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Mesures pour le pouvoir d'achat et le logement : accueil critique et scepticisme... Le 19/12/2007
UI - Actus - 19/12/2007 - Mesures pour le pouvoir d'achat et le logement : accueil critique et scepticisme...
Propriétaires furieux, professionnels critiques : on n'avait pas vu cela depuis 2002 ! La cause : l'alignement de l'indice de révision des loyers sur les prix à la consommation - ironie du sort, cette mesure risque avec le réveil de l'inflation d'être favorable aux propriétaires -, la réduction à un mois du dépôt de garantie des locataires, et l'interdiction des engagements de caution contre une garantie des loyers dont les contours sont loin d'être dessinés avec précision... Les autres mesures annoncées laissent aussi en général les divers intéressés sur leur faim ou les inquiètent : régime unique d'aide à l'investissement locatif orienté vers le social, surloyers pour libérer des HLM, vente de HLM pour en construire d'autres, pression sur les maires pour qu'ils libèrent du foncier pour le logement social, nième réforme du droit de l'urbanisme, mesures en faveur du crédit hypothécaire - en plein traumatisme du système bancaire par la crise américaine du "subprime", etc.

Propriétaires et professionnels très remontés

Les trois mesures annoncées par le président de la République, dont deux sont déjà sur un projet de loi en débat au parlement, passent mal : les propriétaires voient dans la réforme de l'indice de révision des loyers (IRL), non pas une amélioration globale du pouvoir d'achat des français, mais un simple transfert du pouvoir d'achat des propriétaires vers les locataires ! Rappelons que celui-ci au terme de la réforme en cours (1) ne variera plus que comme "la moyenne sur les douze derniers mois de l’évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers", alors qu'il intègre aujourd'hui, outre l'indice des prix à la consommation pour 60% de sa composition, une "pincée" d'indice du coût de la construction (20%) et une pincée de celui de l'entretien et de l'amélioration du logement (20% également).

"On retire aux uns ce que l'on donne aux autres", tonne l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière), qui revendique 240.000 adhérents, en général loueurs d'un ou plusieurs logements ; à un moment où, fait remarquer son président, Jean Perrin, les propriétaires voient leurs charges s'alourdir avec l'augmentation de la fiscalité locale et pour l'amélioration de la qualité et la sécurité des logements, la sécurisation des ascenseurs et bientôt les économies d'énergie et le développement durable...

Très remontés également les bailleurs et les administrateurs de biens, qui gèrent pour eux une bonne moitié des logements locatifs privés, contre la réduction à un mois du dépôt de garantie demandé aux locataires : alors qu'on cherche à les mobiliser pour le développement de l'investissement locatif, ils dénoncent le mauvais signal donné par une réduction d'une garantie qu'ils jugent déjà faible contre les impayés et les détériorations occasionnées à leur logement ! Il suffit, disent-ils, que le locataire ne règle pas le dernier loyer avant de partir : il ne reste plus rien et il est trop tard pour réagir efficacement...

Colère encore plus grande, traduite dans un communiqué indigné de la FNAIM (Fédération nationale de l'immobilier) lorsqu'a été annoncé un amendement parlementaire visant à étaler sur la durée du bail (3 ans) le paiement de ce mois de dépôt de garantie !

Incompréhension enfin sur la mesure, différée celle-là, visant à interdire désormais aux propriétaires de demander des engagements de caution personnelle - de la famille, de l'employeur, etc. -, interdiction qui serait compensée par une garantie généralisée des loyers, dont on ne sait pas très bien si elle sera universelle, et donc obligatoire, ou facultative, en fin de compte comme aujourd'hui avec les assurances privées et la "GRL" (garantie des risques locatifs), qui couvre les locataires ne répondant pas aux critères de solvabilité exigés par les autres assurances. L'alternative joue évidemment sur le niveau de prime : estimé autour de 0,5% des loyers si la souscription est obligatoire, il est actuellement de 2,5 à 3% lorsque les propriétaires optent volontairement pour les formules proposées par les assureurs et les administrateurs de biens.

"Pourquoi nous imposer une assurance, et donc une charge supplémentaire, et nous interdire de bénéficier d'une garantie que les candidats locataires sont en mesure de nous apporter ?" demandent les propriétaires, feignant d'ignorer il est vrai que la préférence qu'ils accordent légitimement à ceux qui peuvent proposer une caution d'un parent ou d'un proche rend plus difficile l'accès au logement privé de ceux qui ne le peuvent pas, même avec des systèmes compensateurs qui ont prouvé leur efficacité comme le "Loca-pass"...

Mais les propriétaires ne sont pas les seuls à s'inquiéter de ce projet : les syndicats de salariés (CFDT, CGT, CFTC, CFE-CGC, CGT-FO), partenaires du 1% logement qui finance aujourd'hui la GRL et appelée à financer demain cette "GURL" (Garantie universelle des risques locatifs) qui se dessine, voulue par le président de la République, dénoncent les risques d'explosion du système si une mutualisation suffisamment large n'en garantit pas le financement ; Jean-Luc Berho, président de l'APAGL (l'Association pour l'accès aux garanties locatives, créée pour faire fonctionner la GRL), avertit : "à ce jour, les assurances privées et mutuelles couvrent les risques pour les locataires jusqu'à "33% de taux d'effort ; si on ne réussit pas une vraie mutualisation, il ne sera pas possible de tenir financièrement" ! Et de demander que les assurances et le 1% patronal prennent ensemble en charge tous les publics, sans cantonner ceux qui ont le moins de risque d'impayés aux assurances privées. "Sinon, nous allons à l'échec du système", insiste-t-il dans des propos rapportés par l'AFP, ce qui serait dommageable étant donné que le système GRL actuel assure "un accompagnement social des personnes en difficulté", ce que ne font pas les assurances qui passent au contentieux en cas de problème...

Même les associations de locataires, qui devraient pourtant applaudir, restent discrètes sur le sujet...


Vente des HLM et mobilité : un accord mais avec des verrous

La ministre du logement, Christine Boutin, et le président de l’Union sociale pour l’habitat (USH), Michel Delebarre, ont signé le 18 décembre un "accord relatif aux parcours résidentiels des locataires et au développement de l'offre de logements sociaux". C'est celui qui n'avait pu être signé lors des "réunions de chantier" de Lyon du 17 au 28 septembre derniers : la toute nouvelle ministre du logement n'avait pu réunir toute la famille des organismes HLM autour d'un accord visant à mettre annuellement sur le marché 40.000 logements sociaux - promesse phare du candidat Nicolas Sarkozy -, en vue de favoriser l'accession sociale à la propriété et de dégager des ressources pour la construction de nouveaux logements. On avait même dit que ce blocage avait compromis la venue du président Sarkozy à Lyon, où le ministère s'était décentralisé...

L'accord stipule que "le mouvement HLM prend en compte l'objectif de 40.000 ventes effectives par an fixé par les pouvoirs publics, qui pourrait être atteint en 2009 ou, plus probablement, en 2010". Mais, et c'était une condition, c'est sans engagement ferme : il est précisé que "le mouvement HLM ne peut s'engager que sur le nombre des logements sociaux mis en vente". Il est vrai qu'entre les logements mis en vente et ceux qui sont effectivement vendus aujourd'hui (6.000), le rapport est de 8 !

Il est même introduit une limitation : le stock de logements mis en vente ne peut pas dépasser le nombre de nouveaux logements sociaux financés dans l'année. "C'est l'assurance que le parc continuera à croître", précise l'accord.

Par ailleurs, les organismes conserveront l'initiative (pas de droit à l'achat pour les locataires !) et les ventes seront conditionnelles dans les communes gravement déficitaires de logements sociaux, notamment celles qui ne respectent pas encore la loi, notamment l'article 55 de la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) qui exige 20% de logements sociaux par commune : dans ces secteurs, il faudra financier deux nouveaux logements sociaux pour 1 vendu. Et si les maires sont en "carence" par rapport à l'article 55, la vente sera bel et bien interdite...

Enfin l'accord comporte un deuxième volet fondamental sur la mobilité au sein du parc. Pour l'améliorer, deux voies sont privilégiées :

- le renforcement des "surloyers" : "l'objectif est que les locataires dont les ressources dépassent le niveau intermédiaire (plafonds PLI) se voient appliquer un loyer de marché" pour inciter les ménages les plus aisés à quitter le parc ; il est notamment prévu l'instauration d'une clause de "revoyure" tous les trois ans pour réajuster le loyer aux ressources de certains locataires ;

- l'aménagement du droit actuel au maintien dans les lieux, qui évoluerait vers un droit au maintien dans le parc social", avec de surcroît la possibilité de mettre fin au bail en cas de sous-occupation ; exemple : des ménages âgés dont les enfants sont partis et qui refusent un logement de taille mieux adaptée...); même chose si le logement est insuffisamment occupé ("HLM résidence secondaire").

Là encore, les réactions sont mitigées : côté locataires, la CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) doute des mesures concernant les locataires de HLM qui auraient des revenus trop élevés pour rester en logement social : selon elle, 93% des locataires en HLM ont des revenus inférieurs aux plafonds de ressources, et la majorité des dépassements s’explique non pas par des revenus élevés, mais par le fait que les plafonds ont évolué moins vite que le coût de la vie...


Autres mesures du "plan logement" du président de la république

Elles ont été annoncées le 11 décembre 2007 lors d’un déplacement du président de la République à Vandoeuvre-lès-Nancy (1) et sont de trois ordres : la première série d'annonces a comblé d'aise les promoteurs et aménageurs, qui se sont exprimés immédiatement par un communiqué de la FPC (Fédération des promoteurs-constructeurs) : elle vise à augmenter le rythme de la libération de foncier par l’accélération de la vente par l’Etat de terrains lui appartenant, l’objectif étant que ces ventes permettent la construction de 60.000 logements nouveaux d’ici 2012. Une fois qu'il aura donné l'exemple, l'Etat "prendra la main" là où il apparaîtra que des communes marquent une carence manifeste à libérer du foncier constructible ; le recours aux "opérations d'intérêt national" sera également simplifié "si nécessaire"...

Le droit de l'urbanisme devra aussi être une nouvelle fois mis à contribution : Jean-Louis Borloo, dont le grand ministère inclut l'administration de l'équipement, a instruction de travailler ni plus ni moins qu'à une réécriture complète du Code de l'urbanisme "visant à le simplifier et à libérer le secteur de l'urbanisme du carcan qui l'étreint" et qui ne protège selon lui "en rien l'environnement de nos villes" !... Jean-Louis Borloo devra notamment préparer une réforme pour faciliter l'implication des aménageurs privés.

Le deuxième aspect concerne la contribution du parc privé à l'augmentation de l'offre locative : Christine Boutin et Christine Lagarde ont instruction d'élaborer "un régime unique d'aide à l'investissement locatif qui soit suffisamment avantageux pour permettre la location à des personnes à faible revenu" : "les avantages fiscaux doivent désormais être proportionnés aux avantages sociaux qui sont consentis à ceux qui en bénéficient", a notamment précisé le président.

On annoncerait la fin du régime "Robien" qu’on ne s’y prendrait pas autrement...

Dans la voie de la sécurisation des propriétaires bailleurs, il est suggéré d'expérimenter l'intervention d' "intermédiaires qui s'occuperaient des relations avec les locataires", les propriétaires louant à ces intermédiaires en étant ainsi sûrs de percevoir leur loyer ; et de citer Habitat et humanisme, en tant qu'association qui serait "partante", ou "des collectivités locales" ; Christine Boutin a instruction de préparer un "projet opérationnel" pour le début d'année...

Notons qu'en fait cela se pratique déjà, notamment à Paris, mais que les propriétaires ne se bousculent pas : peut-être qu'avec des incitations fiscales...

Enfin concernant les expulsions, désormais l'Etat "ne devra plus être défaillant dans l'exécution des décisions lorsqu'elles ont été prononcées par le tribunal", et que le locataire est de mauvaise foi. S'il est de bonne foi, "en amont (...) les dispositifs de prévention des expulsions sont encore à améliorer, et nous le feront", a-t-il notamment précisé...

Le quatrième aspect concerne l'encouragement à l'accession à la propriété au delà des mesures déjà prises sur la défiscalisation des intérêts d'emprunt : il s'agit notamment de développer encore plus qu'actuellement le crédit hypothécaire : Christine Lagarde a instruction de travailler avec les acteurs bancaires - dont on sait en réalité qu'ils sont devenus plus réticents sur les conditions d'octroi des crédits immobiliers dans le climat créé par la crise du "subprime" - sur le développement du crédit qui est pour le président "une priorité absolue" ! Et d'annoncer pour cela des "mesures de simplification du recours à l'hypothèque et de réduction de son coût"...

Le président demande aussi à Christine Lagarde de créer un dispositif permettant de rembourser d'abord les murs avant de rembourser le prix du terrain : en fait ce dispositif - appelé le "Pass-foncier" - a été créé par Jean-Louis Borloo du temps où il était ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, par convention signée le 20 décembre 2006 avec les partenaires sociaux du 1% logement (UESL) et la Caisse des Dépôts (CDC) ; le parlement est même sur le point de soumettre les opérations de ce type réalisées en 2008 et 2009 à la TVA à 5,5%...




(1) projet de loi pour le pouvoir d'achat

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