de 3km², soit une croissance de 0 ,7%. Afin de limiter le risque, de nombreux plans de prévention du risque d'inondation (PPRI) ont été instaurés, notamment pendant la période étudiée : 61% des communes étudiées étaient couvertes fin 2007 contre 13% en 1999. Ces plans réglementent l'urbanisation dans les territoires exposés, en interdisant notamment la construction de logements dans deux types de terrains : les terrains exposés à des aléas très dangereux, et les terrains non urbanisés qui constituent des zones d'expansion des crues, permettant leur laminage et la réduction du risque à l'aval. Ainsi, le développement des PPRI a certainement contraint à la densification des territoires inondables déjà urbanisés plutôt qu'à leur extension...


PPRi et règles d'urbanisme



Créé en 1995 par la Loi "Barnier" du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, et modifié en 2003 par la loi "Bachelot" du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels, le Plan de Prévention des Risques inondation (PPRi) est un document prescrit et approuvé par l'Etat, en l'occurrence le préfet du département. Il établit une cartographie aussi précise que possible des zones de risque, interdit les implantations humaines dans les zones les plus dangereuses, les limite dans les autres zones inondables, prescrit des mesures pour réduire la vulnérabilité des installations et constructions existantes, ainsi que pour la protection et la prévention collectives ; il doit aussi préserver les capacités d'écoulement et d'expansion des crues.

Le PPRi est une servitude d'utilité publique annexée au Plan Local d'Urbanisme (PLU). Il a une valeur réglementaire et est opposable au tiers.

L'élaboration d'un PPRi comporte une étude dite "étude d'aléa" pour déterminer les hauteurs de référence aux différents points des communes (référence à une crue historique ou au moins "centennale" - en non "centenaire" comme on l'entend ces temps-ci...). Ensuite, est menée une phase de concertation avec la commune concernée pour prendre en compte l'urbanisation existante et ses développements possibles et en tirer ensuite une carte des enjeux. La vulnérabilité du bâti aux inondations est analysée pour pouvoir ensuite prescrire les mesures adaptées. Du croisement des aléas et des enjeux naît un plan de zonage qui précède l'établissement du règlement.

C'est évidemment dans cette phase que s'exercent les plus fortes pressions de la part des maires qui veulent à tout prix développer l'activité économique de leur commune...

A chaque zone délimitée sur la "carte de zonage" correspond une réglementation spécifique de l'urbanisme. On distingue les zones inconstructibles, cartographiées en général en rouge et les zones constructibles sous conditions, cartographiées en général en bleu. Les zones non encore urbanisées qui correspondent aux champs d'expansion des crues sont interdites à la construction.

Les mesures imposées pour la réduction de la vulnérabilité des constructions existantes sont à réaliser dans un délai de 5 ans maximum à compter de l'approbation. La priorité est donnée à la protection des personnes et à la réduction des dommages. On peut citer la réalisation de diagnostics du bâti, la pose de batardeau, la création d'espaces refuges, la protection de certains équipements. Les travaux peuvent être financés par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs. L'extension d'une construction peut être interdite, ou soumise à des prescriptions comme des contraintes de maintien de la libre circulation des eaux. Le fait de mettre en place des protections n'est pas un droit à construire en aval de celles ci. Le PPRi peut aussi prescrire des actions collectives de protection et de prévention.

Dans Les communes ayant un PPR prescrit ou approuvé, les propriétaires et bailleurs doivent fournir une information sur les risques aux acheteurs ou locataires ainsi que sur les dommages ayant fait l'objet de déclaration "catastrophes naturelles" ; les communes doivent procéder à la pose de repères de crues (plus hautes eaux connues), visibles de la voie publique, et organiser tous les 2 ans des réunions d'information du public. Enfin, les communes dotées d'un PPR approuvé doivent rédiger et le cas échéant mettre en œuvre un plan communal de sauvegarde.


Rendre constructibles des terrains : des opérations à hauts profits



Les maires qui ont accordé ou qui accordent encore aujourd'hui des permis de construire dans des zones inondables ne sont pas forcément responsables : le contentieux administratif est là pour prouver qu'une autorisation de construire ne peut être refusée dans un secteur classé constructible par le plan d'urbanisme local, l'ancien Plan d'occupation des sols (POS) ou le plan local d'urbanisme (PLU) qui remplace progressivement dans les communes le POS depuis la loi "SRU" de décembre 2000. Ou ce qui en tient lieu dans les communes qui n'en ont pas : carte communale, etc. Ces documents sont établis et modifiés sous haute surveillance de l'Etat, et notamment de la préfecture.

C'est lors de l'adoption de ces plans, ou leurs modifications que s'opèrent les changements qui rendent constructibles des terrains auparavant agricoles ! Y compris bien entendu dans les zones inondables pour peu qu'elles soient ou aient été classées opportunément par le plan de prévention des risques en zones constructibles sous conditions...

Or rendre constructible un terrain qui ne l'est pas, c'est multiplier sa valeur par un facteur qui peut atteindre 10 ou 20 dès qu'on est proche d'une ville un tant soit peu dynamique ou touristique. l'heureux propriétaire d'un terrain qui change ainsi de statut réalise une substantielle plus-value, qui ne lui tombe pas forcément du ciel : relationnel local, trafics d'influence, prises illégales d'intérêts de la part des élus bien placés permettent à quelques uns - très souvent les petits promoteurs locaux, bien implantés - de s'accaparer ces plus-values providentielles, qui tombent rarement sur des têtes innocentes. ou alors une préemption communale vient opportunément doucher celui qui croyait pouvoir un peu trop facilement toucher le "jackpot"...

Curieusement, alors que ces changements s'accompagnent d'investissements communaux souvent importants (viabilisation, desserte, augmentation des structures scolaires, sociales ou de santé, etc.), elles ne sont pas encore taxées au profit des collectivités territoriales qui effectuent ces investissements, mais seulement au profit de l'Etat au titre de l'impôt sur le revenu. Les collectivités n'ont, en cas d'enrichissements flagrants, que la ressource de la préemption, encore que celle-ci s'effectue sur la base d'une évaluation des Domaines qui tient compte de la toute nouvelle constructibilité...

Le Législateur n'a pas manqué de faire quelques timides incursions contre cette considérable anomalie : la loi "ENL" du 13 juillet 2006 a créé la possibilité pour les communes d’instituer une taxe forfaitaire sur la première vente de terrains nus qui ont été rendus constructibles du fait de leur classement par un plan local d'urbanisme dans une zone urbaine ou dans une zone à urbaniser ouverte à l'urbanisation ou par une carte communale dans une zone constructible ; dans ce cas, la taxe est assise sur les deux tiers du prix de vente du terrain, qui doit être supérieure à 15.000 euros, au taux de 10%, ce qui revient à taxer la vente à hauteur de 6,6 % du prix de vente. Cette taxe peut aussi être instituée au niveau d’un établissement public de coopération intercommunale (EPIC). Le décret d'application a mis en place cette possibilité à compter du 1er janvier 2007. Il ne semble pas que les collectivités locales se soient précipité sur cette nouvelle mesure !

Plus récemment, les rédacteurs du projet de loi de "modernisation de l'agriculture et de la pêche", qui vient d'être déposé au parlement rendrait cette taxe obligatoire, mais elle serait assise cette fois sur la plus-value réalisée et serait réduite d'un dixième par année écoulée à compter de la date à laquelle le terrain a été rendu constructible au-delà de la huitième année. Elle ne s’appliquerait toujours qu’aux ventes à partir de 15.000 euros et lorsque le rapport entre le prix de cession et le prix d'acquisition ou la valeur vénale d’entrée dans le patrimoine du vendeur est de 10 et plus.
Le taux de la taxe serait de 5% lorsque ce rapport est inférieur à 30, et de 10% lorsqu’il est supérieur. Elle serait exigible lors de la première cession à titre onéreux intervenue après le classement en terrain constructible, et serait due par le cédant.

A suivre...

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