Dans un communiqué commun, l'Union sociale pour l'habitat (USH - ex Union des HLM) et l'ARC Association des responsables de copropriété), dans un rapprochement suffisamment inhabituel pour être remarqué, disent tout le mal qu'ils pensent de la généralisation de l'individualisation des frais de chauffage, et dénoncent une mesure "inutile et coûteuse pour les locataires et les propriétaires".
L'installation, au plus tard le 31 mars 2017, de compteurs thermiques pour répartir le coût de l'énergie dans les immeubles à chauffage collectif dont la consommation dépasse 150 kWh/m² de surface habitable (SHAB) par an, a été rendue obligatoire par un décret du 23 avril 2012 et un arrêté du 27 août de la même année. Ces textes ont en fait remis en vigueur une obligation datant d'une loi de... 1974, et qui faute de textes d'application mis à jour, était restée lettre morte. N'en sont dispensés que les immeubles dont l'installation de chauffage ne permet pas aux occupants de régler la quantité de chaleur souhaitée. Pour les immeubles collectifs dont moins de 20% des émetteurs de chaleur sont équipés d'organes de régulation en fonction de la température intérieure de la pièce, le seuil de consommation est porté à 190 kWh/m²SHAB.an.
La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte n'a pas innové en la matière, l'administration, convaincue par le lobby des fabricants et exploitants de compteurs de l'effet vertueux de la répartition des charges en fonction des consommations, ayant mis en place la réglementation dès 2012. Dans le même état d'esprit, elle rend juste obligatoire dans les copropriétés, à compter du 19 février prochain, d'inscrire les travaux d'installation de répartiteurs à l'ordre du jour des assemblées des immeubles concernés par la réglementation, et instaure une obligation de justification par les propriétaires d'immeubles et syndics de copropriétés de l'installation des répartiteurs de frais de chauffage, ainsi que la possibilité de contrôles et d'amendes en cas de non-respect des dispositions.
Le problème est que, derrière ce qui pourrait passer pour une bonne idée - responsabilisés, les occupants consommeront moins -, pourrait se cacher, au-delà des défaillances techniques fréquemment rencontrées, une mesure que les signataires du communiqué estiment "injuste et inutilement coûteuse".
Pour l'USH et l'ARC, plusieurs éléments n'ont pas été pris en compte par les pouvoirs publics. D'abord que pour que l'individualisation des frais de chauffage bénéficie aux ménages, il est nécessaire que les économies pouvant être générées par les dispositifs à mettre en œuvre soient supérieures aux coûts récurrents de ces installations. Or, cela n'est le cas que pour les seuls immeubles énergivores. Dans les autres, la généralisation des dispositifs d'individualisation va peser sur le pouvoir d'achat de 1,3 million de ménages en HLM et 2,3 millions de ménages en copropriété. Dans le seul parc social, l'impact de cette disposition coûtera en outre 670 millions d'euros, au détriment des investissements des organismes HLM sur l'entretien et la rénovation, notamment énergétique. Pour les copropriétaires, l'impact est estimé à 1,76 milliards d'euros.
De surcroît, selon les signataires, cette disposition renforcera l'inégalité entre les occupants. "Dans les immeubles collectifs, ce sont les personnes âgées et les familles avec de jeunes enfants qui, devant chauffer leur logement toute la journée, paieront le chauffage de leurs voisins. A l'inverse de l'eau domestique, dont chacun peut maîtriser la consommation, le chauffage se diffuse en effet à l'échelle du bâtiment."
Dans des communications antérieures, l'ARC avait aussi fait valoir, non sans raisons, que dans les copropriétés, l'installation de répartiteurs pourra être considérée par de nombreux copropriétaires comme une mesure suffisante pour économiser l'énergie, et servir de prétexte pour refuser des travaux d'isolation ou d'amélioration de l'efficacité énergétique de l'installation de chauffage.
L'USH et l'ARC demandent donc aux pouvoirs publics de revenir d'urgence sur cette disposition législative, et rappellent que d'autres solutions, mieux adaptées et plus économiques, existent pour sensibiliser les ménages à la maîtrise de leur consommations énergétique.
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