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Les français et l'immobilier (2ème partie) : locataires et acquéreurs dans la tourmente Le 28/2/2006
UI - Actus - 28/2/2006 - Les français et l'immobilier (2ème partie) : locataires et acquéreurs dans la tourmente
Après une radiographie plutôt rassurante des bailleurs privés, contrastant avec l'idée reçue d'une désaffection à l'égard de l'investissement locatif, un numéro double de la revue Economie et statistiques de l’INSEE (1) révèle, cette fois côté locataires et accédants à la propriété, une situation plus inquiétante : elle fait notamment ressortir que l’extension des aides au logement au début des années 1990, à l’origine d’un accroissement de la demande de logement des locataires à bas revenus, a entraîné une forte hausse de leurs loyers, que certes la part des propriétaires occupants a augmenté à nouveau entre 1997 et 2001, après 10 ans de pause, mais aussi que leurs difficultés à se loger se sont aggravées pour les plus modestes d'entre eux, sans que les aides telles que le PTZ y aient changé grand chose... Il analyse les rôles respectifs des facteurs déterminants de la formation des prix et des loyers : caractéristiques du logement, environnement social, distance aux emplois, etc.

(Suite de la 1ère partie : "Bailleurs privés qui êtes-vous ?")

Avec l’envolée des prix et des loyers, les difficultés de logement rencontrées par certaines catégories de populations et les problèmes posés par les grands ensembles, le logement est au cœur du débat social. Le paradoxe a été maintes fois décrit, qui fait coexister une situation de "crise du logement" (à preuve une proportion de logements vacants à son niveau le plus bas depuis la fin des années 1960), un niveau de production de logements inégalé depuis des décennies, et des conditions de logement des ménages qui n’ont jamais été aussi bonnes en termes de qualité du bâti et du confort !

Il est vrai, comme le souligne l'étude mentionnée, plus que les conditions de logement moyennes de l’ensemble des ménages, ce sont
surtout désormais les conditions de logement des ménages à faibles revenus qui retiennent l’attention. Si l’absence de confort sanitaire est maintenant un problème très marginal, le surpeuplement et l'inconfort sanitaire concerne encore un ménage d’au moins deux personnes sur cinq et les ménages à faibles revenus y sont bien davantage exposés que les autres ménages...


L'effet pervers des aides à la personne

Côté locataires, depuis la fin des années 1970, les aides directes à la personne (allocation logement, APL, Loca-pass et aides du 1% logement), sont devenues l’instrument majeur de la politique du logement au détriment des aides à la pierre, dont l’efficacité avait été remise en cause lors de la réforme de 1977. Les aides à la personne permettent, en théorie, de mieux cibler les populations pour qui le logement, premier poste de consommation des ménages, représente une charge jugée trop importante. Or le développement de ces aides s’est accompagné d’une augmentation du coût du logement pour les ménages locataires les plus défavorisés : l'étude constate que sur la période, les loyers au m2 ont augmenté plus vite que l’indice des prix pour tous les segments de la population de locataires classée par revenus, mais surtout que la hausse est beaucoup plus forte pour les ménages du premier segment, qui sont ceux qui ont bénéficié pour l’essentiel de la réforme. Ces ménages du premier "quartile", qui acquittaient jusqu’en 1988 – c’est-à-dire avant la réforme – des loyers au m2 inférieurs à la moyenne, acquittent depuis 1996 –
après la réforme – des loyers sensiblement supérieurs à la moyenne.

Au total, l'étude conclut qu’entre 50 et 80 % du surcroît d’aides a été absorbé par les augmentations de loyers. Surtout, les effets persistent en 2002 (dix ans après la réforme), ce qui laisse penser que la réponse de l’offre (de la part du secteur privé, en direction des ménages à bas revenus autres que les étudiants) est pour le moins lente à se manifester, tout semblant se passer comme si, en dépit de la hausse des loyers permise par les aides, les opérateurs privés ne souhaitaient pas accroître leur offre de logements en direction des ménages les plus modestes...


Des acquéreurs plus nombreux mais prudents

Côté propriétaires, après une pause qui aura duré près de dix ans, la part de propriétaires occupants a de nouveau augmenté entre 1997 et 2001. Au cours de cette période, près de 600.000 ménages par an ont acquis leur résidence principale, soit environ un tiers de plus que pendant les huit années qui ont précédé. Ces acquéreurs récents sont dans leur grande majorité des accédants à la propriété, c’est-à-dire qu’ils ont eu recours à l’emprunt pour financer leur opération.

Parmi les facteurs qui ont favorisé cette reprise, la forte baisse des taux d’intérêt enregistrée au cours de la seconde moitié des années 1990 est sans aucun doute le plus important comme cela a été dit et répété. Outre son incidence directe sur le montant des mensualités d’emprunts, cette baisse a en effet rendu plus efficace l’allongement des durées des prêts. Autre élément favorable, la rénovation du dispositif d’aide à l’accession sociale, avec la mise en place à la fin de 1995 du prêt à taux zéro (PTZ), ouvert à un nombre de bénéficiaires illimité, et dont le succès a été immédiat.

Toutefois, et malgré la stabilisation des barèmes d’aides personnelles à l’accession à la propriété, après dix années d’érosion continue, l’accession aidée est plutôt en perte de vitesse ; si le nombre d’accédants aidés progresse légèrement, leur part relative et notamment celle des "primo-accédants" est comme cela apparaît dans les chiffres de ces dernières années en diminution sensible : seuls six acquéreurs récents sur dix accèdent pour la première fois à la propriété de leur résidence principale ; les autres étaient déjà propriétaires de leur logement précédent ou l’avaient été antérieurement.

La prédominance de l’ancien et de l’individuel - souvent construit par le futur propriétaire - dans l’ensemble des logements acquis, déjà constatée dans le passé, est de plus en plus marquée. La part du neuf et de l’individuel diminue lorsque la taille de l’agglomération augmente. Les maisons individuelles sont particulièrement prisées par les couples avec enfants, alors que le collectif n’est majoritaire que chez les personnes seules, pour la plupart relativement âgées et dont la part dans l’ensemble des acquéreurs récents est faible.

Les logements acquis sont très majoritairement de grande taille : plus de sept sur dix ont au moins quatre pièces. En individuel, les
logements de cinq pièces ou plus représentent pratiquement la moitié des acquisitions récentes. À l’opposé, les acquéreurs de petits logements (une ou deux pièces) sont rares (moins de 10% : il faut croire que ces logements ne sont acquis pratiquement que par les investisseurs...).

L'étude fait encore ressortir que parmi les acquéreurs récents, les ménages aisés sont largement majoritaires : moins d’un quart d’entre eux a un revenu inférieur au revenu médian et un peu plus de la moitié fait partie des 30% de ménages aux revenus les plus élevés. L’aspiration à la propriété est la principale motivation des acquéreurs qui sont prêts pour cela à consentir un effort financier important. Il n'est pas étonnant de constater une baisse sensible du taux d’apport personnel, et une importance croissante de l’aide familiale lors de la première accession...


L'effet d'aubaine du PTZ

Le prêt à taux zéro (PTZ), qui est traité par les banques comme un complément d'apport personnel, a-t-il eu un effet sur la demande de logement et a-t-il aidé à la "primo-accession" ? Le manque de données disponibles depuis 1995 et surtout depuis la mise en place en 2005 du "nouveau PTZ" ne permet pas de l'affirmer, même s'il est indéniable que le prêt à taux zéro a bien un effet déclencheur de l'acte d'achat et que cet effet touche principalement les ménages les plus modestes parmi les accédants. La plupart de ces ménages seraient restés, en l’absence de l’aide, dans le logement qu’ils occupent en attendant d’accumuler l’épargne nécessaire à un apport personnel...

En contrepartie, le PTZ souffre d’effets d’aubaine importants. Les estimations montrent que 85% des bénéficiaires dans une période donnée auraient tout de même choisi de déménager pour devenir propriétaires en l’absence du prêt à taux zéro. On ne constate même pas que ceux-là achètent grâce au PTZ un logement de meilleure qualité ! Du coup, son coût eu égard au résultat obtenu en termes d'investissement additionnel obtenu de la part des bénéficiaires est exorbitant : coûtant environ 7 à 8.000 euros par bénéficiaire là en comparaison avec les aides classiques à la personne qui sont de 1.000 euros par bénéficiaire et par an, chaque euro dépensé par l'Etat ne "produit" que 1,3 euro d'acquisition additionnelle, du moins en moyenne ! Ce faible résultat s'explique par un "ciblage trop large des bénéficiaires : dans les tranches de revenus où l'effet déclencheur d'achat est plus important, le rendement de l'euro investi monte à 6 ! Or la politique du gouvernement ignore apparemment cette réalité puisqu'il vient d'élargir encore en 2006 la cible des bénéficiaires...


Comment la demande influe sur les prix et les loyers des logements

Une méthode d'analyse des prix complexes, dite des "prix hédonistes" permet d’estimer le prix des différents attributs d’un logement (taille, confort, environnement proche ou lointain, etc.) à partir de son prix global, l’hypothèse étant qu’un logement est un ensemble d’éléments homogènes et indissociables, qui sont vendus en bloc et que le consommateur transforme pour obtenir de l’utilité. La méthode a été appliquée pour 1996 sur le secteur locatif libre des villes, de leurs banlieue et de leurs couronnes périurbaines ; résultat : la surface habitable d’un logement et son équipement sanitaire jouent fortement sur le loyer. Les caractéristiques de l’immeuble (collectif ou individuel, date de construction, état) ont également un rôle important.

L’accessibilité au centre d’emploi et la qualité sociale du voisinage sont les attributs "extrinsèques" du logement qui ont le plus d’impact. Cependant, le coût réel de l’éloignement du centre serait sous-estimé par les ménages. Confrontés au choix entre le coût d’accessibilité et le besoin d’espace, les ménages aisés donnent la préférence au second et ils se localisent de préférence à la périphérie des villes.

Les autres aménités ou nuisances locales (criminalité, bruit, pollution, aménités rurales, etc.) exercent une influence réduite ou même nulle. Les dégradations de l’immeuble affectent davantage le loyer que le bruit ou la criminalité, qui sont loin d’avoir l’importance escomptée...


Ce qui fait bouger locataires et propriétaires occupants

Les cinq dernières enquêtes Logement (1984-2002) confirment le rôle des facteurs qui expliquent habituellement la mobilité résidentielle (âge, revenu, niveau de formation, structure familiale et caractéristiques du logement).

Les événements familiaux s’avèrent des facteurs de mobilité résidentielle plus déterminants que ceux liés à l’emploi. Ces derniers ne jouent le rôle principal que dans le cas de la mobilité de longue distance, aux côtés du diplôme, de l’âge, du revenu et de la taille du ménage. La mobilité de courte distance, bien qu’en recul relatif, reste majoritaire.

Les facteurs explicatifs de la mobilité ont pour la plupart peu changé en vingt ans. Cependant, toutes choses égales par ailleurs, en 1984, les locataires HLM étaient plus mobiles que ceux du secteur privé, alors qu’en 2002, c’est la situation inverse. Enfin, la conjoncture économique d’ensemble et l’état du marché de l’emploi, en particulier, influencent fortement la mobilité résidentielle, plus particulièrement celle des locataires : un chômage global élevé s’accompagne d’une mobilité plus faible !

A partir de l'enquête de 2002, on constate que les événements les moins fréquents - modifications de la composition du ménage et des conditions d’emploi - sont ceux qui ont le plus d’influence sur la mobilité : formation et séparation des couples, changement d’établissement et, en dernier lieu, naissance...

La décohabitation des jeunes est aussi un phénomène analysé dans l'étude : la façon dont les jeunes quittent le domicile de leurs parents s’est modifiée pendant les vingt dernières années sous l’effet de la poursuite massive des études supérieures et des fluctuations du chômage. L’augmentation de la co-résidence avec les parents de 1984 à 1996 est venue pour l’essentiel du développement des études supérieures, même si paradoxalement les étudiants ont de moins en moins co-résidé sur la période. Entre 1996 et 2002 au contraire, la co-résidence a diminué avec la baisse du chômage.

Même si le taux de co-résidence des enfants actifs a légèrement augmenté sur la période 1984-2002, le fait pour un enfant de gagner sa vie marque toujours logiquement le signal du départ. En revanche, il reste apparemment difficile de savoir l'influence du niveau de revenu parental sur le choix des jeunes adultes de quitter le domicile de leurs parents...

L'influence du mode de logement sur le revenu réel des français

La hiérarchie des revenus et le classement de la population dans les différentes catégories - bas, moyens et hauts revenus - ne sont pas les mêmes suivant que les revenus sont considérés pour leur valeur brute ou qu'il est pris en compte le statut d'occupation - propriétaire ou locataire - de la résidence principale, et pour les locataires le type de parc considéré : parc privé ou social. Pour les travaux sur les inégalités, la théorie économique recommande en effet d’imputer aux propriétaires occupants le "loyer fictif" qu’ils pourraient tirer de leur logement en le louant, et aux locataires du parc social, la "subvention implicite" représentée par le différentiel de loyer entre secteur social et secteur privé.

La prise en compte de ces facteurs bouleverse la hiérarchie des niveaux de vie et conduit à une nouvelle composition de la population considérée comme à bas revenus plus jeune et plus urbaine, plus locataire aussi. Surtout, cette correction accentue le contraste entre les conditions de logement des ménages à bas revenus et celles des autres ménages et met en relief la relative incapacité du parc social à pallier ce handicap, tout en révélant une certaine aptitude de ce même parc, en raison de sa plus grande homogénéité, à assurer aux plus défavorisés des conditions de logement de meilleure qualité que celles proposées par le parc privé, si l’on excepte la question de l’insécurité...


(1) Logement : aspects économiques et sociaux - Economie et statistique n° 381-382 - 2005

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