Dans son rapport annuel présenté le 30 janvier, la fondation Abbé Pierre met cette fois l'accent sur une des formes de mal-logement les plus difficiles à vivre : le surpeuplement. Alors qu'il était en déclin depuis plusieurs décennies, le surpeuplement connaît une recrudescence inquiétante au cours des dernières années. Le nombre de personnes concernées a nettement progressé entre 2006 et 2013, puisque 7,6 millions de personnes vivent désormais dans un logement en surpeuplement "modéré" (contre 6,8 millions en 2006, soit une hausse de 11,5%), et 934.000 personnes en surpeuplement "accentué" (contre 797.000 en 2006, soit une hausse de 17,2 %).
La fondation fait observer qu'il existe une certaine tolérance à l'égard de ce phénomène : perçu comme inéluctable sur les territoires tendus, il est présenté par d'autres comme un "choix" voire comme une "solution" face aux difficultés de logement des ménages en situation de précarité. Bien que les analyses soient rares, les conséquences multiples de la sur-occupation pour les ménages sont connues : dégradation du logement, augmentation des risques domestiques, impacts sur la santé physique et mentale, difficultés rencontrées dans le développement et la scolarité des enfants, tensions et violences intra-familiales… Une étude de l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) a tout de même permis d'établir que, toutes choses égales par ailleurs, un individu en sur-occupation a 40% de risques supplémentaires de se déclarer en mauvaise santé. Le surpeuplement fait apparaître, selon la fondation, une autre fracture, générationnelle : les jeunes pour qui le taux de surpeuplement est de 15% pour les moins de 30 ans, contre 3,5% chez les plus de 55 ans.
Le problème doit d'autant plus inquiéter, annonce la fondation, qu'il est alimenté par des dynamiques sociales qui ne semblent pas devoir se tarir dans un avenir proche : augmentation de la pauvreté et de la précarité, évolution des structures familiales, phénomènes migratoires, etc. Et bien que, le surpeuplement produise des dommages importants, l'intervention publique visant à s'y attaquer reste marginale dans les politiques de l'habitat. Ce phénomène génère pourtant des coûts économiques, et sociaux élevés qui qui devront, tôt ou tard, être supportées par la collectivité.
La fondation préconise des mesures spécifiques pour traiter le surpeuplement :
- Renforcer la priorité accordée aux demandeurs HLM qui vivent dans des logements en "sur-occupation accentuée" ;
- Favoriser les demandes de mutations des ménages en situation de sous-peuplement, pour libérer de grands logements ;
- Élargir les conditions d'éligibilité au DALO (Droit au logement opposable) pour mieux prendre en compte le critère de surpeuplement ;
- Faire de l'allocation-logement un levier pour traiter les situations de surpeuplement, en proposant un relogement effectif et en signalant aux préfets les cas de surpeuplement dès l'entrée dans les lieux ;
- Inciter les préfets à être plus volontaristes en matière de lutte contre la "sur-occupation du fait du bailleur".
Des actions d'amélioration de l'habitat peuvent aussi traiter le surpeuplement de façon indirecte. En donnant plus d'efficacité aux politiques d'amélioration de l'habitat, de traitement de l'insalubrité, rénovation urbaine etc. Des mesures de portée générale, telles que produire davantage de petits et de grands logements accessibles, de qualité dans des secteurs attractifs et des logements évolutifs, capables de s'adapter aux évolutions de la composition familiale.
Source : Fondation Abbé Pierre 23e rapport sur l'état du mal-logement en France 2018
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